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Les défis de la gratuité

L’instauration de la gratuité de la prise en charge du VIH en 2007 a, sans surprise, provoqué une forte hausse de la demande en services VIH/SIDA et entraîné des difficultés d’approvisionnement. Parallèlement, la diminution constante de la part allouée par l’Etat à l’achat des antirétroviraux suscite des inquiétudes chez les acteurs de la lutte contre l’épidémie.

Fin 2007, au moment de l’annonce par le gouvernement du passage à la gratuité de la prise en charge du VIH, 7 300 personnes recevaient des antirétroviraux (ARV) au Tchad. En octobre 2008, ils étaient 16 700, selon le Conseil national de lutte contre le sida (CNLS), sur les quelque 55 000 personnes en attente de traitement.

De même en 2008, 11 000 femmes ont pu bénéficier des services de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant (PTME) lors de consultations prénatales, selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), soit deux fois plus qu’en 2006.

Après un démarrage tardif, « le gouvernement considère maintenant la PTME comme une priorité », a noté le docteur Tharcienne Ndihokubwayo, administratrice chargée du programme VIH/SIDA à l’UNICEF. Sur les 780 femmes enceintes dépistées positives au VIH, 80 pour cent ont eu accès aux ARV pour réduire le risque de contamination du nouveau-né.

La brusque augmentation de la demande en services VIH/SIDA a entraîné des difficultés d’approvisionnement en médicaments, ont noté plusieurs acteurs de la lutte contre le sida.

Lorsque IRIN/PlusNews a rencontré Jeanne Eldjima à Guelendeng, une localité située à 150 kilomètres au sud de N’djamena, cette veuve de 38 ans, qui a découvert sa séropositivité en 2007, était en rupture de traitement ARV depuis deux semaines. « Les patients qui peuvent vont chercher leur traitement à N’djamena, mais moi je n’ai pas les moyens, je dois déjà me débrouiller pour manger et faire manger mes [sept] enfants », a-t-elle dit.

« On ne comprend pas pourquoi il y a des ruptures », a dit Claire M’Darangaye, présidente du conseil d’administration du RNTAP+, le Réseau national tchadien des associations de personnes vivant avec le VIH, qui regroupe aujourd’hui 67 organisations. « Il n’y a pas de raisons parce que le gouvernement a donné de l’argent, le Fonds mondial [de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme] aussi ».

Le pays dispose effectivement de suffisamment de médicaments et réactifs pour couvrir ses besoins, a confirmé le docteur Mahamat Moussa Ali, coordonnateur adjoint du CNLS, mais le problème se situe au niveau de la chaîne d’approvisionnement, dont les failles ont été révélées par l’explosion de la demande.

« Certains produits ont manqué, c’est vrai, pas seulement au niveau central mais aussi en périphérie », a-t-il dit à IRIN/PlusNews. « C’est le plan d’approvisionnement qui pose problème : si les centres [de prise en charge] passent des commandes, il faut qu’ils puissent dire où ils en sont de leurs stocks, et ce n’est pas le cas ».

Le CNLS doit alors parfois lui-même faire le tour des centres pour récolter les données, un obstacle qui, ajouté à un retard de déblocage des budgets de l’Etat consacrés à l’achat des intrants en 2008, a entraîné les retards d’approvisionnement de certains centres, « mais seulement pour certains produits peu utilisés », a affirmé M. Ali.

« L’Etat a déclaré la gratuité totale. Les personnels qui font [payer les patients] doivent savoir qu’ils pourront être poursuivis »
Pour remédier à ces problèmes, le CNLS a recruté, grâce au soutien de l’UNICEF, un consultant chargé d’établir un plan national d’approvisionnement, a-t-il dit. Ce plan impliquera la centrale nationale d’achat de médicaments mais aussi les centrales régionales, jusqu’au niveau des districts, pour éviter les ruptures.

Une gratuité pas toujours respectée

Certains centres de prise en charge ont profité de cette situation, ont dit à IRIN/PlusNews plusieurs personnes vivant avec le VIH. « A N’djamena, tout est gratuit parce que c’est une vitrine pour les bailleurs de fonds, mais dans certaines localités en province, on oblige les patients à payer », a affirmé Mme M’Darangaye.

Une situation que Mme Eldjima a rencontrée. « On m’a dit que quand les ARV reviendraient, il faudrait les payer parce qu’il y avait rupture », a-t-elle dit, ajoutant qu’elle avait trois ordonnances en attente pour des infections opportunistes qu’elle n’avait pu traiter parce qu’on lui demandait de les payer.

M. Ali a reconnu avoir déjà entendu parler de ces abus. « Certains centres vont jusqu’à créer de fausses situations de rupture pour faire payer les patients », a-t-il regretté. « Mais l’Etat a déclaré la gratuité totale. Les personnels qui font [payer les patients] doivent savoir qu’ils pourront être poursuivis ».

Le passage à la gratuité de la prise en charge a été rendu possible à la fois grâce à l’engagement de l’Etat d’allouer une ligne budgétaire à l’achat d’intrants et à la reprise des financements du Fonds mondial, suspendus en 2006 suite à des problèmes de transparence dans la gestion de la subvention VIH/SIDA, et repris en 2007.

Le Tchad a également soumis en 2008 une nouvelle demande de subvention VIH/SIDA de 83 millions de dollars sur cinq ans au Fonds mondial, dans le cadre de son 8ème appel à financement, et a obtenu l’accord de l’organisme de financement.

Malgré le retour du Fonds mondial, qui doit permettre de poursuivre l’élargissement de l’accès aux services VIH/SIDA, plusieurs acteurs de la lutte contre le sida ont fait part de leur inquiétude face à la diminution, au cours des deux dernières années, de la somme allouée par l'Etat à l’achat des réactifs et médicaments.

Alors que le gouvernement y avait consacré 1,47 milliard de francs CFA (2,98 millions de dollars) en 2007, puis 1,25 milliards de francs CFA (2,53 millions de dollars) en 2008, le budget prévu pour 2009 a encore subi une coupe de 200 millions de francs CFA (405 000 dollars).

« Nous faisons en ce moment un plaidoyer au niveau du gouvernement, du Parlement et de la Primature », a dit M. Ali.

Les associations de personnes vivant avec le VIH ont estimé que tous ces efforts auraient plus d’impact si elles étaient davantage impliquées dans la lutte contre l’épidémie.

« Eux [les autorités de lutte contre l’épidémie] ont la technicité, mais ce sont nous les personnes concernées », a plaidé Mme M’Darangaye. « Ils peuvent mettre des garde-fous, mais il faut qu’ils nous appuient. Qu’ils nous testent ! ».

ail/

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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