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Des prêts pour aider les fermiers africains à se remettre sur pied à la suite d’une catastrophe

Cows pull plough on maize field Robert Kibet/IRIN

L’accès au crédit a toujours été un problème majeur pour les petits agriculteurs africains. Ces derniers produisent pourtant environ 70 pour cent de la nourriture consommée sur le continent. Cela signifie que leur rendement est souvent bien en deçà de leur plein potentiel, mais aussi que leur capacité à faire face aux chocs météorologiques de plus en plus fréquents et sévères associés au changement climatique est considérablement réduite.

Une solution intéressante pourrait cependant être à portée de main. Les prêts de redressement sont un nouvel outil de microfinancement qui vise à offrir à ces fermiers l’aide à court terme dont ils ont désespérément besoin, en particulier en temps de crise.

VisionFund International (VFI) est un projet de l’ONG internationale World Vision. L’organisation a obtenu une subvention remboursable de 2 millions de livres de la part du Département britannique pour le développement international (DFID). Cette somme sera distribuée sous forme de prêts à 14 000 familles affectées par des catastrophes au Kenya, au Malawi et en Zambie afin de leur permettre de reconstruire leurs vies et de recommencer à générer des revenus.

Au début des saisons agricoles, les fermiers ont besoin d’argent pour acheter des semences, des engrais et d’autres intrants essentiels. Or les banques traditionnelles considèrent rarement les petits agriculteurs comme des débiteurs viables, car ils n’ont généralement pas de titres de propriété ou d’autres biens à donner en garantie. Par ailleurs, les règles imposées par d’autres types de prêteurs – le remboursement de la totalité de la somme principale à l’échéance du prêt, par exemple – ne cadrent pas toujours avec les contraintes liées au caractère saisonnier de l’agriculture.

Charity Mati, responsable de l’intégration et du développement de VFI au Kenya, a expliqué que contrairement à d’autres institutions de microfinance, qui perçoivent des intérêts mensuels et exigent la totalité de la somme empruntée à l’échéance du prêt, VFI tente d’ajuster les conditions de remboursement aux besoins de l’emprunteur.

« La plupart de nos clients sont des agriculteurs », a dit Mme Mati à IRIN. « Alors qu’ils étaient en train de se remettre [des conséquences] des pluies d’El Niño, ils ont été confrontés à un nouveau choc : la sécheresse. Nous nous sommes assis avec eux et nous avons développé des plans de remboursement viables. Nous les avons écoutés et nous sommes arrivés à une solution », a-t-elle dit à IRIN.

Étude de cas

En 2015, Alice Muthee, une petite agricultrice du village de Motonyi, dans le comté kényan de Narok, a demandé un prêt de 200 dollars à une organisation de microfinance. Elle a loué une acre de terre pour y faire pousser des tomates et les vendre à profit.

« J’avais cinq bouches à nourrir et je voulais envoyer mes enfants à l’école. La vie me paraissait difficile », se rappelle Mme Muthee. « J’avais dû vendre des bêtes pour répondre aux besoins de ma famille. »

Mme Muthee croyait qu’elle obtiendrait une bonne récolte et qu’elle serait capable de rembourser son prêt en l’espace de trois mois.

Or la tomate est une culture particulièrement capricieuse. Les plantations de Mme Muthee n’ont pas survécu aux pluies d’El Niño, qui ont ravagé plusieurs régions du Kenya, de la Somalie, de l’Ouganda et de l’Éthiopie à la fin 2015.

« Avec la location de la terre, la main-d’œuvre et l’achat de semences et d’engrais, j’ai accumulé un déficit », a dit Mme Muthee à IRIN. « Malgré plusieurs tentatives, je n’ai pas réussi à faire un autre emprunt pour acheter des pesticides. Les pluies de 2015 ont persisté et j’ai regardé mes tomates disparaître sans pouvoir rien y faire. »

Mme Muthee craignait de devoir vendre d’autres bêtes pour respecter les conditions du prêt. Celles-ci exigeaient en effet le remboursement total de la somme principale en un seul versement à l’échéance du prêt. Heureusement, elle a entendu parler d’un nouvel outil de microfinance spécifiquement conçu pour les petits agriculteurs, les petites entreprises et les communautés qui se remettent d’un choc causé par une catastrophe.

Un coup de main

Les prêts de redressement visent ainsi à donner un coup de main, et non à faire l’aumône  aux gens dans le besoin. Ils ont d’abord été utilisés en 2013 par VFI après le passage du typhon Haiyan aux Philippines. Près de 5 000 prêts d’une valeur moyenne de 430 dollars ont ainsi été distribués pour aider les habitants à relancer leurs petites entreprises.

Selon Philip Ochola, directeur général de VisionFund Kenya, de nombreuses institutions de microfinance hésitent à continuer de prêter de l’argent après des catastrophes majeures parce que leurs clients potentiels ne peuvent offrir aucun bien en garantie et qu’ils risquent d’être incapables de respecter le calendrier de remboursement.

 

A farmer digs irrigation ditches in his maize field
Robert Kibet/IRIN

« À la suite d’une catastrophe, les personnes affectées ont désespérément besoin de crédit pour rebâtir leurs communautés », a dit M. Ochola. « En général, dans ce genre de situation, les gouvernements fournissent une aide d’urgence, mais il s’agit d’une solution qui n’est pas viable à plus long terme. »

« Pour offrir une aide durable à une communauté vulnérable, il faut préparer la communauté pour les prêts, l’aider à créer des entreprises et adopter l’agribusiness. »

VFI distribue des prêts en se fondant non pas sur les biens que l’emprunteur peut offrir en garantie, mais sur une évaluation de sa capacité à rembourser. L’organisation fournit ensuite à ses clients une formation entrepreneuriale.

Mme Muthee a demandé un prêt de 300 dollars à VFI. Elle a utilisé cette somme pour planter des légumes et créer une entreprise de vente de vêtements d’occasion. Depuis, elle a réussi à rembourser son premier prêt et à payer les frais de scolarité de ses enfants.

Une aide assortie de conditions

Au total, VFI a prêté environ 1,2 million de dollars aux citoyens kényans.

« Le DFID ne nous a pas donné de l’argent pour que nous puissions le distribuer aléatoirement sur le terrain ; il nous a fait un prêt en exigeant que la subvention soit utilisée de manière avisée. Nous devons prêter judicieusement cet argent, le récupérer et le rembourser. C’est une bonne chose que l’aide soit assortie de conditions », a dit M. Ochola.

« L’aide humanitaire a ses lacunes et les êtres humains restent des êtres humains. Si je sais qu’il suffit que j’aie l’air pauvre pour continuer de recevoir de l’aide, je risque de toujours faire en sorte d’avoir l’air pauvre. Mais si cette aide est assortie de conditions, elle m’aidera simplement à me remettre sur pied, à trouver une certaine stabilité et à travailler. »

Chiwai Ole Taka, un père de six enfants de 38 ans qui a perdu sept vaches et 10 moutons pendant une grave sécheresse, est l’un des bénéficiaires des prêts du VFI. Il a utilisé son prêt de 300 dollars pour acheter des moutons et des chèvres en piteux état. Il a réussi à les engraisser et à les revendre à profit grâce à la formation offerte avec le prêt.

« Ce n’est pas la première fois que je perds du bétail à cause de la sécheresse. Ça m’est déjà arrivé avant. Cette sécheresse menaçait de plonger notre communauté dans la pauvreté extrême », a dit Chiwai. Il a ajouté qu’il était désormais beaucoup mieux placé pour satisfaire les besoins essentiels de sa famille.

Le programme de prêts de redressement est le résultat d’une recherche conjointe menée par Stewart McCulloch, directeur des assurances mondiales de VFI, et le professeur Jerry Skees, de GlobalAgRisk. La réflexion sur laquelle s’appuie cette initiative est résumée dans un rapport intitulé A New Model for Disaster Preparation and Response for Microfinance Institutions [Un nouveau modèle pour la préparation et la réponse aux catastrophes pour les institutions de microfinance].

« Les prêts de redressement ne conviennent pas aux personnes très endettées ou à celles qui n’ont aucune option durable en termes de moyens de subsistance. Ils conviennent plutôt aux pauvres qui sont économiquement actifs, une catégorie qui comprend, sans s’y limiter, ceux qui sont normalement ciblés par les programmes d’aide humanitaire », indique le rapport. « Le soutien apporté à ce groupe devrait avoir un effet disproportionné sur le redressement économique de la communauté. »

Alors qu’Alice Muthee pourrait servir d’exemple pour illustrer le succès du programme de prêts de redressement, d’autres, comme Ole Peres, n’ont pas réussi à respecter les conditions imposées par VFI en raison des multiples chocs climatiques.

M. Peres, dont les champs de maïs ont été détruits par les pluies, a eu de la difficulté à faire les versements mensuels de 55 dollars exigés pour rembourser son prêt de 300 dollars.

« J’ai obtenu un deuxième prêt de 450 dollars. J’ai acheté 10 moutons dans le but de les engraisser, mais la sécheresse en a tué cinq. Alors que je devais rembourser 40 dollars par mois pendant 12 mois, j’ai vendu les animaux qui me restaient et je me suis lancé dans l’achat et la vente à profit de maïs, mais j’ai fini par faire face à une pénurie », a-t-il dit.

M. Peres est encore plus endetté qu’avant et il cherche à obtenir un taux d’intérêt plus faible sur ses prêts.

Selon le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations Unies, le risque de faim et de malnutrition pourrait augmenter de 20 pour cent d’ici 2050 si des efforts énergiques ne sont pas déployés pour améliorer la capacité des populations à se préparer et à réagir aux chocs climatiques ainsi qu’à se remettre sur pied par la suite.

Les prêts de redressement ne sont pas une panacée pour tous les problèmes auxquels sont confrontés les agriculteurs africains, mais ils sont loin d’être inutiles.

rk/am/ag/gd

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