1. Accueil
  2. Africa

Briefing – Le who’s who de l’opposition armée au Burundi

En l’absence de pourparlers à l’ordre du jour, la menace de guerre civile s’accroît

Burundi police Will Baxter/IRIN

Un an après la décision controversée du président burundais Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, les violences politiques auront causé la mort de plus de 1 150 personnes, selon l’organisation non gouvernementale de suivi des conflits ACLED.

Le Burundi est de plus en plus divisé : l’opposition armée s’étend, des opposants au gouvernement disparaissent et la torture, les détentions arbitraires et le contrôle des médias sont de plus en plus courants. Les tenants de la ligne dure au sein du gouvernement semblent déterminés à abandonner l’accord d’Arusha — l’entente de partage du pouvoir entre élites hutu et tutsi qui a mis fin à 13 ans de guerre civile.

« En ethnicisant son discours et en affichant sa volonté de mettre fin à la démocratie de consensus d’Arusha, le régime est entré en rupture ouverte avec une partie du pays, » a écrit International Crisis Group (ICG) dans son dernier rapport. Déjà 250 000 personnes ont fui le pays.

La société burundaise a fait preuve de courage en résistant aux incitations à la division ethnique. L’opposition à M. Nkurunziza est généralisée, mais elle est néanmoins touchée par des clivages ethniques et « le schéma de répression actuel (dénonciation d’un complot tutsi, milicianisation des services de sécurité, constitution d’unités fidèles au pouvoir) ravive la crainte d’une répétition des violences de masse du passé », peut-on lire dans le rapport d’ICG.

M. Nkurinziza refuse tout dialogue avec le Cnared (Conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi et de l’État de droit), qui comprend notamment des groupes armés. Cette alliance d’opposition est pourtant reconnue par l’Union africaine et les autres États de la région comme interlocuteur du gouvernement.

Jusqu’à présent, les pires violences ont eu lieu en décembre 2015 à Bujumbura, lorsque des hommes armés ont mené des attaques coordonnées contre les bases militaires de Ngagara, Musaga, et Mujejuru. Au moins 87 personnes auraient été tuées. La police a alors riposté par des descentes dans la capitale. Des dizaines de corps de civils ont été retrouvés dans des charniers au cours des jours et des semaines qui ont suivi. Mais la violence n’est pas unilatérale : au moins un charnier a été découvert dans un quartier de l’opposition.  

En l’absence de pourparlers constructifs, la violence armée et le risque d’une véritable guerre civile augmentent. Alors que les groupes d’opposition prolifèrent, voici un aperçu des principaux mouvements d’insurrection :

Les Forces nationales de libération (FNL)

Les FNL, bras armé du Parti pour la libération du peuple hutu (PALIPEHUTU), opèrent depuis plus de vingt ans dans le sud de la région d’Uvira, zone de non-droit de l’est de la République démocratique du Congo. En 2013, leur dirigeant, Agathon Rwasa, sorti vaincu d’une lutte pour le pouvoir, a quitté le maquis pour revenir sur la scène politique burundaise. Les FNL sont aujourd’hui commandées par Aloys Nzabampema, sous la direction politique d’Isidore Nibizi. 

President Pierre Nkurunziza of Burundi. For generic use
World Economic Forum/Eric Miller
President Pierre Nkurunziza may seek another term in office

Les FNL se sont infiltrés plus massivement au Burundi en 2014 par la réserve de la Rukoko, frontalière aux deux pays. Ses membres accusent M. Nzurunziza de les traiter comme des « citoyens de seconde zone » et ont fait le vœu de le destituer. M. Rwasa, en revanche, a choisi de travailler avec le gouvernement, n’en déplaise à de nombreux partisans des FNL au Burundi.

Les FNL ont été pris pour cible par l’armée congolaise et par la mission de maintien de la paix des Nations Unies en 2014, puis en 2015. Mais le mouvement recrute. Selon Refugee International, des réfugiés du camp de Mahama, au Rwanda, ont témoigné avoir été abordés par des représentants des FNL (et par le Mouvement pour la solidarité et la démocratie, ou MSD, parti d’opposition burundais). Un rapport des Nations Unies qui a fuité dans la presse en janvier 2016 donne les détails d’un entretien avec 18 réfugiés burundais arrêtés dans la région d’Uvira, qui ont affirmé avoir suivi un entraînement mené par les autorités rwandaises et avoir reçu de faux papiers.

Les FNL sont actives dans la province de Bujumbura-Rural, qui entoure la capitale. En mars, les armées burundaise et congolaise ont lancé une opération conjointe à la frontière visant les FNL. En avril, le mouvement a libéré un officier burundais capturé dans la région.

Résistance pour un État de droit au Burundi (RED-Tabara)

Ce groupe s’est créé l’année dernière et serait composé d’anciens soldats, policiers et rebelles démobilisés. Son « chef d’état-major », Melchiade Biremba, a affirmé que son objectif était de « chasser Nkurunziza et sa clique », puis de mettre en place un gouvernement de transition pour organiser des élections libres et crédibles. RED-Tabara partage les « mêmes objectifs » que le Cnared, mais « les voies et moyens que nous empruntons sont différents », a-t-il dit.

RED-Tabara est considéré comme le bras armé du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (voir plus haut) dirigé par Alex Sinduhije — ce qu’a réfuté M. Biremba. Ce groupe est particulièrement actif à Bujumbura. Il affirme ne s’attaquer qu’aux forces de sécurité, mais des civils ont également été victimes d’attaques à la grenade. Selon M. Biremba, RED-Tabara est unie à d’autres mouvements d’insurrection dans son opposition à M. Nkurunziza, mais « chacun a sa propre stratégie militaire ».

Forces républicaines du Burundi (FOREBU)

Dirigé par le général Godefroid Niyombare, qui a mené un coup d’État avorté contre M. Nkurunziza en mai de l’année dernière, le FOREBU soutient l’accord d’Arusha et la réforme d’une armée post-Nkurunziza. Il compte dans ses rangs des membres de l’establishment des services de sécurité comme Philbert Habarugura, ancien général chargé de ses forces armées, le colonel Gilles Ndihokubwayo qui occupe le poste de « chef d’état-major » et un ancien commissaire de police, Edward Nibigira, porte-parole du groupe. 

Relatives of a student killed last night in the Jabe neighbourhood of Bujumbura mourn at home in the Burundian capital on June 28, 2015. At least two people were killed last night during violence
Phil Moore/IRIN
Relatives of a student killed last night in the Jabe neighbourhood of Bujumbura mourn at home in the Burundian capital on June 28, 2015. At least two people were killed last night during violence

Après avoir été commandant au sein du CNDD-FDD de M. Nkurunziza avant l’accès de ce dernier au pouvoir, M. Niyombare est devenu en 2009 le premier Hutu nommé chef d’état-major général. Peut-être plus important encore, il a participé aux pourparlers de paix avec les FNL avant la vague d’affrontements que connaît le pays actuellement. M. Niyombare a dirigé les services de renseignement avant d’être révoqué en 2015 pour s’être opposé à la décision de M. Nkurunziza de briguer un troisième mandat.

Le FOREBU aurait participé à l’attaque d’un commissariat de police à Musaga (Bujumbura) en février 2016 qui a fait quatre morts parmi la milice progouvernementale des Imbonerakure. Il a également mené des attentats à la grenade conjoints avec RED-Tabara dans les quartiers de Cibitoke et Kinanira de la capitale, qui, selon des témoignages, visaient des civils. Son principal coup d’éclat a été l’assassinat du lieutenant-colonel Darius Ikurakura dans une base militaire de Bujumbura en mars. Considéré comme l’homme de main du régime, M. Ikurakura était responsable des opérations de sécurité dans les bastions de l’opposition de Bujumbura.

Le FOREBU estime que le dialogue est l’unique voie de sortie de la crise, mais il entend poursuivre la lutte armée tant que le gouvernement refusera de participer à un dialogue inclusif.

Union des patriotes pour la révolution (UPR)

Né en février à Karuzi, dans l’est du pays, ce groupe déclarait dans un communiqué annonçant sa création qu’il était composé de « cadres civils et militaires » déterminés à « instaurer un régime démocratique ».

D’après le Burundi News : « L’UPR est dirigé par Antoine Sinzumunsi, ancien substitut général près de la cour d’appel de Bujumbura […]. Il a été de janvier 2010 à mai 2012 un inspecteur de la justice. Il revendique lui aussi quelques dizaines de combattants. »

Mouvement de la résistance populaire (MPR)

Mouvement apparu en décembre 2015 dans un communiqué de presse signé par l’autoproclamé leader militaire Didier Nyambariza, ancien policier qui a fui le pays après les élections controversées de 2010 boycottées par l’opposition. Le groupe se serait entraîné dans les montagnes congolaises du Sud-Kivu. Il n’a revendiqué aucune attaque.

Force de libération de la démocratie au Burundi (FLDB)

Ce mouvement a annoncé sa création sur les réseaux sociaux en mai 2016. Son chef miliaire est Célestin Manirakiza, ancien rebelle au sein des FDD de M. Nkurunziza. Il a travaillé à des postes haut placés dans la police et notamment dans le Groupement mobile d’intervention rapide, unité spéciale accusée de détentions illégales et de torture.

Mouvement patriotique chrétien (MPC)

On en sait peu sur ce mouvement, qui n’a annoncé sa création qu’en mai 2016. Il est dirigé par un mystérieux personnage, Jean-Paul Ndendakumana, inconnu des milieux politique et militaire.

oa/ag-ld/amz 

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join