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Une crise « perdue dans l'océan »

Sécheresse et changement climatique à Madagascar

Malnourished boy being examined in southern Madagascar Tom Maguire/IRIN

Le sud enclin à la sécheresse de Madagascar est de nouveau aux prises avec une crise alimentaire cette année. La violence inhabituelle du phénomène El Niño se traduit par une absence de pluie. Les prix ont flambé sur les marchés locaux, laissant plus de 665 000 personnes dans un besoin urgent d'aide alimentaire.

Cette immense île de l'océan Indien est l'un des pays du monde les plus exposés aux catastrophes naturelles. Les régions semi-arides de l'extrême sud de Madagascar - Androy, Anosy et Atsimo Andrefana - sont confrontées à de nouvelles crises chaque année. La manifestation récente du phénomène El Niño n'a fait qu'aggraver une situation déjà critique.

Âgé de bientôt trois ans, Dami ne pèse pourtant que 6,9 kilos. Sous son short bleu et son t-shirt d'un blanc poussiéreux, ses membres ne sont guère plus épais qu'une carotte malgré un ventre gonflé : un signe inéluctable de malnutrition.

Il suçote un sachet de Plumpy'Nut, un aliment prêt à l'emploi à haute valeur nutritionnelle à base d'arachide. Lorsque son sachet lui échappe et tombe à terre, sa sœur s'en empare aussitôt et se met à le mâcher. Elle aussi est affamée.

D'appétissants cactus

La sécheresse qui sévit actuellement, l'une des pires à ce jour, a brûlé les cultures de riz et de manioc en laissant 80 pour cent de la population sans approvisionnement alimentaire sûr. De nombreuses communautés agricoles dépendent désormais de l'aide alimentaire - et des cactus.

« Cette sécheresse est la pire que j'aie jamais connue. L'année dernière, nous avons connu la sécheresse, mais il a un peu plu. Cette année en revanche, rien n'est tombé ou presque. »

Le fruit rouge des cactus est utilisé comme denrée d'urgence dans le sud. Difficile à digérer, il peut toutefois provoquer des troubles intestinaux exacerbant les effets de la malnutrition. Dami est l'un des huit enfants d'Ambahinky Kazy, 38 ans, une mère pauvre peinant à trouver du travail. Elle souhaiterait que ses enfants deviennent instituteurs, mais aucun d'entre eux n'a été à l'école.

Dami s'est vu remettre sa ration de Plumpy'Nut à la suite d'une opération de dépistage menée par UNICEF dans le village d'Ambondro, dans la région d'Androy. Lors de l'examen médical, son tour de bras n'était que de 10 centimètres - un chiffre alarmant.

Jusqu'à 90 sachets de Plumpy'Nut sont nécessaires au rétablissement d'un enfant, mais le fait que les familles aient tendance à voir ce « médicament » comme de la nourriture, et à le partager entre les différents membres affamés de la fratrie, complique les choses.

Depuis quatre ans, Mme Kazy a bénéficié du programme de l'UNICEF par intermittence avec ses différents enfants - un exemple tangible de la pauvreté chronique dont souffre la région.

Près d'un million d'enfants sont atteints de malnutrition aigüe à Madagascar, et cet État insulaire affiche l'un des taux les plus élevés au monde s'agissant du retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans.

La crise de malnutrition est le principal enjeu de santé auquel le gouvernement doit faire face, d'après le ministre de la Santé Mamy Lalatiana Andriamanarivo. La situation « reste alarmante, en particulier dans le sud », a-t-il dit.

Une réponse insuffisante

Le gouvernement dit faire de la lutte contre la crise alimentaire une priorité, mais ses efforts sont entravés par le manque de financements (une part importante du budget de la Santé est tributaire de l'aide étrangère) et des difficultés de mise en œuvre. La résilience des communautés vulnérables aux chocs climatiques n'a guère enregistré de progrès, et les infrastructures se délitent : chaque année, le nombre de routes perdues excède celui des routes construites.

Food aid distribution southern Madagascar
Tom Maguire/IRIN

Cela s'explique en partie par les quatre ans de crise politique qu'a connus le pays, durant lesquels les pays donateurs ont gelé l'aide au développement - ce qui a  affecté « la capacité institutionnelle du gouvernement, la croissance économique et les efforts de développement social », a dit le Programme alimentaire mondial (PAM).

L'insécurité alimentaire ne touche pas seulement les mères célibataires défavorisées et leurs enfants. Toute la communauté est affectée.

« Je suis continuellement inquiet, tous les jours », a dit Damy Miarorala, le maire d'Ambondro. « Cette sécheresse est la pire que j'aie jamais connue. L'année dernière, nous avons connu la sécheresse, mais il a un peu plu. Cette année en revanche, rien n'est tombé ou presque. »

La sécheresse de l'an passé a été meurtrière - en particulier chez les enfants - du fait de la malnutrition, et il semblerait que ce soit encore le cas cette année.

« Ma principale inquiétude est qu'il y ait des décès dus au manque de nourriture. Certaines personnes s'alimentent du fruit rouge du cactus, ce qui est nuisible à leur santé », a dit M. Miarorala.

Lorsqu'il lui a été demandé s'il avait faim, l'ami du maire, M. Malafeno, a ri en montrant ses habits trop larges pour lui. À l'époque où ils lui allaient encore, il pesait 90 kilos. Il en pèse aujourd'hui à peine 63.

Sous le radar

Il est difficile pour Madagascar d'obtenir l'aide dont elle a besoin en raison de sa situation géographique « un peu perdue au milieu de l'océan », a expliqué Willem van Milink, le représentant du Programme alimentaire mondial dans le pays.

Les travailleurs humanitaires estiment que Madagascar a été « rayée de la carte » et oubliée par la communauté internationale. Bien qu'écrasante et d'une gravité constante, la crise alimentaire malgache n'affiche pas les statistiques effroyables ou les événements catastrophiques donnant droit à une aide significative ou à l'attention des bailleurs de fonds en matière de développement.

« Nous n'avons plus d'espoir. Nous attendons simplement de mourir. »

Pourtant, la sécheresse est certainement le symptôme de l'un des enjeux mondiaux les plus urgents : le changement climatique.

Cela fait cinq ans que les précipitations sont en deçà de leur niveau normal, d'après le chef Voasaotsy du village d'Anjampaly, dans le district de Tsihombe. En 2010, une averse de grêle a détruit leurs récoltes de maïs, de patate douce et de pastèque. La fertilité du sol en a pâti, et les cultures ne s'en sont pas remises depuis.

« Nous n'avons plus rien à quoi nous raccrocher », a dit M. Voasaotsy. Mimant la manière dont les villageois s'alimentent en dehors de leur ration quotidienne de maïs assurée par le PAM, il a retiré les épines d'une feuille de cactus et a mordu dedans.

Avec un désespoir flagrant, il a expliqué que les villageois avaient vendu leurs propriétés et leur bétail pour acheter la nourriture qu'ils avaient l'habitude de cultiver eux-mêmes. La moitié du village a migré en direction du nord. La moitié restante n'arrive pas à vendre ses terres, puisque tout le monde souhaite partir. Au moins cinq personnes sont mortes de faim.

« Notre vie se résume à attendre qu'il pleuve », a continué M. Voasaotsy.  « Mais nous n'avons plus d'espoir. Nous attendons simplement de mourir. »

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