Leur absence lors de la conférence était le signe général d’un manque de prise en compte de l’opinion des femmes quant aux perspectives de reconstruction à long terme en Haïti, selon les activistes de l’égalité des sexes.
« Pourquoi ne sommes-nous pas là maintenant ? Où sont les femmes à cette conférence ? », s’est interrogée Marie St. Cyr, défenseuse haïtienne des droits humains. « Nous ne participons pas encore pleinement [au processus] et nous n’y sommes en aucun cas pleinement incluses. Les femmes haïtiennes continuent à être violées… ce sont elles qui subviennent aux besoins de plus de la moitié des foyers et pourtant, on ne les entend pas ».
Plus d’une centaine de groupes de femmes ont assisté à une conférence alternative organisée par MADRE, organisme new-yorkais de défense des droits. Mme St. Cyr a expliqué qu’elle faisait pression depuis un mois pour participer à la conférence des bailleurs, mais n’avait reçu aucune réponse de la part des divers coorganisateurs, dont les Nations Unies, et les gouvernements haïtien et américain.
Une vision plus audacieuse
Représentante de l’Etat du Massachusetts, née en Haïti, Marie St. Fleur, qui représentait la diaspora à la conférence principale, a dit qu’elle n’était pas surprise de n’apercevoir dans l’assistance que quelques visages de femmes. Le texte de l’Evaluation des besoins post-catastrophe (PDNA), plan de rétablissement publié par le gouvernement haïtien, présentait le même manque de diversité des sexes, a-t-elle expliqué.
« La reconstruction doit être envisagée de manière plus audacieuse, et à l’heure actuelle, les femmes n’ont pas de place très claire dans ce processus », a dit Mme St. Fleur à IRIN. « Mais je pense que nous faisons erreur quand on dit que les femmes doivent avoir une place : il ne faut pas qu’elles soient reléguées dans un coin comme cela. Les femmes et les filles doivent être intégrées à l’ensemble de ce plan. Et ce n’est pas le cas à l’heure actuelle ».
Dans le rapport de PDNA, la reconstruction est divisée en huit thèmes principaux, dont la gouvernance, les secteurs des infrastructures, et le développement de l’environnement et des risques de catastrophe. Les femmes ne sont incluses que dans le « secteur de portée générale », qui traite également de la jeunesse et de la culture.
Photo: Nancy Palus/IRIN |
Une femme dans les rues de Port-au-Prince |
Permettre la participation des experts de l’égalité des sexes à tous les secteurs de la reconstruction, et assurer que les voies de financement prévoient une allocation de fonds adaptée aux besoins de chaque sexe fait partie des propositions du rapport alternatif, selon Kathy Mangones, représentante du bureau haïtien du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme(UNIFEM).
Plus de temps à perdre
Les femmes d’Haïti n’ont toutefois pas le luxe d’attendre pour agir, a noté Mme St. Cyr. Avant le tremblement de terre, elles dirigeaient la moitié des foyers du pays, un taux qui a désormais augmenté, les femmes accueillant chez elles les enfants d’autres familles.
Quant à la question de la violence sexuelle, si elle reste aussi extrêmement grave, les rapports qui en attestent sont rares.
Edmond Mulet, directeur par intérim de la mission des Nations Unies en Haïti, connue sous le nom de MINUSTAH, a dit la semaine dernière au cours d’une conférence de presse que si l’on en ignorait les statistiques exactes, les cas de violence sexuelle et de viols déclarés étaient de plus en plus nombreux. Les Nations Unies considèrent cette question comme « urgente », a-t-il ajouté, et prévoient de déployer incessamment une Unité de police formée (FPU) bangladaise, exclusivement composée de femmes soldats de maintien de la paix. Il s’agira de la deuxième FPU exclusivement composée de femmes jamais déployée par les Nations Unies ; selon M. Mulet, la présence de ces femmes dans les camps de déplacés, souvent surpeuplés et mal éclairés, « sera extrêmement utile ».
Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, a noté pour sa part lors de la conférence de presse qui marquait la clôture de la conférence principale des bailleurs, qu’il restait « douloureusement conscient, en particulier, des cas de violence sexuelle déclarés ». Hilary Clinton, secrétaire d’Etat américaine, et Helen Clark, administratrice du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) entre autres, ont également évoqué la nécessité d’accorder la priorité aux besoins des femmes.
Toutefois, sans femme autour de la table, ces bons sentiments n’ont pas abouti, selon Mme St. Cyr.
« Nous devons être entendues, parce que le système nous a lamentablement déçues. Ces échecs systématiques ont montré que notre avis n’avait pas été pris en compte et qu’il n’était pas prioritaire », a-t-elle déploré. « Cela va au-delà des mots. Au-delà des lois qui ne sont pas mises en application. Au-delà des dollars. Haïti est un pays en déliquescence que l’on enterre progressivement. Ce n’est pas le séisme qui a enterré Haïti ; Haïti est continuellement enterré depuis des années, et il est temps que nous l'aidions à se sortir de là ».
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