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En Europe, les réfugiés syriens ne sont pas les bienvenus

Greek authorities are erecting a 12.5km fence along the country's land border with Turkey, a major crossing point for undocumented migrants trying to reach Europe Kristy Siegfried/IRIN
Greek authorities are erecting a 12.5km fence along the country's land border with Turkey, a major crossing point for undocumented migrants trying to reach Europe
Les premiers départs de réfugiés syriens ont commencé au second semestre de l’année 2011 ; ils se sont transformés en un flot régulier en 2012 et en une marée humaine en 2013. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime que, en moyenne, 5 000 Syriens fuient chaque jour leur pays et qu’à la mi-septembre, environ 2,1 millions de Syriens avaient trouvé refuge à l’étranger, principalement dans les pays voisins. Le Liban accueille à lui seul 752 000 réfugiés syriens ; la Jordanie, la Turquie, l’Irak et l’Égypte en hébergent plusieurs centaines de milliers.

Le gouvernement turc indique avoir répondu à l’afflux de réfugiés syriens en leur apportant une aide s’élevant à deux milliards de dollars, tandis que la Jordanie a dépensé un montant similaire au cours des neuf premiers mois de l’année 2013. Selon un rapport récent de la Banque mondiale, le conflit et les vagues de réfugiés qu’il a provoquées ont fait doubler le taux de chômage, ont ralenti la croissance du PIB et ont laissé les services de santé, d’éducation, d’eau potable et d’assainissement au bord du gouffre.

Bien que l’Union européenne (UE) se soit engagée à consacrer 1,75 milliard de dollars aux efforts de secours déployés en Syrie et dans les pays voisins - ce qui en fait le plus important pourvoyeur d’aide au monde - elle a fait preuve de peu de solidarité à l’égard de pays comme la Turquie, la Jordanie et le Liban qui ont besoin d’aide pour porter le fardeau de plus en plus lourd des réfugiés.

En dépit de sa relative proximité avec la Syrie, l’Europe n’accueille que 41 000 demandeurs d’asile, l’Allemagne et la Suède en recevant le plus grand nombre.

Non seulement les États membres de l’UE n’ont pas de politique commune en matière de traitement et de protection des demandeurs d’asile syriens, mais les frontières de l’Europe, qui sont dignes d’une véritable forteresse, rendent l’accès au territoire de l’UE extrêmement difficile pour les Syriens.

Un rapport rendu public au début du mois par le Conseil européen pour les réfugiés et exilés (CERE) note que « Il est de plus en plus difficile de rejoindre l’Europe, et les canaux légaux d’entrée dans l’UE sont quasi-inexistants, d’autant plus que les États membres ont fermé leurs ambassades en Syrie ».

Entrer dans l’UE

Bon nombre de réfugiés n’ont d’autres solutions que de payer des passeurs qui les aideront à entrer sur le territoire de l’UE illégalement, mais cela est de plus en plus difficile. La frontière entre la Grèce et la Turquie, qui est longue de 206 km, était autrefois le principal point d’entrée dans l’UE pour les migrants et les demandeurs d’asile, mais en août 2012, le gouvernement grec, avec l’aide de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (Frontex), a nettement renforcé les mesures de sécurité à la frontière, y compris avec l’établissement d’une clôture de 12 km le long d’un des points d’entrée les plus fréquemment utilisés.

La majorité des demandeurs d’asile syriens qui tentent de rejoindre l’Europe empruntent désormais des routes maritimes plus dangereuses entre la Turquie et les îles grecques, et entre l’Égypte et la côte sud de l’Italie. Si un certain nombre de décès par noyade et par déshydratation ont été signalés, le HCR estime que 4 600 Syriens sont arrivés en Italie par la mer entre janvier et le début du mois de septembre 2013, dont deux tiers au mois d’août.

Bon nombre de Syriens entrent désormais en Europe par la Bulgarie, où les centres de réception ont atteint leur capacité maximale. Un nombre indéterminé de demandeurs d’asile sont actuellement retenus dans deux centres de détention, le temps que les demandes d’asile soient examinées, un processus qui peut prendre jusqu’à un an.

« L’UE avait d’abord exhorté la Turquie à garder ses frontières ouvertes aux Syriens qui souhaitaient déposer une demande d’asile, tout en concentrant des ressources sur le contrôle des entrées irrégulières à ses frontières extérieures », a dit António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, lors d’une réunion du Conseil Justice et Affaires intérieures de l’UE organisée au mois de juillet.

« Si la gestion des frontières est un droit souverain et une priorité légitime des États, des moyens doivent être trouvés pour assurer que les Syriens en quête de protection aux frontières de l’UE puissent accéder au territoire, aux procédures et à la sécurité », a noté M. Guterres. Il a également partagé son inquiétude concernant le manque de cohérence des États membres dans l’examen des demandes d’asile et les formes de protection accordées aux demandeurs d’asile.

L’UE a encore beaucoup de chemin à parcourir pour mettre en place un Système européen commun d’asile, car certains États sont moins susceptibles d’accorder un statut de réfugié que d’autres. Par exemple, il est de notoriété publique que la Grèce a un système d’asile défaillant et qu’elle n’a accordé le statut de réfugié qu’à seulement deux Syriens sur les 275 qui ont déposé une demande en 2012, selon le HCR. La même année, près de 8 000 Syriens ont été arrêtés et placés en détention pour être entrés ou avoir séjourné illégalement dans le pays.

Si le ministère grec de l’Ordre public et de la Protection du citoyen a depuis demandé que les Syriens ne soient détenus que le temps nécessaire pour vérifier leur identité, puis relâchés, la majorité des personnes qui ont les moyens de rejoindre les pays où ils auront une meilleure chance de recevoir une protection le font.

Un niveau de protection variable

Le taux de reconnaissance des demandeurs d’asile syriens est en général élevé dans le reste de l’Europe, mais le rapport de l’ECRE note qu’un certain nombre de pays accordent une protection subsidiaire ou humanitaire plutôt que le statut de réfugié, en dépit du fait que, comme le dit M. Guterres : « Les personnes qui fuient la Syrie répondent parfaitement aux critères fixés par la Convention des réfugiés de 1951 et, en conséquence, elles devraient se voir accorder une protection ».

Les Syriens à qui un statut de protection subsidiaire et humanitaire a été octroyé disposent en général d’un permis de résidence d’un an (contre trois ans pour les réfugiés) et ne bénéficient pas nécessairement des aides sociales.

La Suède a récemment décidé d’accorder la résidence permanente à environ 8 000 demandeurs d’asile syriens qui disposaient d’un permis de séjour temporaire. Les groupes de défense des droits des réfugiés espèrent que cette décision créera un précédent.

Outre l’octroi du statut de réfugié aux Syriens, le HCR propose aux États membres d’offrir aux réfugiés syriens des places de réinstallation d’urgence ou l’admission pour motifs humanitaires (une forme de protection plus temporaire que le statut de réfugié). En mars, l’Allemagne a annoncé la mise en place d’un programme pour des admissions humanitaires qui fournira jusqu’à 5 000 places d’accueil pour une durée de deux ans, la priorité étant donnée aux personnes qui sont déjà enregistrées au Liban ou qui ont de la famille en Allemagne.

En juin, le HCR a annoncé qu’il cherchait 10 000 places pour l’admission humanitaire et 2 000 places de réinstallation pour des Syriens particulièrement vulnérables. Depuis lors, 10 pays (dont sept en Europe) ont offert un total de 1 650 places de réinstallation, mais à l’exception de l’Allemagne, seule l’Autriche a accepté d’offrir 500 places pour l’admission humanitaire.

Alors que ce conflit créé 5 000 nouveaux réfugiés chaque jour, les groupes de défense ont critiqué ces engagements à minima. Les chiffres semblent faibles en comparaison avec les dizaines de milliers de réfugiés accueillis pendant les conflits au Kosovo et en Bosnie.

Julia Zelvenskaya, de l’ECRE, a attribué cette réponse décevante au climat politique généralement négatif pour les migrants et les réfugiés en Europe aujourd’hui. « Peu de dirigeants européens se disent favorables à l’accueil des réfugiés », a-t-elle dit à IRIN. « Certains pays n’offrent que 30 places de réinstallation, et lorsque l’on compare le nombre de personnes hébergées dans les pays voisins [comme la Jordanie et le Liban], on ne peut vraiment pas parler de partage des responsabilités ».

Le groupe de l’Alliance des libéraux et démocrates pour l’Europe (ALDE), un parti politique qui siège au Parlement européen, a demandé l’organisation d’une conférence humanitaire pour aborder la question de la facilitation de l’accès temporaire aux pays de l’UE des personnes fuyant le conflit.

Un régime de protection temporaire pourrait être mis en place dans l’UE grâce à la directive adoptée en 2001 après le conflit au Kosovo, mais il faudrait pour cela l’accord de tous les États membres.

« Nous avons des instruments que nous pourrions utiliser si nous choisissions de les déployer », a dit Guillaume McLaughlin, un conseiller en politiques de l’ALDE. « Nous avons eu beaucoup de rhétorique [sur cette question], mais pas d’action ».

Mme Zelvenskaya a indiqué qu’il était peut-être trop tôt pour appliquer la directive de l’UE sur la protection temporaire, étant donné que le nombre de demandeurs d’asile syriens qui arrivent en Europe est toujours relativement faible. En revanche, des mesures pourraient être prises pour ouvrir des canaux légaux d’entrée dans l’UE, par exemple, en assouplissant les restrictions actuelles en matière de délivrance de visas et les règles de regroupement familial pour les Syriens, et en délivrant des visas humanitaires dans les ambassades des pays voisins.

ks/he-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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