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Les agriculteurs sénégalais luttent contre la salinisation des sols

Women in the Senegalese village of Dioffior in a rice field Cissokho Lassana/IRIN
Salt warriors: Marie Sega Sarr (far right) and other members of the Sakh Diam association

La vie est dure pour les agriculteurs sénégalais. À cause du changement climatique, les saisons des pluies sont plus courtes et les périodes sèches et les sécheresses, plus longues et plus fréquentes. Les fermiers doivent aussi composer avec l’abaissement des nappes phréatiques, les inondations, l’érosion des côtes, la destruction des mangroves, la perturbation des stocks halieutiques et, surtout, la salinisation de vastes superficies de terres agricoles en bord de mer ou de cours d’eau.

Les habitants du village de Dioffior, à quelque 150 kilomètres au sud-est de la capitale sénégalaise, Dakar, mènent un combat acharné contre le sel, cet ennemi qui contamine leurs terres et décime leurs cultures. Dans cette région qui dépend de l’agriculture, la salinisation des sols est aussi synonyme de pauvreté et d’insécurité alimentaire.

L’augmentation du niveau des océans provoquée par le changement climatique a considérablement accru la concentration en sel du fleuve Sine, situé à proximité. Dans le vaste delta du Sine-Saloum, entre 700 000 et un million d’hectares de terres ont été affectés au cours des 30 dernières années. La région de Fatick, où Dioffior est situé – et qui est aussi le lieu de naissance du président Macky Sall –, a été particulièrement touchée.

« Dans le Sine-Saloum, depuis des décennies, la qualité des sols, qui peut s’apprécier par sa productivité, a été durement éprouvée par les changements climatiques, lesquels ont entraîné la salinisation de toutes les voies d’eaux du bassin versant dudit fleuve », a expliqué Seydou Cissé, qui travaille pour l’Institut national de pédologie (étude des sols) du Sénégal.

Autres problèmes

Malheureusement, au Sénégal, la salinisation des sols n’est qu’un effet nuisible du changement climatique par tant d’autres.

Dans un mémoire rédigé dans le cadre de son mastère en changement climatique et développement durable, Charles Pierre Sarr, qui travaille maintenant pour le ministère de l’Environnement du Sénégal tant que chef du service régional de l’environnement de Fatick, constate qu’il y a eu une diminution des précipitations et une hausse des températures dans la région de Dioffior au cours des dernières années. Il prédit en outre que les précipitations diminueront encore de 5,4 et de 12 pour cent d’ici 2025 et 2050 respectivement.

Le Sénégal est « perpétuellement confronté aux effets adverses des changements climatiques du fait de sa façade maritime longue de 700 kilomètres qui subit l’impact de l’élévation du niveau marin avec comme corollaire l’érosion côtière, l’intrusion saline dans les terres agricoles, la salinisation des ressources en eaux et la destruction des infrastructures. Du fait d’une agriculture essentiellement pluviale, les perturbations climatiques risquent de compromettre les efforts de lutte contre la pauvreté et l’objectif d’atteindre l’autosuffisance alimentaire ».

Selon les habitants de Dioffior, les rizières situées aux alentours du village ont été abandonnées il y a environ 30 ans. Depuis lors, les locaux travaillent sans relâche, transportant des paniers de sable et de pierres pour construire les digues qui leur permettront de retrouver les terres arables auxquelles ils avaient autrefois accès. Les digues contiennent l’avancée saline et protègent les plans d’eau douce.

Parmi les personnes impliquées se trouvent quelques 200 personnes dont majoritairement des femmes qui appartiennent à une association appelée Sakh Diam (« semer la paix » en wolof). Elles ont déjà réussi à récupérer plus de 100 hectares de terres et elles ont bien l’intention d’en faire plus : en 2015, les autorités locales leur ont alloué 1 000 hectares de terres agricoles salinisées. Sakh Diam a bénéficié du soutien financier du gouvernement du Sénégal, mais aussi de la Belgique et du Japon.

« Avant, ces rizières étaient des tans », a dit à IRIN Marie Sega Sarr, la présidente du groupe, utilisant le terme wolof pour parler d’une étendue de terres salées. « Avant que le Projet d’appui à la petite irrigation locale (PAPIL) ne soit créé, rien ne poussait ici. La digue anti-sel que vous voyez là-bas, c’est Baboulaye 1. Ici, c’est Baboulaye 2. Il y en a une autre [dans la commune voisine de] Djawanda. En tout, neuf digues ont été construites autour de Dioffior pour lutter contre la salinisation de nos terres agricoles », a-t-elle ajouté en continuant de travailler dans sa rizière.

Au début des années 2000, le gouvernement sénégalais a créé le PAPIL avec l’aide de partenaires comme la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque islamique de développement (BID).

En 2015, le PAPIL a été remplacé par le Programme multinational de renforcement de la résilience à l’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans le Sahel. Ce programme a notamment pour objectif de récupérer des milliers d’hectares supplémentaires de terres salinisées dans la région de Fatick d’ici 2020.

« Nos grands-parents pratiquaient l’agriculture ici et se nourrissaient de ce qu’ils faisaient pousser », a dit Mme Séga Sarr. « Entre l’arrivée de l’eau salée et le début du projet d’irrigation, nous avons eu de la difficulté à nous nourrir. L’agriculture est notre principale activité. Nous nous sommes retrouvés au chômage forcé. »

Sakh Diam souhaite que son travail redynamise la région et permette aux membres de la communauté de subvenir de nouveau à leurs besoins.

« Nous avons aidé à amener le sable et les pierres qui ont servi à bâtir les digues que vous voyez. Ça fait six ans qu’on travaille là-dessus. Vous pouvez voir par vous-même que des graminées sauvages poussent maintenant ici », a dit Mme Marie Séga Sarr. « Si nous avons suffisamment de pluies, nous pourrons peut-être mettre en valeur cette zone et nourrir nos familles comme le faisaient nos ancêtres. »

Besoin de davantage de soutien

« Notre travail a fini par porter ses fruits : nous voyons déjà des résultats. Nous avons commencé à réutiliser ces terres pour faire pousser du riz. Ici même, quelque 80 hectares ont été récupérés », a dit à IRIN Omar Faye, le secrétaire général de Sakh Diam.

Dans la grande région de Dioffior, « les prévisions de récolte se situaient autour de 30 500 tonnes de riz en 2015 », a-t-il ajouté.

La présidente de Sakh Diam a dit que les villageois avaient l’intention de diversifier les cultures et de s’orienter vers la production maraîchère après avoir fait des essais avec le riz. Ils songent notamment à faire pousser des pommes de terre et des poivrons. « L’an dernier, les maigres pluies ont gâché nos plans de créer des jardins maraîchers », a-t-elle dit. « Mais nous avons encore espoir de pouvoir faire pousser des légumes ici si une bonne pluviométrie est au rendez-vous comme cela semble être le cas cette saison. »

En tout, près de 60 digues anti-sel ont été construites dans quatre régions du Sénégal et quelque 7 000 hectares de terres autrefois stériles ont ainsi pu être récupérés pour les cultures.

Selon la BAD, les digues ont permis « l’amélioration de la sécurité alimentaire, la diversification des activités économiques, l’accroissement des revenus, la diminution de l’isolement des régions, la protection améliorée des écosystèmes et leur régénération ainsi que le renforcement des communautés ».

D’après Abdoulaye Thiam, représentant local du collectif africain pour la recherche, l’action et la formation, une organisation non gouvernementale qui a travaillé sur les questions de gestion des terres à Dioffior, ces résultats justifient d’autant plus la poursuite de tels projets.

« Le combat contre les terres salées nécessite beaucoup de moyens et une programmation à long terme », a-t-il dit à IRIN. « L’autre chose, c’est la mobilisation d’une conscience citoyenne et un accompagnement plus systématique de l’État, notamment des collectivités locales. »

cl-am/ag

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