Les docteurs Samuel Brisbane, du Liberia, et Sheikh Umar Khan, de Sierra Leone, sont tous deux décédés des suites du virus Ebola qui, en date du 16 août, avait infecté 2 240 habitants d'Afrique de l'Ouest et en avait tué 1 229. IRIN s'est entretenu avec leurs collègues respectifs.
M. Samuel Brisbane était âgé de 74 ans. Il est mort du virus Ebola le 26 juillet après avoir été contaminé par des patients infectés au centre médical John F. Kennedy (JFK) de Sinkor, un district de Monrovia, la capitale du Liberia. M. Brisbane était l'un des médecins et des enseignants en médecine les plus éminents du pays. Il avait formé des centaines d'étudiants libériens au cours de sa longue et brillante carrière. Il avait travaillé comme médecin généraliste pendant des années avant de diriger le centre médical Firestone de 1992 à 2003, puis d'être nommé médecin en chef au centre médical JFK. M. Brisbane a été enterré dans sa ferme en périphérie de Monrovia le jour de sa mort.
Le docteur Melvin Korkor, un ancien étudiant de M. Brisbane qui a travaillé à ses côtés aux urgences de l'hôpital JFK s'est remémoré leur collaboration. M. Korkor travaille à l'hôpital Phebe de Gbarnga, une ville du comté de Bong, dans le centre du Liberia, et a lui aussi contracté le virus Ebola en traitant des patients, mais il a survécu.
« La dernière fois que je l'ai vu, c'était dans le pavillon d'isolement [des personnes atteintes] d'Ebola où l'on m'avait moi aussi placé lorsque j'avais été testé positif au dépistage d'Ebola. Lorsqu'il m'a vu, il a dit "mon fils, que fais-tu ici ?" Puis il est passé à côté de moi et m'a souhaité un bon rétablissement. Mais quelques jours plus tard, il est tombé bien plus malade [que moi] et il est mort », a relaté M. Korkor.
« Dr Brisbane était un homme aimable et il encourageait toujours les jeunes étudiants en médecine à apprendre. Il avait l'habitude de nous dire que [lui et sa génération de médecins] vieillissaient et qu'il était temps que nous, les jeunes médecins, de prendre les commandes du secteur de la santé [...] Il avait l'habitude de nous dire que pour être médecin [...] il faut être prêt à servir l'humanité. »
Pendant les années de conflit qui ont déchiré le Liberia de 1989 à 1996 et de 1999 à 2003, M. Brisbane a soigné de nombreux patients blessés par balle ou à coups de machette.
À l'âge de la retraite, M. Brisbane a installé sa famille aux États-Unis, mais a décidé de rentrer au Liberia pour servir son pays. « Imaginez un médecin qui laisse toute sa richesse de côté et refuse d'arrêter de travailler pour aider ses concitoyens. Quand j'ai appris sa mort, j'ai pleuré pendant des heures parce qu'il a mis sa vie en péril et l'a perdue à cause de son humanité [...] Le Liberia a perdu un grand homme et un philanthrope.
« Il voulait que je sache tout sur la médecine. Il partageait tout avec moi. Il va manquer aux jeunes étudiants en médecine. Il était notre lumière. Il va manquer au Liberia.
« C'est une grande perte. Je suis inquiet pour le futur de ce pays. Tout ce que je peux dire, c'est "M. Brisbane, vous êtes un héros. Vous vous êtes bien battu et vous avez gagné la course". Que votre âme repose en paix. »
Le 16 août, 834 Libériens étaient atteints du virus Ebola, et 466 en étaient morts.
M. Sheik Umar Khan, Sierra Leone
Michael Vandi, agent de santé publique dans le même hôpital, connaissait bien M. Khan. « Avant cet Ebola, nous regardions le football ensemble », s'est-il souvenu, ajoutant que M. Khan était un fervent supporter de Manchester United. « C'était un travailleur dévoué », a dit M. Vandi. « Il aimait son travail, car il aimait ses compatriotes. Il est mort parce qu'il aimait ses compatriotes. » M. Vandi a qualifié ce médecin âgé de 39 ans de mondain. « Il était facile à approcher pour tous. Toujours respectueux », a-t-il dit à IRIN.
D'autres personnes qui ont travaillé sous la direction de M. Khan à l'hôpital partagent cet avis. C'est le cas de James Mansaray, qui travaillait dans le même laboratoire. Selon M. Mansaray, le statut respecté de M. Khan dans le milieu médical ne lui est jamais monté à la tête. « Malgré sa position dans le monde médical, il vous écoutait toujours », a-t-il dit.
M. Khan, qui était originaire du district de Port Loko, dans le nord de la Sierra Leone, avait été testé positif au Ebola le 22 juillet et avait immédiatement été emmené à un centre de soins pour patients atteints d'Ebola dirigé par l'organisation humanitaire Médecins Sans Frontières dans le district de Kailahun, à l'extrême est du pays. Au début, son état semblait s'améliorer. Il était prévu qu'il soit évacué en Europe pour y être soigné, mais sa santé s'était rapidement détériorée, jusqu'à sa mort, le 29 juillet.
Le 12 août, le New York Times s'est fait l'écho de discussions sur la possibilité de traiter M. Khan au Zmapp, le « sérum secret » administré plus tard à deux médecins américains et à un prêtre espagnol au Liberia. Il avait finalement été décidé de ne pas lui donner ce médicament. Ni M. Khan ni sa famille n'avaient été consultés.
On ne sait pas réellement comment M. Khan avait contracté la maladie. Le personnel et les travailleurs de la santé de MSF à l'hôpital ont dit à IRIN qu'il faisait montre d'un soin méticuleux pour éviter d'attraper la maladie. Mais le centre de soins était devenu un véritable piège mortel. Vingt-deux professionnels de la santé sont morts de cette maladie sur ce seul site et des inquiétudes ont été soulevées concernant le manque de protocole de sécurité. M. Khan avait dû être emmené à Kailahun, à trois heures de route sur des voies cabossées, parce que les infirmiers de Kenema s'étaient mis en grève à la suite du décès de trois de leurs collègues le week-end précédent.
De nombreuses personnes à Kenema ont qualifié M. Khan de héros. « Cet homme n'est pas seulement un héros pour la Sierra Leone, » a dit un chauffeur de moto-taxi sirotant une infusion dans un salon de thé de Kenema. « C'est un héros pour toute l'Afrique. » À l'hôpital, il est vénéré. Depuis sa mort, des banderoles à son effigie, accompagnée d'un « Reposez en paix, docteur Khan », ont été déployées dans tout l'établissement.
Pourtant, à toute chose malheur est bon. Le fait de voir le plus grand virologue du pays succomber lui-même à Ebola a obligé de nombreuses personnes à accepter la réalité du virus. Durant les prémices de l'épidémie, la négation d'Ebola a compliqué l'enrayement de sa propagation. Mais le décès de M. Khan a entraîné un revirement de conscience, notamment pour le chauffeur de moto-taxi du salon de thé de Kenema.
« Avant, nous ne croyions pas à la présence d'Ebola », a-t-il dit. « Mais depuis que M. Khan est mort, tout le monde sait que c'est vrai. »
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