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La longue attente des déplacés chiites en Indonésie

Displaced Shias on Madura Island are housed in a poorly equipped tin-roof hangar Brendan Brady/IRIN
Il y a huit mois, des dizaines de musulmans chiites de l’île indonésienne de Madura ont été chassés de chez eux par des foules d’habitants de villages sunnites voisins. Aujourd’hui, leurs conditions d’hébergement restent déplorables et ils n’ont aucun espoir de pouvoir bientôt rentrer chez eux.

Près de 170 chiites du district de Sampang restent confinés dans un gymnase et ne peuvent ni travailler ni voyager. Leur survie dépend des ravitaillements du gouvernement. Les autorités locales leur ont conseillé de rester près du gymnase pour leur propre sécurité.

« Nous n’avons aucune chance de quitter cet endroit. C’est comme si nous étions en prison », a dit Ustadz Iklil, un homme de 40 ans.

Il raconte que les familles ont dû se limiter à un repas par jour lorsque la nourriture distribuée par le gouvernement est venue à manquer et qu’il est difficile de maintenir une hygiène de base.

Mauvaises conditions

Les déplacés vivent sur des courts de tennis, dans un hangar au toit de tôle. Les familles se partagent une seule toilette et l’intérieur de l’abri empeste.

Les personnes qui dorment dans ce hangar ont dit être psychologiquement et physiquement anéanties.

« Il y a toujours de nombreuses personnes malades ici », a dit Ummi Kulsum, âgée de 37 ans. D’après ses dires, le personnel médical de l’hôpital public local était censé faire une visite quotidienne à l’abri, mais personne n’est venu depuis octobre.

« La vie ici est difficile et le gouvernement ne nous a pas encore fait part d’une décision claire concernant notre avenir », a-t-elle dit.

Une femme de 35 ans qui répond au simple nom de Rokiyah a dit que son bébé de deux mois avait du mal à dormir dans le bâtiment étouffant et surpeuplé. « Les gens de notre district ne pouvaient pas accepter notre différence alors nos enfants sont obligés de grandir dans ces conditions », a-t-elle dit.

Les enfants étudient dans une salle de classe de fortune installée sous une bâche dans un champ devant le bâtiment. Les cours sont donnés par des bénévoles.

Intolérance croissante

Le sunnisme est le principal courant islamiste du pays, mais de nombreux Indonésiens se considèrent simplement comme des musulmans.

L’île de Madura a cependant toujours été plus conservatrice et les habitants de l’île qui se disent ouvertement chiites sont considérés avec suspicion et désapprobation par une partie de la majorité sunnite. La proportion de chiites à Madura et dans le reste de l’Indonésie reste inconnue, car ils ne sont pas recensés et craignent les représailles. Seulement quelques villages sur l’île s’identifient ouvertement comme chiites.

En août 2012, des sunnites de la région ont attaqué deux des villages chiites du district, certains brandissant des armes traditionnelles semblables à des machettes. Un chiite a été tué et un autre, qui présentait plusieurs blessures profondes a survécu de justesse. Des dizaines de personnes ont été blessées et 48 maisons ont été incendiées.

Selon les villageois, les violences ont éclaté lorsque des écoliers chiites, exclus de l’école locale, ont tenté de se rendre dans une école voisine. Selon des témoins, des hommes sunnites leur ont bloqué le passage et la confrontation s’est intensifiée jusqu’à déclencher l’attaque des habitations chiites.

Sauf quelques exceptions, la plupart des déplacés chiites ont perdu tous leurs biens.

Les minorités religieuses prises pour cible

Selon un récent rapport de Human Rights Watch (HRW), les mouvements islamistes radicaux de la majorité sunnite s’en prennent principalement aux adeptes des courants islamistes minoritaires et aux chrétiens.

L’institut Setara, une organisation basée à Jakarta qui veille au respect de la liberté de culte en Indonésie, a identifié 216 cas d’attaques violentes à l’encontre de minorités religieuses en 2010, 244 en 2011 et 264 en 2012.

Selon HRW, l’État est complice de ces exactions. « Les brimades et intimidations des minorités par des mouvements islamistes ont été facilitées par le rôle actif ou passif des autorités et des forces de sécurité indonésiennes », estime le rapport.

Un porte-parole du ministère des Affaires religieuses a affirmé, dans une interview accordée à des médias internationaux, que l’intolérance religieuse n’était pas un problème grave et a qualifié l’Indonésie de « laboratoire d’harmonie religieuse ».

Pas de résolution

Il est difficile de dire quelle autorité est finalement responsable du sort des déplacés chiites de Sampang.

Selon Andreas Harsono, auteur du rapport de HRW, les personnes ou institutions nationales ayant compétence dans de telles affaires sont le cabinet du président, le chef de la police nationale et le ministre coordonnateur des affaires juridiques, politiques et sécuritaires. Cependant, a-t-il ajouté, les mesures de décentralisation engagées en 2004 ont renforcé le droit de regard des autorités locales dans les conflits internes à leur juridiction.

Jakarta devrait intervenir, puisqu’aucune solution locale n’est en vue, a-t-il toutefois ajouté.

« Nous avons besoin de temps pour résoudre le problème qui [a conduit au] conflit ici », a dit Rudi Setiadi, directeur du Conseil de l’unité nationale du kabupaten de Sampang, une institution gouvernementale chargée entre autres de la sécurité et de la stabilité.

« Nous devons bien obéir à nos chefs religieux et nos chefs religieux disent que [les chiites] doivent se convertir au sunnisme pour pouvoir rentrer dans leur village », a dit M. Setaidi, se faisant l’écho des opinions des radicaux.

« Du point de vue des droits [de l’homme], [les chiites] devraient bien sûr pouvoir rentrer dans leurs villages et le gouvernement devrait être responsable de leur protection, coûte que coûte », a dit Akhol Firhaus, du Centre pour les personnes marginalisées, une organisation non gouvernementale locale.

« Le gouvernement ne leur a pourtant pas donné d’autre solution que de se convertir au sunnisme ou de quitter l’île de Madura », a-t-il dit. « Le gouvernement se doit de leur apporter une meilleure solution. »

bb/pt/rz –ld/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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