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La confidentialité, un droit piétiné par les employeurs

Le droit des salariés à la confidentialité médicale au sein de l'entreprise est indispensable pour faire avancer la lutte contre le sida sur le lieu de travail mais il est trop souvent bafoué au Cameroun, ont regretté des acteurs de la lutte contre l'épidémie. «Le médecin du travail n'a pas le droit de donner les résultats des tests de dépistage du VIH, mais bien souvent, ce n'est pas respecté, la confidentialité est rarement garantie», a déploré le Réseau camerounais sur l'éthique, le droit et le sida (REDS) En 2003, cette organisation de défense des droits de l'homme a dû intervenir auprès de la multinationale pétrolière TotalFinaElf après avoir appris que l'entreprise effectuait systématiquement des tests de dépistage du VIH sur ses employés sans les en informer. La restructuration menée par l'entreprise d'électricité AES-Sonel fin 2004 a également suscité une polémique: selon la Coordination des travailleurs vivant avec le VIH des entreprises, sur les 800 travailleurs licenciés, une centaine l'étaient pour des raisons liées à leur statut sérologique positif. Saisis de cette affaire, le ministère de la Santé publique et le Comité national de lutte contre le sida (CNLS) ont convoqué une réunion de concertation en mai 2005. Mais depuis… rien. Selon une activiste, ces actes de discrimination sont faits «de manière de plus en plus insidieuse», un phénomène que le patronat reconnaît et contre lequel il affirme vouloir lutter. Car avec un taux national de prévalence du VIH de 5,4 pour cent en 2005, selon les dernières estimations du Programme commun des Nations unies sur le sida (Onusida), les entrepreneurs au Cameroun ont pris conscience malgré eux de l'impact de l'épidémie sur leurs entreprises et le développement économique du pays. C’est ainsi que le Groupement interprofessionnel du Cameroun (Gicam), la principale organisation patronale du pays, a pris la tête de la lutte des entreprises contre le sida après un atelier organisé en 2000 par le Bureau international du travail (BIT). Le Gicam a signé une convention avec le CNLS et une association, le Réseau camerounais des personnes vivant avec le VIH (Recap+), puis d'autres partenariats avec l'Onusida et le BIT ont suivi, dans le but de mettre en place des programmes de lutte contre le sida au sein même des entreprises. Fin 2004, plus de 180 entreprises avaient leurs plans d'action de lutte contre le sida, un ensemble de séances de sensibilisation des employés et de leurs familles, de campagnes ponctuelles de dépistage du VIH et de promotion de l'utilisation des préservatifs. Certaines entreprises forment également des employés comme pairs éducateurs chargés à leur tour de sensibiliser leurs collègues. De manière générale, a noté le BIT dans un rapport publié en 2005, «des patients de plus en plus nombreux reçoivent un traitement antirétroviral [ARV] à l'échelon de leur entreprise et un nombre croissant de campagnes de dépistage volontaire est mené. Une plus grande solidarité entre employeurs et travailleurs a aussi bénéficié aux malades qui, dorénavant, souffrent moins de stigmatisation et de discrimination.» Mieux former les personnels médicaux en entreprise De nombreux témoignages viennent pourtant contredire cet optimisme, dénonçant les dérives discriminatoires à l'encontre des employés dépistés positifs au VIH. Selon un médecin du travail, certaines entreprises ne cachent pas leurs intentions vis-à-vis de ces salariés. «Un cadre d'une entreprise m'a dit en substance: 'on est en train de faire une restructuration, ce serait bien de faire un dépistage, ça pourrait nous donner des arguments pour nous séparer de certaines personnes'», a-t-il raconté sous couvert d'anonymat. «Bien sûr, j'ai refusé, mais beaucoup de médecins n'ont pas autant de scrupules que moi.» Ce phénomène pourrait par exemple être dû à un manque de formation et de moyens des agents de santé chargés de la lutte contre le sida au sein des entreprises, a noté le docteur Dina Nfon Priso, également médecin du travail, impliquée depuis des années dans le combat contre le VIH. «En dehors des formations et des [remises à niveau] pour l'ensemble du personnel médical, il faudrait aussi renforcer les équipes avec des psychologues de travail formés à la prise en charge des patients séropositifs. Or, il n'y en a jamais», a-t-elle constaté. Il conviendrait également que les programmes mis en place au sein des entreprises, qui se limitent pour l'instant, et trop souvent, à des actions ponctuelles s'inscrivent dans le long terme et que l'accès aux ARV soit plus systématique pour les employés qui en ont besoin, a-t-elle estimé. Certaines entreprises, à l'instar d'Alucam, le premier fabriquant d'aluminium du Cameroun, l'une des sociétés pionnières en matière de lutte contre le sida en milieu du travail, ont inclus dans leurs programmes de lutte contre l'épidémie la prise en charge des employés vivant avec le VIH. C’est pourtant loin d’être le cas de la plupart des entreprises camerounaises. Pourtant, en dépit des problèmes liés au non-respect de la confidentialité et d'un accès aux ARV encore trop limité, le docteur Nfon Priso a souligné que la situation s'était améliorée ces dernières années. «La réponse des employeurs est globale, les travailleurs et les ayants droits sont sensibilisés aux danger du VIH, plusieurs travailleurs qui bénéficient maintenant d'un accès au traitement antirétroviral [ARV] sont en forme et plus présents à leur poste de travail, j'observe aussi qu'il y a moins de décès», a-t-elle dit. «C'est évident, les choses ont avancé. Mais on n'en est encore qu'au début», a-t-elle conclu.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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