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Les leçons tirées de la réponse alimentaire en milieu urbain

The Malian Red Cross distrbutes food to 600 households in Gao's Chateau neighbourhood in march 2013. Food distributions include rice, flour, salt and cooking oil Katarina Hoije/IRIN
Alors que, selon les Nations Unies, les villes et les municipalités connaissent la croissance démographique la plus importante, les organisations d’aide humanitaire adaptent leurs interventions de sécurité alimentaire aux contextes urbains, disposant pour cela d’un nombre croissant d’outils et d’innovations. Cependant, les acteurs de l’humanitaire n’ont pas encore pris le virage nécessaire pour offrir une réponse urbaine systématique et à grande échelle, indiquent les experts de l’aide humanitaire.

IRIN passe en revue quelques-unes des leçons apprises :

Ne pas surestimer la résilience urbaine

Les mythes sur la résilience urbaine changent la perception que les travailleurs humanitaires ont de la vulnérabilité des habitants, selon des experts de l’aide humanitaire en milieu urbain.

Les populations urbaines, qui ont en général un meilleur accès à l’emploi salarié et sont en apparence moins affectées par les fluctuations saisonnières, sont parfois considérées comme étant plus à même de faire face aux catastrophes que les populations rurales – mais cela est rarement le cas.

« Si l’accès aux marchés est plus aisé, l’accès financier ne l’est pas forcément. Tout est tellement plus cher en milieu urbain : il faut payer l’eau, l’électricité, le loyer, la nourriture et les transports. Rien n’est gratuit », a dit Laura Phelps, conseillère en charge des déplacements urbains du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), dans un éditorial publié dans Field Exchange.  Et comme les pauvres des zones urbaines vivent en général avec les revenus précaires du secteur informel qui « permettent rarement de répondre aux besoins de consommation », ils sont plus susceptibles d’utiliser des mécanismes d’adaptation dangereux.

En outre, il est rare que les populations urbaines cultivent leur propre nourriture ; elles sont donc plus vulnérables aux fluctuations des prix du marché qui peuvent être sensiblement affectés par la hausse du prix des carburants.

Les outils existants d’évaluation de la sécurité alimentaire en milieu urbain peuvent produire des résultats trompeurs : les régimes alimentaires semblent plus variés en milieu urbain qu’en milieu rural, mais les quantités de protéines restent très faibles.

L’argent est plus efficace dans les villes

Il est bien établi que l’argent ou les bons sont plus souvent adaptés que la distribution de nourriture dans les villes, et cela devrait devenir la réponse par défaut dans les zones où les marchés fonctionnent. L’aide en argent permet de cibler plus rapidement un plus grand nombre de personnes lorsque la population est éparpillée sur une vaste zone. C’est plus sûr et plus rapide, et, en général, les marchés sont moins perturbés, dit Graham Mackay, Directeur-adjoint humanitaire pour Oxfam Grande-Bretagne.

Bon nombre d’études ont montré que les ménages en situation d’insécurité alimentaire consacrent une grande partie de l’argent reçu à la diversification de leur régime alimentaire, au remboursement de leurs dettes, au paiement de leurs frais de soins de santé et au règlement des frais de scolarité.

La concentration des travailleurs qualifiés et des technologies de télécommunications dans les zones urbaines renforcent également la viabilité des transferts d’espèce par téléphone portable.

L’argent peut permettre aux pauvres de faire fonctionner les marchés, et le Programme des Nations Unies pour les établissements humains (UN-HABITAT) préconise que ce soit un aspect standard des efforts de secours et de relèvement urbains après toute catastrophe. Une bonne [compréhension du marché local]  doit être au cœur de toute évaluation urbaine. UN-Habitat propose de procéder à une évaluation des marchés préexistants, au rétablissement des marchés fondamentaux, de s’approvisionner localement et de faire travailler les petits commerces autant que possible. Les agences doivent favorisent le rétablissement des mécanismes d’approvisionnement, de stockage et de mise sur le marché lorsqu’ils sont perturbés, tout en fournissant de l’argent, des bons ou du soutien aux activités rémunératrices.

Coordination avec les autorités locales

Les agences des gouvernements nationaux et locaux sont presque toujours plus présentes dans les villes que dans les zones rurales. Cette présence rend parfois plus facile aux acteurs humanitaires internationaux la localisation de ces organisations et la collaboration avec celles-ci.

D’un autre côté, la multiplicité des acteurs impliqués dans les interventions peut engendrer un manque de clarté quant aux responsabilités des différents acteurs. Plusieurs organisations – y compris Action contre la faim (ACF), le Programme alimentaire mondial (PAM) et Oxfam – recommandent d’identifier les structures politiques, les rapports de pouvoir et les intérêts en jeu dès le début de l’intervention. Certaines des réponses d’urgence en zone urbaine les plus efficaces sont liées à un système de sécurité sociale public existant qui cible les plus vulnérables.

Cependant, les organisations doivent trouver le point d’équilibre entre la nécessité de coopérer avec le gouvernement et le maintien des principes humanitaires, surtout lorsque le gouvernement est engagé dans des luttes contre des gangs urbains ou des groupes paramilitaires, indique l’ALNAP, un réseau à but non lucratif qui regroupe des spécialistes en matière d’évaluation et d’apprentissage.

Adapter les évaluations et le ciblage

Dans les villes à haut risque, la planification d’urgence devrait fournir des renseignements de base, y compris des calculs du coût de la vie, afin de pouvoir faire rapidement la différence entre une situation « normale » et une catastrophe.

Les agences devraient collaborer avec les autorités gouvernementales concernées pour effectuer une évaluation urbaine, si possible, indique l’ALNAP. Les méthodes d’évaluation des besoins fondées sur les moyens de subsistance ont des chances d’être plus pertinentes que des évaluations de secteurs uniques, parce que les habitants utilisent l’argent pour satisfaire leurs besoins en matière de logement, de nourriture, de santé et d’eau, indique la Croix-Rouge britannique, et parce que les habitants des zones urbaines ont souvent plusieurs sources de revenus.

Dans le cadre de l’analyse des moyens de subsistance et de la sécurité alimentaire, les organisations d’aide humanitaire ne doivent pas oublier les liens qui peuvent exister entre les foyers urbains et leurs communautés rurales, qui parfois les approvisionnent en nourriture. Les évaluations doivent également prendre en compte les dépenses urbaines, comme les dépenses de carburant et de transport.

Lorsqu’elles ciblent les populations des zones urbaines, les organisations d’aide humanitaire doivent s’assurer de ne pas oublier les groupes vulnérables, notamment les habitants des bidonvilles,  les réfugiés, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays et les groupes sociaux marginalisés. Les bidonvilles et les campements informels ne figurent pas toujours sur les cartes municipales officielles, par exemple. Le ciblage et la coordination par quartier sont peut-être plus adaptés dans une ville si tous les acteurs décident de se coordonner selon ces modalités.

Les outils d’évaluation utilisés dans les zones rurales, comme le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire, devraient être adaptés aux contextes urbains, comme devraient l’être certaines normes, comme les Normes Sphère pour la nutrition, indiquent plusieurs critiques. « Une grande partie des réponses que nous utilisons dans les zones rurales peuvent être reproduites – mais nous devons prendre plus de temps pour analyser les besoins et cibler les ménages vulnérables, et prendre en compte la complexité des zones urbaines », a dit Mme Phelphs du NRC.

Enfin, les indicateurs urbains doivent être réactifs au changement, car les villes changent rapidement.

Obtenir des informations par le biais de l’externalisation ouverte

Les technologies peuvent être utilisées pour effectuer les distributions en milieu urbain. Certaines agences recueillent des informations sur la localisation des besoins grâce à l’externalisation ouverte. La cartographie par satellite permet d’indiquer sur les cartes les bidonvilles et les implantations sauvages. Google Maps offre des informations utiles pour suivre les distributions et les mouvements de marchandises.

Certaines organisations se spécialisent dans la cartographie ou la communication urbaine. Par exemple, MapAction est une organisation non gouvernementale (ONG) qui déploie ses services lors de catastrophes urbaines pour fournir aux organisations des cartes de situation fréquemment mises à jour. L’ONG Frontline SMS exploite les ordinateurs portables et les téléphones portables pour permettre une plus large diffusion des messages d’urgence.

Contrôle et évaluation

La programmation urbaine est une démarche relativement récente avec peu de pratiques fondées sur des données probantes. Tous les nouveaux programmes devraient être conçus et financés pour développer une capacité de contrôle et d’évaluation ainsi qu’un élément important de recherche, a écrit dans Field Exchange Ian MacAusland, un expert en éducation du groupe de réflexion ‘Oxfam Policy Management’.

Être patient

Le suivi et le ciblage des populations en milieu urbain sont exigeants en main d’œuvre : les agences doivent donc y consacrer davantage de temps et de ressources qu’en milieu rural.

Par exemple, pendant la crise post-électorale en Côte d'Ivoire en 2010, ACF a mis en place un programme ciblant les habitants les plus vulnérables de la capitale, Abidjan. L’ONG a mené une enquête en porte-à-porte auprès de 25 000 ménages, dont un peu moins de la moitié ont été ciblés finalement. Il a fallu plusieurs mois pour réaliser l’évaluation, a dit Marie Sardier, conseillère en sécurité alimentaire et moyens de subsistance chez ACF, mais elle était nécessaire pour la crédibilité du programme.

La précision est un élément très important dans les contextes urbains explosifs, indiquent les organisations d’aide humanitaire. La Croix-Rouge britannique dit qu’au moins 10 pour cent des ménages sélectionnés devraient faire l’objet d’une visite de vérification, et si 30 pour cent des ménages visités ne répondent pas aux critères, il faut recommencer le processus de sélection.

Envisager des alternatives aux distributions à grande échelle

Les distributions à grande échelle peuvent se muer en foyer de violence, dit l’Agence des États-Unis pour le développement international. Afin de limiter les risques, les distributions devraient être effectuées à l’échelle locale, par exemple, dans un quartier ou dans une partie d’un quartier. Une alternative consiste à proposer des points de service mobiles, comme les cliniques mobiles de Médecins Sans Frontières en Colombie

Établir les limites du programme

Le groupe de travail sur les urgences en milieu urbain du Comité permanent inter-agence et le ‘Disaster Emergency Committee’ ont conclu que, lors de la planification d’une réponse en milieu urbain, les agences doivent savoir ce qu’elles veulent accomplir et quand elles quitteront les lieux, car il est parfois difficile de savoir quand se termine une situation d’« urgence » et quand commencent les conditions dites « normales ».


cb/aj/rz-mg/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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