L’isolement de la Bande de Gaza est « intolérable », a déclaré, le 10 décembre, un haut responsable de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui appelait à offrir aux populations de Gaza un meilleur accès aux traitements médicaux en dehors de l’enclave barricadée.
Ambrogio Manenti, directeur de l’OMS en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, a exhorté les professionnels de la médecine à s’élever contre la situation actuelle qui, selon lui, a des conséquences néfastes sur la santé des résidents.
M. Manenti s’exprimait à l’occasion d’un symposium de l’OMS en présence de l’organisation des Médecins pour les droits de l’homme-Israël (PHR-I) et du Programme communautaire de santé mentale de Gaza (GCMHP). L’OMS a observé une hausse du nombre de patients qui se voient refuser l’accès aux soins de santé hors de Gaza.
Coopérer pour de meilleurs soins ?
Selon Hadas Ziv, directrice de PHR-I, plusieurs Palestiniens ont remis à son organisation des déclarations écrites sous serment selon lesquelles il aurait été exigé d’eux qu’ils coopèrent avec les services de sécurité israéliens pour pouvoir obtenir une autorisation de quitter Gaza.
Selon Bassam al Wahidi, 28 ans, originaire de Rafah dans le sud de Gaza, les médecins l’ont informé il y a plusieurs mois qu’il perdrait la vue si son affection oculaire n’était pas convenablement traitée, et l’ont orienté vers un hôpital de l’est de Jérusalem.
M. al Wahidi a reçu une autorisation et s’est présenté au point de passage d’Erez entre Israël et la Bande de Gaza, dans le nord, où après avoir patienté pendant trois heures, il a été conduit dans une salle d’interrogatoire.
« J’ai attendu dans la salle pendant plus d’une heure. Ensuite, un agent a commencé à me poser des questions simples : il m’a demandé mon nom et quelques renseignements sur ma famille », a raconté à IRIN M. al Wahidi, qui travaille dans les médias.
L’agent lui a ensuite posé des questions sur les militants, lui expliquant « qu’en tant que journaliste, [il devait] avoir des informations sur eux ». Puis, il a suggéré de « travailler ensemble » pour traquer les militants qui lancent des roquettes dans le sud d’Israël.
Selon M. al Wahidi, l’agent lui a même proposé un meilleur traitement médical s’il acceptait.
M. al Wahidi a refusé d’aider les forces de sécurité israéliennes. « Je lui ai dit que j’avais le droit d’être soigné. Ce à quoi il a répondu "ce type de langage ne marche pas avec nous" ». Depuis lors, M. al Wahidi a tenté à plusieurs reprises d’obtenir une autorisation, en vain.
« J’ai déjà perdu la vue de l’œil droit. Si je ne me fais pas soigner rapidement, je risque de perdre mon autre œil », a-t-il expliqué.
Selon la PHR-I, bon nombre de personnes sont dans le cas de M. al Wahidi à Gaza.
Pour la Croix-Rouge internationale (CICR) à Jérusalem, Israël est encore responsable de Gaza et doit s’assurer que les populations de la Bande aient accès aux soins de santé. L’organisation a rappelé qu’aux termes des Conventions de Genève, il est interdit de contraindre les personnes protégées à livrer des informations.
D’après les responsables des services de sécurité israéliens, néanmoins, l’Etat n’impose pas la collaboration pour autoriser le traitement ; le refus de délivrer une autorisation repose sur des questions de sécurité.
« Risques de sécurité »
Mme Ziv de la PHR-I a déclaré à l’occasion du symposium que même les personnes considérées comme des « risques de sécurité » devraient avoir accès aux soins ; la directrice a proposé plusieurs solutions à cet effet, et notamment l’utilisation d’un bus militaire israélien pour transporter les patients de Gaza en Jordanie, où ils seraient soignés.
Photo: Mahmoud Daher/IRIN |
Patients palestiniens attendant au passage d'Erez avant d'entrer en Israël pour s'y faire soigner. En raison des mesures de restriction strictes adoptées par Israël, beaucoup de patients se voient refouler ou ont des difficultés pour passer |
Naim, son père, a expliqué à IRIN qu’il avait pour la première fois emmené son fils malade au point de passage d’Erez à la fin du mois d’octobre, après avoir obtenu l’autorisation requise, mais qu’ils avaient été éconduits pour des « raisons de sécurité ».
Après avoir déposé une nouvelle demande d’autorisation, les deux hommes sont retournés au point de passage le 21 novembre.
« Ils nous ont fait attendre pendant environ une heure et demie, puis [les soldats] ont dit qu’ils devaient parler à Ahmed. Je suis resté dehors et ils l’ont emmené », s’est souvenu Naim.
Plus d’une heure plus tard, le fils souffrant est revenu de son interrogatoire, qui avait essentiellement consisté en une série de questions sur le camp de réfugiés où ils vivaient et « auxquelles tout le monde connaît les réponses ». Père et fils ont ensuite patienté pendant quatre heures de plus avant qu’on les renvoie chez eux, après avoir interdit une nouvelle fois à Ahmed de quitter Gaza.
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