Selon les travailleurs humanitaires, la sécheresse est généralisée et il faut une aide à grande échelle. « C’est la pire sécheresse que nous ayons connue depuis 1998 », a dit à IRIN Aamir Yousuf, coordonnateur des programmes de l’organisation Al Sadiq Desert Welfare Organization, basée dans le Cholistan.
Taj Haider, le coordonnateur des opérations de secours du gouvernement du Sindh, a indiqué à IRIN que 201 décès – 51 hommes, 34 femmes et 116 enfants - avaient été rapportés dans le Tharparkar entre le 1er décembre 2013 et le 28 mars 2014. Il a dit que ces décès n’étaient pas attribuables à la famine, mais aux maladies.
« La famine n’est en général pas une cause directe de décès [dans les situations de sécheresse sévère] », a dit à IRIN Saleem Uddin, qui a travaillé dans des dispensaires caritatifs de la région de Thar. « Mais les enfants qui souffrent de malnutrition sévère, tels que les enfants qui sont accueillis dans les hôpitaux de Tharparkar, tombent malades plus rapidement et ne se rétablissent pas, contrairement aux enfants en bonne santé ».
La consommation d’eau contaminée suite à l’épuisement des réserves a également contribué au développement des maladies, a-t-il dit, car « les animaux et les gens partagent souvent la même source d’eau ».
Le Programme alimentaire mondial (PAM) indique que la sécheresse a aggravé la crise de la malnutrition dans le district de Tharparkar. Dans sa lutte contre la malnutrition, l’organisation intensifie son appui nutritionnel pour couvrir l’ensemble du district, « afin de satisfaire aux besoins immédiats des enfants, des femmes enceintes et des femmes allaitantes », a dit à IRIN Lola Castro, directrice du PAM dans le pays.
Dans la province du Sindh, les départements en charge de la santé et de la nutrition ont envoyé une demande d’aide. « Plus de 18 000 enfants souffrant de malnutrition modérée ou aiguë, et près de 16 000 femmes enceintes ou allaitantes malnutries bénéficieront du programme de nutrition dans les conseils d’union de Tharparkar », a dit Mme Castro.
La sécheresse qui a frappé le Cholistan a tari plus de 90 pour cent des 1 100 étangs et 155 réservoirs de stockage souterrains répartis sur plus de 26 300 kilomètres carrés, a dit M. Yousuf. De ce fait, près de 90 pour cent des habitants ont quitté leur maison et quasiment toutes les familles ont été affectées. Selon les estimations, le Cholistan compte 190 000 habitants.
Un gouvernement en parti responsable ?
« Cette sécheresse est l’une des pires que nous ayons connue depuis longtemps, probablement depuis au moins 2002 », a dit à IRIN Sharjeel Memon, ministre de l’Information de la province du Sindh. Tout en accusant les médias d’amplifier le problème, il a dit que la situation aurait pu être « mieux gérée » par les autorités, mais il a indiqué que les problèmes étaient désormais « traités par le gouvernement du Sindh avec le soutien de comités mis en place pour superviser les efforts de secours ».
La Cour suprême a accusé le gouvernement provincial du Sindh de ne pas avoir signalé les faits avec honnêteté et le Premier ministre de la province a reconnu des faiblesses administratives majeures, comme la non-distribution des 60 000 sacs de farine de blé attribués à la région en décembre dernier. Les sacs n’ont pas quitté les entrepôts, car les transporteurs n’auraient pas été payés.
La Haute Cour de la province du Sindh a également noté que le non-pourvoiement de 271 postes de médecins dans les hôpitaux publics d’Umerkot - l’une des villes accueillant les patients de la région du Thar – s’est traduit par une insuffisance des soins de santé offerts aux malades, et plus particulièrement aux enfants.
« Les médias, qui se basent sur les chiffres fournis par les hôpitaux, parlent de 221 décès depuis janvier 2014. Mais ces décès ont commencé en octobre et les chiffres sont plus élevés », a dit à IRIN Ali Akbar, directeur exécutif de l’organisation Association for Water Applied Education and Renewable Energy (AWARE), de la ville de Chachro dans le district de Tharparkar. Il a ajouté qu’il n’y avait « eu aucun changement significatif » dans la situation depuis le lancement des efforts de secours, principalement parce que le gouvernement distribue de la farine de blé, mais pas « les produits alimentaires dont les enfants, les femmes enceintes et les femmes allaitantes ont besoin, comme le lait ». Le manque d’équilibre alimentaire signifiait que la crise de la malnutrition allait perdurer, a dit M. Akbar.
Selon les chiffres officiels du Service de secours de la province du Sindh, la région du Thar n’avait pas connu de sécheresse depuis 1999, date à laquelle elle était au bord de la famine.
Déplacement – sans le bétail
« Le bétail et la vie des gens sont étroitement liés dans la région du Thar », a dit Naseer Memon, directeur général de Strengthening Participatory Organization, une organisation basée à Islamabad. Il a indiqué que, étant donné que les femmes enceintes et les femmes allaitantes dépendent essentiellement du lait et des produits laitiers tirés de leurs animaux pour leur alimentation, la mort du bétail et des moutons a contribué à la malnutrition aiguë dont elles et leurs jeunes enfants ont souffert.
« La crise qui sévit dans la région du Thar et dans les zones désertiques voisines est en fait le résultat d’une mauvaise gestion et d’une négligence criminelle de la part de l’administration », a dit M. Memon. Le fait de ne pas avoir distribué du blé et des médicaments à temps et la pénurie de personnels et de services médicaux « se sont traduits par un niveau alarmant de mortalité infantile », a-t-il ajouté.
La crise qui sévit actuellement aurait pu être évitée grâce à un suivi sérieux des données relatives aux précipitations de 2013, ce qui « aurait permis de sonner l’alarme sur la sécheresse », a dit M. Memon. « La vraie tragédie, c’est que cela n’a pas été fait ».
Au Cholistan, plus de 100 000 personnes qui vivaient autour d’étangs taris se sont déplacées, principalement vers les communes et les villes, selon M. Yousuf de l’organisation Al Sadiq Desert Welfare Organization. Les déplacés sont vulnérables, en raison de la perte de leurs moyens de subsistance et de l’insécurité.
« Ici à Bhawalpur, on ne se sent vraiment pas en sécurité. Nous ne connaissons personne. Les habitants sont hostiles et je n’arrive pas à trouver du travail. Tous mes moutons sont morts, alors nous n’avons plus de quoi vivre », a dit Ahmed Alam, qui vit actuellement avec les sept membres de sa famille dans un campement situé à une centaine de kilomètres de son domicile dans le Cholistan.
M. Alam craint également que les terres et la maison qu’il a été obligé d’abandonner soient volées en l’absence de sa famille.
Selon M. Yousuf, près de 200 000 têtes de bétail sont mortes au Cholistan. Dans le district de Tharparkar, les chiffres manquent de clarté, l’organisation non gouvernementale (ONG) Thardeep Rural Development Programme indiquant que 42 000 moutons sont morts, pour la plupart de maladie.
Des rapports locaux ont fait état de graves pertes de bétail ; Raju Bheel, de la ville de Diplo, a indiqué que 12 de ces 40 animaux sont morts au cours de ces deux derniers mois. « Il faut que je trouve du fourrage pour qu’ils survivent et pour que ma famille survive ». Sa famille s’est déplacée à plusieurs reprises pour trouver des points d’eau pour elle et ses animaux.
« Ma femme, qui est enceinte, est malade ; partout, l’eau est contaminée et je suis très inquiet pour elle », a dit M. Bheel.
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