1. Accueil
  2. East Africa
  3. Somalia

Les PDIP de Mogadiscio victimes d’extorsion et d’expulsion

IDPs in the Wardhiglay area of Mogadishu, Somalia Kate Holt/IRIN
IDPs in the Wardhiglay area of Mogadishu, Somalia (Feb 2012)
Déjà confrontées à une aide humanitaire irrégulière et difficile d’accès, les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP) sont également menacées d’expulsion par les propriétaires de retour dans la capitale somalienne, Mogadiscio, et par des gardiens de camp sans scrupules qui détournent la plus petite quantité d’aide reçue, d’après un nouveau rapport.

Selon un rapport de l’organisation humanitaire Refugees International (RI) intitulé Gatekeepers and Evictions : Somalia’s Displaced Population at Risk (Gardiens et expulsions : la population déplacée de Somalie en danger), « depuis que le [groupe d’insurgés] d’Al-Shabab a perdu le contrôle de la capitale somalienne, des chefs de milice, des hommes politiques et des propriétaires influents se sont réapproprié différentes parties de la ville. Leur contrôle s’étend aux camps de déplacement où l’aide humanitaire internationale est distribuée ».


« Sur le terrain, les ‘gardiens’ de camp, qui sont de mèche avec des personnalités locales influentes grâce à un complexe réseau de relations, exigent régulièrement une partie de l’aide reçue par les personnes déplacées en guise de ‘loyer’ ».

Si certains gardiens protègent les PDIP en échange d’un paiement, d’autres les exploitent et les considèrent « comme un moyen d’enrichissement personnel », affirme le rapport.

Manque d’organisation

L’association RI déclare que le système des gardiens a pour origine une provision de services « contrôlée à distance », à travers laquelle les organisations humanitaires internationales acheminaient de l’aide aux réfugiés en passant par des organisations non gouvernementales (ONG) locales, pendant les années où il était très dangereux d’intervenir à Mogadiscio.

Un rapport de juin 2012 du groupe de surveillance des Nations Unies en Somalie et en Érythrée déclare que les organisations humanitaires présentes en Somalie « ont constaté une variété de stratégies sophistiquées pour attirer, contrôler et détourner l’aide humanitaire ». La plus convaincante et subtile de ces méthodes est utilisée par les administrateurs de camp et des chefs de district qui se transforment en ‘gardiens’ pour filtrer les entrées, gérer les stocks humanitaires et empêcher un contrôle efficace de la distribution des aides », a-t-il révélé.

Les organisations humanitaires affirment que, malgré le retrait des insurgés d’Al-Shabab de Mogadiscio en 2011, plusieurs milices sévissaient toujours en ville. L’insécurité et le manque de structures organisationnelles à l’intérieur des camps continuent de freiner un acheminement continu de l’aide.

« L’accès aux PDIP reste difficile à cause des problèmes de sécurité, et les services humanitaires sont présents, mais de façon irrégulière. Les PDIP font face en installant des bases dans différents campements afin d’avoir accès à l’ensemble des services », a déclaré à IRIN Kilian Kleinschmidt, coordonnateur adjoint des Nations Unies en Somalie.

« La principale défaillance concerne le manque d’organisation et de structures administratives à l’intérieur des camps de réfugiés dont beaucoup sont contrôlés par des ONG et des gardiens sans scrupules, susceptibles de détourner les fonds et les provisions [destinés aux] camps. Certains auraient même installé de faux camps dans lesquels ils font venir des gens lorsque les organisations humanitaires se rendent sur place, alors qu’en réalité, personne n’y vit », a-t-il déclaré.

Des conditions difficiles

« Nos abris, que nous construisons nous-mêmes, ne peuvent même pas nous protéger des intempéries comme le vent ou le soleil, et encore moins nous maintenir en sécurité. De plus, il y a trop de monde et il n’y a même pas la place de cuisiner ou de faire bouillir de l’eau », a affirmé Asha Ahmed, une PDIP de Mogadiscio.

Il est difficile de se soigner dans les camps. « Mon utérus est dans un état critique depuis que j’ai accouché d’un enfant mort-né cette année, et j’ai peur que cela n’affecte mes grossesses futures », a déclaré à IRIN Amina Osman.

Des milliers de PDIP ont récemment manifesté à Mogadiscio pour réclamer une meilleure provision de services et d’abris.

« La manifestation portait sur des problèmes de longue date et les PDIP ont raison d’exprimer leurs sentiments. Une fois la transition [politique] terminée et le gouvernement en place, nous espérons que les problèmes humanitaires ne seront pas oubliés », a confié M. Kleinschmidt.

« Il faut une collaboration des ministères responsables, des chefs de district, des dirigeants politiques, des acteurs humanitaires et autres intervenants clés pour assurer une provision de services durable aux PDIP de Mogadiscio ».

Il a souligné la nécessité d’avoir une politique appropriée pour les camps de PDIP, sans laquelle l’action humanitaire continuerait à être « irrégulière et incertaine ».

Il n’existe aucune statistique officielle déterminant la population totale de PDIP à Mogadiscio, mais, d’après un sondage de 2012 du Comité international du Croissant-Rouge (ICRC), leur nombre pourrait atteindre les 400 000, dont 15 pour cent de pauvres originaires des villes.

« Les PDIP vivent dans de très mauvaises conditions, dans des camps qui ne sont pas vraiment conformes aux normes humanitaires. Nous espérions que beaucoup de gens allaient rentrer chez eux à la fin de la sécheresse de 2011, mais cela ne s’est pas vraiment produit, car beaucoup de PDIP ont trouvé des moyens de subsistance dans la ville en plein essor », a déclaré M. Kleinschmidt.

« Lorsque la Mission de l’Union africaine en Somalie (AMISOM) a pris le contrôle d’Afgooye [une ville à 25 km à l’ouest de Mogadiscio] en février, beaucoup de PDIP qui y vivaient se sont rendues à Mogadiscio ; nombre d’entre elles ont rejoint les PDIP à l’intérieur et en périphérie de la ville ».

Un meilleur suivi de l’aide humanitaire

Le rapport de RI souligne aussi le problème majeur des expulsions dont sont victimes les PDIP de Mogadiscio.

« À mesure que Mogadiscio se développe, les hommes d’affaires de la diaspora somalienne et les fonctionnaires d’État qui sont de retour cherchent tous à se réapproprier les terres où les PDIP sont installées », indique le rapport. « Le nouveau gouvernement somalien et les bailleurs de fonds doivent veiller ensemble à ce que chaque projet d’aménagement urbain prenne en compte l’impact qu’il peut avoir sur les PDIP ».

Le rapport appelle les Nations Unies et les ONG internationales à accroître leur présence dans les camps de PDIP et à améliorer le système d’acheminement de l’aide. Il recommande aux États donateurs d’attribuer plus de fonds pour l’évaluation et le suivi. Il indique également que le nouveau gouvernement somalien « doit obliger les responsables locaux à rendre des comptes concernant le détournement de l’aide humanitaire et à empêcher toute expulsion forcée de personnes ou de communautés déplacées qui violerait le droit international humanitaire ».

M. Kleinschmidt a indiqué que plusieurs agences des Nations Unies et ONG internationales renforçaient leur présence en Somalie. Il a déclaré que 14 agences des Nations Unies et ONG internationales avaient commencé à réorganiser l’un des camps de PDIP les plus grands et plus connus, disposant les dispensaires de soins de manière structurée afin d’en faciliter l’accès.

« Maintenant que la majeure partie de la ville est relativement accessible, il est possible de connaître l’emplacement des camps et de fournir des services… tandis qu’un effort interagences va permettre d’établir le profil des PDIP de la ville afin de mieux comprendre qui ils sont », a-t-il dit.

L’amélioration de la sécurité dans les camps est également cruciale pour le développement de l’aide humanitaire. « La sécurité est une condition préalable pour garantir des services. Nous avons besoin de plus de surveillance aux abords des camps. Les forces d’AMISOM collaborent avec la police locale pour lutter contre le problème des milices qui sont responsables de l’insécurité en ville. Le retour à un état de droit est capital. Le Programme du PNUD pour l’état de droit, en collaboration avec les acteurs humanitaires, œuvre pour que la sécurité des camps de PDIP soit assurée par la police », a-t-il affirmé.

« La solution n’est pas d’envoyer plus de produits alimentaires ou de provisions [dans la ville] si ces derniers n’atteignent pas les destinataires visés, mais de changer le paradigme de sécurité et de gouvernance », a ajouté M. Kleinschmidt.

kr/hb/rz-fc/ag/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join