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Les habitants du nord se battent pour apprendre

The Robert Cisse Academy secondary school in Mopti (September 2012) where hundreds of children are taking remedial classes after leaving the north, where their public schools have closed Katarina Höije/IRIN
Les enseignants, le ministère de l’Éducation et les organisations d’aide humanitaire travaillent d’arrache-pied pour offrir des cours de rattrapage aux milliers d’enfants déplacés qui ont fui le nord du Mali pour se réfugier dans des villes du sud et les aider à terminer leur année. Les enseignants et les familles qui sont restés dans le nord du pays font de même : ils sont déterminés à tout mettre en œuvre pour que leurs enfants continuent d’apprendre malgré la fermeture de dizaines d’écoles publiques et les changements importants apportés au programme.

Les groupes islamistes qui ont pris le contrôle du nord du Mali – Ansar Dine, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) et Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) – y ont imposé la charia, fermant de nombreuses écoles publiques, amputant les programmes dans d’autres et forçant des centaines d’enfants à fréquenter des écoles coraniques (ou madrasas), où les enseignants sont des chefs religieux (imams).

Le ministère de l’Éducation estime qu’au moins 10 000 enfants sont actuellement déplacés dans le sud et n’ont pas accès à l’éducation. Et c’est sans compter les enfants réfugiés qui vivent actuellement au Niger, en Mauritanie, en Algérie et au Burkina Faso. Des dizaines de milliers d’enfants restés dans le nord du Mali sont également laissés sans éducation. Selon un enseignant, Sidda Touré, quelque 5 000 élèves ne peuvent fréquenter l’école à Gao seulement.

Les enfants de Kidal, une ville du nord où Ansar Dine n’a pas encore permis la réouverture des écoles publiques, sont peut-être les moins bien lotis. Selon Mahalmadane Touré, un enseignant à la retraite et résident de Kidal, les enfants ont seulement la possibilité de fréquenter l’une des rares écoles islamiques établies.

« Vous pouvez imaginer comment les enfants sont affectés : leur village est d’abord occupé par des rebelles et ils doivent ensuite cesser leurs études », a dit à IRIN Hassimi Touré, responsable de l’éducation primaire et secondaire auprès du ministère de l’Éducation dans la capitale, Bamako.

Cours de rattrapage

À l’Académie Robert Cissé, à Mopti, à 40 kilomètres des régions septentrionales contrôlées par les groupes islamistes, quelque 68 enfants sont entassés dans une salle de classe construite pour en accueillir 30. À trois par pupitre, leurs coudes se heurtent continuellement. Ils ont quitté Gao, Tombouctou et Gossi, dans le nord, pour venir étudier ici. Certains vivent chez des proches, d’autres dans des camps de personnes déplacées. Ceux qui sont venus seuls dorment à l’école.
 
« Les enfants entendent parler des cours de rattrapage et ils viennent ici, souvent sans leurs parents. D’autres viennent avec leur famille et s’inscrivent à leur arrivée », a dit Sory Ibrahima Tapo, directeur de l’Académie Robert Cissé.

Les élèves dorment sur de minces matelas qu’ils étendent dans les salles de classe le soir venu. La nourriture est rare et les conditions de vie sont difficiles, raconte Bintou Kane, qui a quitté Niafunké, dans le nord, pour venir poursuivre sa scolarité dans le sud. « J’ai amené un sac de riz de chez moi, mais il est presque vide », a-t-elle dit à IRIN.

Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et le ministère de l’Éducation apportent leur soutien à l’école et offrent des cours de rattrapage aux quelque 4 000 enfants maliens qui devaient passer leurs examens annuels en juin dernier. Le gouvernement a quant à lui intégré 6 800 enfants dans des écoles ordinaires.

En août dernier, l’enseignant d’histoire Ibrahim Maïga a quitté Niafunké avec un groupe d’élèves pour venir vivre à Mopti. « Je ne peux pas enseigner dans une école coranique », a-t-il dit à IRIN. Il ne s’attend pas à trouver un emploi à Mopti, mais il ne peut pas retourner chez lui. « Mon école est fermée, je n’ai nulle part où aller », a-t-il ajouté.

La « détermination » des enseignants restés dans le nord


Ceux qui sont restés dans le nord du pays font tout ce qu’ils peuvent pour continuer d’enseigner. Certains ont créé des écoles privées, tandis que d’autres ont dû apprendre à faire des compromis douloureux.

Baba Haïdara, qui enseignait auparavant l’anglais dans une école secondaire de Tombouctou, a dû abandonner cette matière et changer son style d’enseignement. Les classes ne sont plus mixtes, les garçons et les filles utilisent des entrées séparées et les filles sont voilées, mais on continue d’enseigner. « On s’adapte à cette réorganisation des salles de classe et on tente même d’en tirer profit en créant l’émulation entre garçons et filles », a-t-il dit à IRIN. L’enseignement de la philosophie et de la biologie est désormais interdit.

À Tombouctou, les parents et les enseignants donnent des cours de rattrapage à près de 6 000 élèves du secondaire dans quatre établissements. Sans ces cours, je ne vois pas comment les enfants pourraient s’en sortir cette année, a dit Inalbarak Ag Zeda, chef de division de l’enseignement secondaire de l’Académie de Tombouctou.

Fatoumata Adiaoykoy and Aïssa Konaré have both come from Niafunke in the north to Mopti where UNICEF is helping provide them with catch-up classes for the school they missed. During the day the students follow classes. In the evening they sleep on thin
Photo: Katarina Höije/IRIN
Fatoumata Adiaoykoy et Aïssa Konaré ont quitté Niafunké, dans le nord, pour poursuivre leur scolarité à Mopti
Les leaders locaux ont persuadé le groupe islamiste Ansar Dine de reprendre les cours pour les adolescents de 15 ans et plus, mais les élèves plus jeunes n’ont toujours pas accès aux écoles publiques.

Sidda Touré, chargé de l’éducation du Cadre de Concertation, un comité qui travaille en collaboration avec les islamistes afin de mieux gérer les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’eau et de l’énergie à Gao, a dit que les enseignants qui étaient restés dans le nord du pays faisaient preuve d’une grande détermination. « Les islamistes nous imposent leur loi, la charia, mais cela ne nous empêche pas d’éduquer nos enfants à notre manière. Nous apprenons à nos enfants l’arabe, les principes de l’islam mais aussi les autres matières... Les nouvelles conditions n’ont pas entamé notre détermination… à assurer l’éducation de nos élèves. »

Un secteur déjà fragile

Selon les enseignants, ces nouvelles circonstances risquent de saper les progrès accomplis récemment par le Mali pour atteindre, d’ici 2015, les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en matière d’éducation.

Le secteur de l’éducation malien est fragile : dans l’ensemble du pays, 37 pour cent des garçons et 23 pour cent des filles seulement fréquentent l’école secondaire. Selon l’UNICEF toutefois, le taux de scolarisation primaire a augmenté pour atteindre 93 pour cent.

Le ministère de l’Éducation a été encore plus affaibli par le remaniement gouvernemental survenu à la suite du coup d’État de mars 2012 qui a renversé le président Amadou Toumani Touré et placé Dioncounda Traoré à la tête du gouvernement de transition. Le financement accordé par les bailleurs de fonds, qui était versé au ministère par l’intermédiaire du gouvernement, a été presque entièrement cessé.

Même avant la crise, des milliers d’enfants avaient de la difficulté à compléter leurs études secondaires. Cette année, une majorité d’élèves a manqué plus de la moitié de l’année scolaire, a dit à IRIN Gabrielle Menezes, chargée des communications pour la protection de l’enfant auprès de l’UNICEF. L’UNICEF et le ministère de l’Éducation tentent de trouver des solutions pour ramener les enfants à l’école, mais ce n’est pas facile.

« Nous avons tenté de persuader les islamistes de rouvrir toutes les écoles dans le nord, mais comment sommes-nous censés gérer les écoles en collaboration avec des gens qui s’opposent à l’État et au système d’éducation public? » a dit M. Touré, du ministère de l’Éducation.

Les enseignants craignent que la situation se détériore encore davantage si les forces de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sont déployées dans le nord. Cette intervention, si elle semble peu probable à court terme, pourrait entraîner de nouveaux déplacements massifs de population.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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