1. Home
  2. Middle East and North Africa
  3. Egypt

Les attitudes vis-à-vis du viol sont-elles en train de changer ?

L’été dernier, l’Egypte a été scandalisée par l’histoire de Hend Farghali, une fillette de 11 ans qui aurait été violée par un jeune homme de 21 ans. Morte de peur, la fillette n’en a parlé à personne jusqu’à son cinquième mois de grossesse.

Des cas aussi extrêmes concernant des enfants vont peut-être amener les Egyptiens à changer d’attitude vis-à-vis du viol qui, bien qu’illégal, est généralement perçu beaucoup plus comme un drame familial que comme un crime.

Selon Lilli Dinesen, directrice du centre de conseil psychologique de Maadi, au Caire, des histoires comme celle de la jeune Hend permettent d’ouvrir le débat sur la problématique du viol.

« On peut penser ce qu’on veut du fait que cette histoire a été rendue publique pour que tout le monde sache ce qui s’est passé », a-t-elle dit. « Peut-être a-t-on besoin effectivement que ça se sache et que tout le monde soit choqué. Je pense que ce problème a toujours existé, mais qu’il commence à faire l’objet de plus d’attention comme, du reste, le droit des femmes sur leur corps ».

« Nous voulons changer les traditions, mais ce n’est pas facile », a affirmé Rania Hamid, responsable du service de conseil familial au Centre d’assistance juridique pour les femmes égyptiennes (CEWLA). « Ces traditions ne datent pas d’il y a 20 ans. Elles sont très anciennes. Il faut les changer progressivement ».

« Nous voulons changer les traditions, mais ce n’est pas facile. Ces traditions ne datent pas d’il y a 20 ans. Elles sont très anciennes. Il faut les changer progressivement »
Les statistiques

La jeune Hend fait partie des 20 000 femmes ou filles qui sont violées chaque année, selon le ministère de l’Intérieur ; ce nombre implique qu’il y a en moyenne 55 viols de femmes chaque jour. Cependant, pour échapper au déshonneur social, les victimes rechignent généralement à porter plainte et leur nombre pourrait être plus important, d’après certains experts.

« Si les statistiques du ministère de l’Intérieur ne comptabilisent que 20 000 victimes, il faut alors multiplier ce nombre par 10 », a dit Engy Ghozlan, une activiste de la campagne contre le harcèlement organisée par le Centre égyptien pour la défense des droits de la femme (ECWR).

« Il est difficile de savoir [précisément combien de femmes sont violées] parce qu’il n’existe pas beaucoup de données statistiques sur le sujet. La plupart des femmes refusent de témoigner et de reconnaître qu’elles ont été victimes de viol, parce que d’un point de vue culturel, ce n’est pas acceptable ».

Les statistiques sur les viols sont bien connues pour être problématiques, en partie parce qu’il n’existe aucune définition précise et unanimement acceptée pour le délit de viol. En Egypte, par exemple, le viol conjugal n’est pas illégal.

« La loi interdit le viol non-conjugal et les peines encourues peuvent aller de trois ans d’emprisonnement à une condamnation à perpétuité ; toutefois, le viol conjugal n’est pas considéré comme un délit », pouvait-on lire dans un rapport du Département d’Etat américain sur l’Egypte, publié en mars 2006.

L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a également mis en garde contre la comparaison des statistiques de viol de différents pays : « Dans le cas de certaines catégories de crimes violents – viols ou agressions, par exemple – les comparaisons entre pays sont parfois peu fiables et trompeuses ».

Garder le silence

« Personne ne vient me voir pour me dire “j’ai été violée”. Cela n’arrive jamais », a déploré Mme Hamid. « Pour les victimes, le fait que quelques personnes soient au courant du viol suffit largement ».


Photo: Kristina Roic/IRIN
Dans les régions rurales d'Egypte, l’auteur du viol est souvent un membre de la famille, un oncle peut-être, mais c’est souvent la victime qui porte la responsabilité du viol
Le viol pose aussi un problème au sein de bon nombre de familles. C’est particulièrement vrai dans les régions plus traditionnelles de l’Egypte où « des crimes d’honneur » sont parfois commis pour sauver l’honneur de la famille de la personne violée, a expliqué Mme Hamid. Dans certaines régions du sud de l’Egypte, l’auteur du viol est souvent un membre de la famille, un oncle peut-être, mais c’est souvent la victime qui porte la responsabilité du viol, a-t-elle dit.

« C’est une question d’honneur. Parfois un frère ou un cousin peut tuer la victime sous prétexte qu’elle l’a cherché, qu’elle l’a provoqué, qu’elle n’est pas digne et qu’elle a une tenue vestimentaire indécente [...] Bien sûr, ce n’est pas la faute de la victime, mais à qui allez-vous le faire comprendre ? À la fille ou à la société ? ».

Toujours selon le rapport du Département d’Etat américain sur l’Egypte, les « crimes d’honneur » ne sont pas techniquement illégaux en Egypte.

Refus de l’aide

Craignant qu’on les rejette ou qu’on leur fasse du mal, les victimes de viol refusent généralement toute aide et affrontent seules le traumatisme post-viol.

« Je n’ai jamais eu à traiter de cas de viol de femme égyptienne ; c’est plutôt étrange. Je pense que les femmes ont trop de gêne à venir chercher de l’aide. Les femmes en arrivent à considérer que c’est leur faute si elles ont été victimes de viol », a indiqué Mme Dinesen. « Elles sont choquées, abasourdies. Elles ont très peur, ressentent de la colère, des crises d’angoisse ; elles ont aussi en quelque sorte l’impression d’être devenues des moins que rien ».

Les victimes de viol craignent pour leur réputation au sein de leur famille, vis-à-vis de leurs amis, à l’université et à l’école, et même lorsqu’elles essaient de se marier, a-t-elle dit.

« Il ne faut pas que d’autres personnes soient au courant du viol », a expliqué Mme Hamid. « La jeune fille ne veut dire à personne qu’elle s’est fait violer ».

Le nombre de cas de viol ne semble pas diminuer, a fait remarquer Mme Ghozlan, ajoutant que bon nombre de jeunes hommes sont sans emploi et sans ressource – si bien que les mariages sont retardés, ce qui crée chez eux des frustrations sexuelles et leur laisse assez de temps libre pour se rendre coupables de harcèlement sexuel, et penser à commettre des viols.

sk/ar/cb/ads/nh/ail


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Share this article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join