1. Accueil
  2. West Africa
  3. Burkina Faso

Prévenir les conflits entre les agriculteurs et les éleveurs

These cattle are eating the first pasture of the 2012 rainy season. But their owners are unable to head north to seek pasture there for  fear Islamists will steal their flocks. Mopti region Anna Jefferys/IRIN
Alors que les incidents violents entre les éleveurs et les agriculteurs sédentaires s’étendent vers l’est et le nord du Burkina Faso, le ministère des Ressources animales a mis en place une série d’ateliers à destination des deux groupes, mais aussi des leaders des communautés, des gouverneurs locaux et des maires.

Selon les estimations du Ministère, quelque 600 conflits éclatent chaque année, entraînant la mort de pasteurs, d’agriculteurs ou de fonctionnaires, la destruction de fermes et de logements, ainsi que les blessures ou décès d’animaux. Édith Vokouma, directrice des Espaces et des Aménagements pastoraux au sein du ministère de l’Élevage, estime que 55 personnes ont trouvé la mort au cours des 4 000 affrontements signalés au cours de ces quatre dernières années. Le nombre d’incidents augmente d’année en année.

« C’est un sujet très sérieux », a dit Jérémie Ouedraogo, le ministre des Ressources animales, depuis la capitale Ouagadougou. « Comment faire pour utiliser nos ressources naturelles ensemble sans déclencher de conflit ? Voilà l’objectif que nous espérons atteindre ».

Le dernier incident signalé s’est produit en juin à Tapoa, dans la région Est : des éleveurs de cette région principalement agro-pastorale ont attaqué les maisons des gardes-forestiers après l’arrestation d’un éleveur accusé d’avoir arraché les feuilles d’un arbre pour nourrir ses animaux, selon Bertin Somda, gouverneur de la région Est.

Le bétail est la principale source de revenus de bon nombre de familles au Burkina Faso : 80 pour cent des foyers ruraux ont au moins un ou deux animaux pour survivre en période de crise. « Ils sont comme un compte en banque », a dit M. Ouedraogo.

Causes de l’augmentation des affrontements

Comme dans une grande partie du Sahel, les conflits éclatent lorsque des agriculteurs empiètent sur les routes de transhumance, poussant ainsi les éleveurs à pénétrer sur des terres cultivées afin de nourrir leurs animaux. On note également une intensification de la concurrence pour les terres agricoles, car la population croît à un rythme de 3,1 pour cent par an, l’un des taux les plus élevés au monde.

Le problème de la pénurie foncière a été aggravé par l’accaparement des terres par des agro-entreprises après l’adoption de nouvelles lois qui favorisent la propriété foncière privée, mais aussi par l’augmentation du nombre de chercheurs d’or traditionnels, qui écartent les éleveurs des routes de transhumance et polluent les points d’eau en utilisant des produits chimiques. Quelque 800 sites miniers traditionnels ont été ouverts depuis 2007.

Bon nombre des affrontements qui ont éclaté dans le nord de la région du Sahel suivent les lignes des clivages ethniques entre les éleveurs Fulani et les agriculteurs Mossi.

Hassan Barry est le président de l’Association Tabital Pulaaku qui contribue à la résolution des conflits dans les zones à haut risque à travers le pays (y compris Zoundweogo et Nahouri dans la région Centre-Sud, Gourma et Kompienga dans la région Est, Sissili et Ziro dans la région Centre-Ouest, Poni et Noumbiel dans la région Sud-Ouest) depuis 2010. Selon lui, les conflits sont devenus plus violents au début des années 2000 : un tournant est intervenu en 2003 à Balere, dans la région Est, lorsque dix éleveurs ont été tués par des habitants de la région suite à des conflits liés à la destruction de leurs cultures.

L’arrivée par le Nord de 35 000 réfugiés maliens, des pasteurs pour la plupart, n’a pas, pour l’instant, aggravé les tensions, ont indiqué des responsables gouvernementaux, car les pâturages sont abondants après la saison des pluies. L’arrivée de dizaines de milliers de réfugiés supplémentaires à la suite d’une intervention militaire dans le Nord pourrait toutefois exacerber les tensions.

Solutions

La solution, c’est la prévention, a dit M. Barry.

« Il est difficile de mettre fin au conflit une fois qu’il a commencé. Il est crucial d’empêcher que les conflits ne dégénèrent en confrontations sanglantes entre les différents groupes – ou pire en affrontements interethniques entre des personnes qui fréquentent les mêmes mosquées et les mêmes marchés, qui enterrent leurs morts ensemble », a-t-il souligné.

La plupart des conflits sont le fruit d’une mauvaise compréhension mutuelle des règles et règlements fonciers qui protègent les terres agricoles et les routes de transhumance, a-t-il noté.

La diminution de la compréhension est liée au fait que bon nombre de pasteurs envoient leurs enfants (dont un grand nombre sont analphabètes et ne connaissent pas les règles) s’occuper des animaux. « Quand nous étions des enfants, il y avait moins de conflits, car les éleveurs étaient des hommes instruits et respectueux », a expliqué M. Barry.

« Les problèmes surviennent souvent la nuit, lorsque les animaux s’éloignent pour paître alors que les agriculteurs dorment », a dit M. Somda.

Les ateliers mis en place par le gouvernement abordent les questions suivantes : la règlementation foncière ; l’importance de la protection des routes empruntées par les nomades ; et la manière dont les agriculteurs et les pasteurs ou agro-pasteurs peuvent travailleur ensemble pour utiliser les ressources naturelles de manière durable.

Les responsables locaux encourageront également les agriculteurs et les pasteurs à s’entendre sur les routes de transhumance et à passer des accords plus contraignants.

Si la plupart des conflits sont réglés par les leaders des communautés, certains dossiers sont traités par des cours locales, qui ont besoin d’aide pour faire leur travail, a dit M. Hassan, car il faut parfois des années pour traiter les dossiers, ce qui aggrave les tensions au sein des communautés.

Il recommande l’établissement d’une cour spéciale chargée de répondre aux tensions liées aux ressources naturelles et de traiter les dossiers en suspens ; et l’établissement d’un ensemble de bureaux spécialisés dans chaque municipalité afin d’élaborer des cartes, de surveiller les routes empruntées par le bétail, de prévenir et de régler les conflits.

Mais pour avancer, tous les groupes doivent également comprendre comment utiliser des ressources naturelles limitées de manière plus efficace, a dit M. Ouedragogo, notant que quelque 110 000 hectares de forêt sont détruits chaque année au Burkina Faso, principalement pour des raisons commerciales, mais aussi pour nourrir les animaux.

M. Ouedragogo a indiqué que le ministère des Ressources naturelles essaye d’encourager les éleveurs à stocker de l’herbe à la fin de chaque récolte pour qu’ils ne dépendent pas autant des herbes sauvages et des arbres. Le ministère des Ressources animales financera des projets visant à aider les pasteurs et les agriculteurs à récolter six millions de bottes de foin qui seront stockés à travers le pays cette année, et investira 7 millions de dollars sur plusieurs années pour créer davantage de points d’eau, de réservoirs et d’aires d’attentes pour les animaux.

M. Barry indique toutefois que la protection et la promotion des éleveurs ne sont pas suffisamment financées : le gouvernement a alloué 1,13 pour cent de ses dépenses au bétail en 2005 (aucun chiffre récent n’est disponible), alors que le secteur représentait 18 pour cent du PIB et un quart des exportations.

Si des fonds supplémentaires ne sont pas investis pour répondre aux besoins des éleveurs et aider les agriculteurs à augmenter leur productivité, les terres agricoles continueront de s’étendre et les affrontements se multiplieront, a mis en garde Mme Vokouma du ministère des Ressources naturelles.

bo/aj/cb-mg/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

Partager cet article

Get the day’s top headlines in your inbox every morning

Starting at just $5 a month, you can become a member of The New Humanitarian and receive our premium newsletter, DAWNS Digest.

DAWNS Digest has been the trusted essential morning read for global aid and foreign policy professionals for more than 10 years.

Government, media, global governance organisations, NGOs, academics, and more subscribe to DAWNS to receive the day’s top global headlines of news and analysis in their inboxes every weekday morning.

It’s the perfect way to start your day.

Become a member of The New Humanitarian today and you’ll automatically be subscribed to DAWNS Digest – free of charge.

Become a member of The New Humanitarian

Support our journalism and become more involved in our community. Help us deliver informative, accessible, independent journalism that you can trust and provides accountability to the millions of people affected by crises worldwide.

Join