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Les Pygmées décimés par le VIH

Marginalisés depuis toujours, les Pygmées, habitants des régions forestières de la République démocratique du Congo (RDC) ont été des cibles faciles pour les soldats et les miliciens qui ont fait de l’est du pays l’une des zones de guerre les plus sanglantes de la planète.

Pendant les 10 années de conflit qu’a connu la RDC, le viol a été utilisé comme arme de guerre et la population civile a été la principale victime de ces sévices.

Selon le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), plus d’un million de Congolais sont séropositifs, mais il n’existe quasiment aucune information sur le taux de prévalence du VIH/SIDA parmi les quelque 80 000 membres que compterait la communauté pygmée, selon les estimations de Refugees International, un groupe engagé dans la défense des droits des minorités.

Les Pygmées de la province du Sud Kivu ont affirmé qu’il n’y avait pas, ou très peu, de cas de VIH/SIDA au sein de leur communauté avant la guerre.

Même si l’on considère toujours que le taux de prévalence du VIH/SIDA parmi cette minorité est inférieur à celui enregistré au sein de la communauté congolaise, la pauvreté, l’isolement social et l’absence de services sanitaires dans la région signifient que les personnes contaminées par le virus ne bénéficient de presque aucun soutien.

Le parc national de Kahuzi-Biega, connu pour ses gorilles à dos argenté, abritait autrefois les ancêtres des Pygmées et est ensuite devenu le fief de la milice Interahamwe, connue pour son rôle dans le génocide rwandais de 1994 et ses tentatives pour prendre le contrôle de l’est de la RDC, une région riche en minéraux et en bois.

Au fil des ans, les habitants de Chombo, un village batwa –autre nom donné aux Pygmées dans la région- construit dans de luxuriantes bananeraies à proximité du parc national, ont été la cible de la milice Interahamwe qui pillait leur nourriture, les exploitait ou les violait.

En 2002, les miliciens ont attaqué Chiza Mwemdena, une jeune femme de 36 ans, mère de trois enfants, alors qu’elle travaillait les champs, près de son village.

«J’ai levé la tête, je les ai vus, j’ai couru aussi vite que j’ai pu, mais ils ont fini par m’attraper», s’est-elle souvenue. «Ils étaient environ 50 soldats, je pense qu’une trentaine d’entre eux m’ont violée chacun leur tour. C’est ce qu’ils font subir à chaque femme qu’ils attrapent.»

Les Interahamwe ont gardé Chiza Mwemdena en captivité pendant deux semaines, jusqu’à ce qu’elle parvienne à s’enfuir. Lorsqu’elle est finalement rentrée à son village, Chiza Mwemdena a été abandonnée par son mari, qui avait honte d’elle.

«Quatre ans après le viol, j’ai commencé à me sentir bizarre», s’est-elle souvenu, en balançant ses bras amaigris. «Mon urine était différente, j’avais très mal à l’estomac, je n’avais plus aucune force dans mes membres. Avant, j’étais très grosse, mais regardez-moi maintenant, je suis si maigre.»

En 2004, Chiza Mwemdena a appris sa séropositivité après avoir subi un test de dépistage du VIH proposé par l’organisation non gouvernementale, l’Union pour l’émancipation de la femme autochtone (UEFA).

Selon Salome Ndavuma, âgée de 38 ans, quatre habitants de Chombo sont morts depuis le mois de mai, trois d’entre eux étaient des femmes qui avaient été violées par des miliciens Interahamwe. L’une d’entre elles était la soeur de Chiza.

«C’était une mort atroce. Nous savions qu’il s’agissait du sida, toutes les parties de son corps ont arrêté de fonctionner. Nous nous faisons beaucoup de souci quant à l’avenir des villageois si l’épidémie se propage, mais que pouvons-nous faire ?», a-t-elle demandé.

Un accès aux traitements limité

Le journal médical britannique The Lancet a publié un article, en juin dernier, qui indiquait que les Batwa avaient de moins en moins accès aux services sanitaires, en comparaison aux autres communautés de ce pays presque aussi grand que l’Europe de l’Ouest.

«Même lorsqu’il y a des centres sanitaires en place, peu de [Pygmées] s’y rendent, car ils ne peuvent payer la consultation ou les médicaments, ne possèdent pas les pièces d’identité requises pour se déplacer ou obtenir gratuitement des traitements auprès des hôpitaux, ou sont humiliées et victimes de stigmatisation», a noté l’article.

Il est extrêmement difficile pour un Congolais porteur du virus de se procurer des médicaments antirétroviraux (ARV). The Lancet a souligné que si l’on veut que les communautés pygmées puissent avoir un jour accès à ces traitements, des programmes spécifiques devront être mis en place.

La vie est particulièrement difficile pour les malades séropositifs vivant dans le village de Chombo. Privés de terre, après avoir été chassés de leurs forêts ancestrales pour laisser la place au parc national, la plupart de ces villageois souffrent de malnutrition et sont vulnérables aux infections opportunistes en raison des mauvaises conditions d’hygiène dans lesquelles ils vivent.

«Le sida est une maladie qui coûte cher», a rappelé Espérance Binyke de l’UEFA. «Il faut bien se nourrir, mais les Pygmées mangent, tout au mieux, une fois par jour. Par conséquent, ils meurent très vite.»

L’accès aux soins de santé est très limité dans la région. Chiza Mwemdena a suivi un traitement jusqu’à ce que les fonds de la branche locale de l’UEFA s’épuisent. Elle souffre de nouveau de crampes d’estomac.

Le centre de traitement le plus proche est celui géré par l’organisation médicale internationale Médecins Sans Frontières, situé à 25 kilomètres de Chomo. Chiza ne peut se rendre jusqu’à ce centre, car elle n’a ni la force de parcourir cette distance à pied, ni les moyens de payer la course du taxi.

Selon Marhegane Lukhera, un vieil habitant de Chombo, le premier cas de VIH/SIDA remonte à 1998 : il s’agissait d’un villageois qui avait certainement eu des rapports sexuels avec une prostituée, a-t-il dit, et qui est décédé en 2002.

Aujourd’hui, les villageois parlent plus ouvertement du problème du VIH, a-t-il précisé. «On dit aux enfants à partir de 12 ans de ne pas avoir de relations sexuelles, on dit aux jeunes filles de ne pas se prostituer », a-t-il expliqué.

«Le chef nous rassemble, nous les hommes, et nous conseille de rester auprès de nos femmes, son épouse conseille aux femmes de ne pas sortir avec d’autres hommes», a poursuivi M. Lukhera, depuis l’unique classe d’école du village. «Je pense que nous avons compris qu’il était important que tout le monde soit sensibilisé au sida. Nous devons informer nos enfants et les adultes doivent se faire dépister.»


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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