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Emprisonné pour homosexualité, il meurt du sida après des mois sans procès

Après avoir passé plus d’un an en prison pour homosexualité présumée, après y avoir été violé et maltraité, Alim est mort des suites du sida, à l'Hôpital central de Yaoundé, la capitale camerounaise, dix jours après sa libération. Alim faisait partie de la trentaine de personnes arrêtées un soir de mai 2005 dans un bar de Yaoundé, pour “homosexualité”, un crime, selon le code pénal camerounais, passible de six mois à cinq ans de prison ; la plupart d’entre elles avait été relâchée, tandis que neuf autres personnes étaient transférées à la prison centrale de Yaoundé. “Nous étions tous entrés en bonne santé en prison...”, a commenté Lambert, l'un de ses compagnons d'infortune, qui a veillé sur Alim jusqu’à sa mort, dans la nuit du 20 au 21 juin. Il a affirmé que certains d’entre eux avaient été victimes d’agressions et de viols dans leurs cellules, des faits que leur avocate, Maître Alice Nkom, tient désormais à porter à l’attention de la Cour suprême “pour établir toutes les responsabilités sur les abominations subies par les jeunes hommes incarcérés”. L’avocate a dénoncé lundi l'acharnement du procureur qui a refusé, lors d’un premier jugement, de relâcher ces hommes, réclamant un second procès. Celui-ci avait abouti, le 12 juin, à la condamnation à dix mois de prison ferme de sept des détenus et à la relaxe des deux autres. Les accusés, ayant déjà purgé leur peine, ont pu quitter la prison le jour même. “S’il avait été libéré le 21 avril après le non-lieu rendu par le juge en charge de l'affaire, peut-être Alim aurait-il été sauvé”, a expliqué Maître Nkom à PlusNews. Plusieurs organisations internationales de défense des droits de l'homme, dont Amnesty international, avaient affirmé, dès décembre 2005, que la procédure judiciaire avait été violée, les accusés n'ayant notamment pas été présentés à un juge dans les délais prévus par la loi. Pour Lambert, qui se demande toujours pourquoi ses amis et lui ont été arrêtés, l’injustice est flagrante. “Aucune loi n'interdit d'être homosexuel au Cameroun. Ce qui est interdit, c'est la pratique [de l’homosexualité]. Or, quand nous tous avons été arrêtés, nous buvions un verre, c'est tout !”, a-t-il expliqué. Les activistes de la lutte contre le sida ne cessent de dénoncer la pénalisation de l’homosexualité qui nuit à la prévention des infections sexuellement transmissibles et du VIH/SIDA chez ce groupe à risque, dont les membres, parce qu’ils vivent leur sexualité dans la clandestinité, ne peuvent avoir accès à une information et des soins appropriés. Ainsi, Lambert a appris la séropositivité d’Alim après que celui-ci est tombé gravement malade, au cours de leur détention - un dépistage au VIH a été réalisé à l’infirmerie de la prison. Chaque semaine, des prisonniers meurent “Deux mois avant que nous ne soyons libérés, je l'ai fait hospitaliser [à l'infirmerie]. Mais les conditions sanitaires y sont lamentables : les rares médicaments disponibles sont souvent périmés et si on n'a pas d'argent, il ne se passe rien, on ne vous soigne pas, vous attendez seulement”, a-t-il raconté. Il a ajouté que “chaque semaine, plusieurs prisonniers meurent en prison. Les détenus chez qui on détecte la tuberculose ne sont pas forcément mis à l'écart.” Selon une étude menée il y a deux ans dans la prison surpeuplée de New Bell, dans la ville portuaire de Douala, chaque cellule contient en moyenne deux personnes atteintes de tuberculose et contagieuses. Un patient atteint de tuberculose, la première infection opportuniste qui affecte les personnes vivant avec le VIH/SIDA en Afrique, est contagieux pendant les deux premiers mois de son traitement, qui peut durer de six à huit mois s’il n’est pas interrompu. Maitre Alice Nkom, par ailleurs présidente de l'Association de défense de l'homosexualité (Adefho), a souligné que les rations alimentaires servies en prison sont très insuffisantes pour les personnes infectées au VIH. “Une personne séropositive a besoin de repas corrects et nourrissants pour rester en forme. En prison, c'est loin d'être le cas”, a-t-elle déploré. Des associations européennes et américaines ont apporté un peu d'aide pendant les longs mois de détention des neuf présumés coupables : quelques médicaments, de quoi acheter un peu de nourriture. Mais elles n’ont pas pu faire accélérer la procédure judiciaire ni faire arrêter les exactions et les violences que les détenus ont subi dans leur cellule. Selon Maître Nkom en effet, Alim a été violé au moins deux fois au cours de sa détention. “Etait-il déjà séropositif avant d'être incarcéré, on ne sait pas. Mais cela signifie que le ou les violeurs sont probablement eux aussi porteurs du VIH/SIDA et peuvent le transmettre à nouveau à d'autres”, s'est-elle inquiétée. Christian, un jeune homme de 17 ans (le plus jeune client de l’avocate), a lui aussi été violé plusieurs fois. Quelques jours avant sa libération, il a été violemment attaqué par d'autres détenus et est resté deux jours dans le coma. Deux de ses camarades l’ont porté à sa sortie de prison, le 12 juin. “En tant qu'homosexuels, nous étions en première ligne des sévices que les prisonniers se font subir”, a raconté Lambert. “Nous étions de toutes les corvées, nous nous faisions régulièrement voler nos affaires personnelles.” Si tous les détenus ne se sont pas montrés si hostiles, cet acharnement n'a pas étonné Lambert : au Cameroun, l'homosexualité, une orientation sexuelle mal connue, est perçue comme une “déviance” venue d'Occident. “Au quotidien, c'est très dur de vivre son homosexualité. On vous injurie quand on vous voit aller dans un des bars où l’on se réunit. Là où vous habitez, on vous insulte. Parfois, on lance la police derrière vous”, a expliqué Lambert, très amer. Maître Alice Nkom plaide désormais pour la dépénalisation de l’homosexualité, affirmant “l’anticonstitutionnalité de l’article 347 bis de l’ordonnance du 28 septembre 1972 qui a introduit le délit d’homosexualité dans le code pénal camerounais”. Lors du procès en appel qu'elle compte plaider, elle essaiera de faire libérer un autre Camerounais accusé, lui aussi, d'homosexualité. “Il croupît en prison depuis 2004 sans aucun procès ni jugement.”

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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