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Quand manque d’alerte rime avec homicide

Memories of a 2005 quake that killed 73,000 people caused fear and panic when a less powerful earthquake hit Mansehra, about 100 km north of Islamabad, on 28 February 2010 Rahat Dar/IRIN

Des sismologues italiens, accusés de ne pas avoir averti la population de l’imminence d’un tremblement de terre en 2009, ont récemment été reconnus coupables d’homicides. Les répercussions de ce jugement sur la préparation aux tremblements de terre pourraient être importantes, selon des experts.

« Ce procès et ce verdict créent un précédent extrêmement grave qui devra être pris en compte par les scientifiques qui travaillent pour assurer la sécurité du public », a dit à IRIN Warner Marzocchi, expert scientifique en chef à l’Institut italien de géophysique et de vulcanologie.

Le 22 octobre, un tribunal régional italien a condamné six sismologues et un fonctionnaire pour négligence dans leur évaluation des risques pesant L’Aquila, qui a été frappée par un tremblement de terre meurtrier. Les scientifiques étaient au courant des risques réels et ont omis d’avertir la population.

Reconnus coupables d’homicides (cette condamnation est une première dans le monde de l’alerte précoce), ils ont été condamnés à six ans de prison.

Le 6 avril 2009, le tremblement de terre de magnitude 6,3 a fait plus de 300 victimes, entraîné le déplacement de 25 000 personnes et détruit 10 000 édifices dans la ville universitaire de L’Aquila, située à environ 85 km au nord-est de Rome.

Le tribunal a reproché aux accusés d’avoir donné des informations « trop rassurantes » à la population avant le tremblement de terre. Les avocats de la défense ont quant à eux soutenu que les scientifiques n’avaient aucun moyen de prévoir qu’un tremblement de terre allait se produire.

Les limites de la science

Selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (United States Geological Survey, USGS), les scientifiques ne mesurent les tremblements de terre que depuis 100 ans.

Si les météorologistes sont capables de prédire avec exactitude la trajectoire et la force d’une tempête, les sismologues sont pour l’instant incapables de prédire les tremblements de terre, a dit Peeranan Towashiraporn, chef du département d’évaluation et de contrôle des catastrophes du Centre asiatique de préparation aux catastrophes (Asian Disaster Preparedness Centre, APDC), basé à Bangkok.

« Nous nous appuyons sur des méthodes éprouvées et des données de qualité, mais cette science est encore jeune … et n’est pas suffisamment avancée pour comprendre tout ce qu’il passe sous terre », a continué M. Towashiraporn. « Lorsque nous parlons de risques de tremblement de terre, nous parlons de probabilités et de risques – il s’agit de projections ».

Le tremblement de terre de L’Aquila a été précédé de petites secousses ; après un évènement sismique de faible magnitude, le risque d’une réplique sismique meurtrière et de forte magnitude est mathématiquement faible – une probabilité inférieure à 1 pour cent, selon les recherches sismologiques.

Il est « quasiment impossible de déclencher » une alerte précoce en cas de tremblement de terre destructeur, a dit M. Surono, directeur du Volcanology and Geological Hazard Mitigation Centre, basé en Indonésie. (Comme bon nombre d’Indonésiens, M. Surono ne porte qu’un seul nom)

Depuis 2000, l’Indonésie a subi 45 tremblements de terre, qui ont fait près de 176 000 victimes. Il s’agit donc de l’un des pays les plus dangereux au monde en cas de tremblement de terre, selon le Centre de recherche sur l’épidémiologie des désastres (CRED), basé en Belgique.

Il est possible de prévoir la survenue éventuelle d’un tremblement de terre, mais il est impossible de fournir des détails spécifiques. « Nous ne pouvons pas donner une heure précise. Nous pouvons déterminer les zones menacées par les tremblements de terre en nous appuyant sur l’histoire des éruptions, mais nous ne saurons pas quand un tremblement de terre va se produire », a dit M. Surono.

« Nous disposons de prévisions probabilistes – des modèles de risques sur la possibilité à long terme et journalière de survenue d’un évènement important, qui est très faible, disons une fois en 100 ans ou 1 000 ans », a dit Ian Main, professeur de sismologie à l’université britannique d’Édimbourg.

Communication des risques

La condamnation pour homicides des sismologues italiens pourrait dissuader les experts d’exprimer leur opinion sur les risques naturels, a prévenu M. Towashiraporn de l’ADPC. « Les scientifiques pourraient hésiter à partager leurs prévisions s’ils sont poursuivis en justice pour les informations qu’ils communiquent ».

Selon M. Marzocchi, le scientifique italien, les sismologues demanderont l’amnistie avant de s’exprimer publiquement. Ils pourraient également faire preuve d’une prudence excessive lorsqu’ils envoient leurs messages d’alerte, ce qui pourrait se traduire par le déclenchement de fausses alarmes. Les scientifiques risqueraient ainsi de perdre toute crédibilité aux yeux des communautés qu’ils essayent de protéger, a-t-il dit.

« La société et les décideurs politiques attendent des scientifiques qu’ils soient précis. La société demande des réponses précises, mais les scientifiques… ne font pas de prédictions. Les scientifiques font uniquement des prévisions et des analyses », a dit Fouad Bendimerad, président du conseil de l’Earthquakes and Megacities Initiative (EMI), une organisation non gouvernementale (ONG) de préparation aux catastrophes basée aux Philippines.

Une mauvaise communication, voire une absence de communication, entre les scientifiques, les décideurs politiques et les responsables des politiques complique la situation, a ajouté M. Bendimerad, qui demande davantage de recherches interdisciplinaires sur la meilleure façon de communiquer les risques sismiques.

Selon l’Institut de recherche sur le génie parasismique (Earthquake Engineering Research Institute, EERI), basé en Californie, les sismologues ont besoin d’une meilleure formation sur la façon de communiquer leurs découvertes scientifiques, et la population a besoin d’aide pour les interpréter. Prévenir d’un risque de tremblement de terre de manière adéquate, en s’appuyant sur une science et une technologie toujours en évolution, est l’un des principaux défis auxquels les sismologues sont confrontés, indique l’Association internationale de génie séismique, basée au Japon.

Les scientifiques de L’Aquila ont dû relever ce défi directement, selon M. Main. Lors d’une conférence de presse organisée par le gouvernement avant le tremblement de terre, « le message [selon lequel l’éventualité d’un tremblement de terre imminent, bien que faible, ne pouvait être écartée] a été mal interprété par un fonctionnaire qui subissait de fortes pressions », a-t-il dit.

Préparation

Étant donné le manque de précision des systèmes d’alertes précoces des séismes, la préparation est cruciale, a dit M. Towashiraporn.

Un rapport de l’EERI rendu public en 2004 a mis en lumière les tremblements de terre majeurs récents – à Kobe, au Japon, en 1995 ; en Arménie et en Colombie en 1999 ; et à Northridge, en Californie, en 1994 – pour souligner la nécessité d’une planification d’urgence dans les zones menacées par les séismes.

« [Le cas de L’Aquila] pourrait servir d’exemple afin d’accroître la sensibilisation ou de mettre en œuvre des mesures préparatoires à un niveau approprié », a dit M. Main.

Selon le CRED, les tremblements de terre ont fait plus de victimes au cours de ces dix dernières années que toute autre catastrophe naturelle dans le monde.

La préparation est notamment nécessaire en Asie, où l’on a enregistré trois fois plus de victimes de tremblements de terre et de tsunamis qu’ailleurs dans le monde. Un rapport de la Banque mondiale rendu public en 2011 prédit qu’« il ne s’agit que d’une question d’années avant qu’un tremblement de terre majeur ne frappe l’Asie de l’Est et le Pacifique. Dans quelques dizaines d’années au plus, un tremblement de terre majeur se produira à proximité d’une zone métropolitaine ».

Pendant des années, les experts ont prédit qu’un tremblement de terre dévastateur frapperait la vallée de Katmandou, au Népal ; quelque 2,5 millions de personnes vivent dans cette région, notamment dans la ville de Katmandou.

Amod Dixit, directeur exécutif de la National Society for Earthquake Technology-Nepal de Katmandou, une organisation à but non lucratif, indique que les seules prévisions ne suffisent pas à sauver des vies. « Qui est responsable de la sécurisation des édifices ? Le travail des scientifiques est de faire des analyses et de présenter des probabilités. Le gouvernement est responsable de la mise en œuvre ».

Les ingénieurs estiment qu’un tremblement de terre comparable au tremblement de terre qui s’est produit dans la région en 1934 et qui a fait quelque 8 000 victimes pourrait faire plus de 100 000 victimes et 300 000 blessés, et endommager 60 pour cent des infrastructures aujourd’hui. Les capacités de recherche et de sauvetage sont limitées dans la ville, alors que seuls 15 véhicules d’extinction sont disponibles dans la vallée de Katmandou – et 12 d’entre eux n’étaient même pas en service au début de l’année.

Quelle est la prochaine étape ?

En 2011, après la catastrophe de L’Aquila, le gouvernement italien a créé l’International Commission on Earthquake Forecasting for Civil Protection; M. Main et M. Marzocchi sont membres de cette commission.

Le panel a recommandé l’élaboration de protocoles pour faire face aux évènements de « faible probabilité ». Aucun gouvernement au monde n’a pour l’instant établi de protocoles sur la manière de communiquer des informations scientifiques aux communautés à risque de séismes – quelle que soit la probabilité.

La commission a également recommandé que les découvertes scientifiques soient protégées afin de garantir qu’aucune information ne soit perdue par les intermédiaires gouvernementaux lorsque des risques de séismes sont communiqués au public.

Les panelistes sont cependant conscients que la sismologie est une science incertaine. « De manière générale, la sismologie est une science d’observation. Nous en apprenons davantage après chaque nouvel évènement », a dit M. Main.

« Si ce principe de base n’est pas accepté, les scientifiques, les décideurs et toutes les personnes impliquées dans la sécurité civile risquent de faire l’objet de poursuites en cas de survenue d’un évènement inattendu », a dit M. Marzocchi.

rg/pt/rz-mg/amz
 


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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