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Escalade des tensions entre les locaux et les migrants

African migrants eating in a park in Tel Aviv Mya Guarnieri/IRIN
Blessing Akachukneu cherchait déjà un nouvel endroit où rester lorsque son appartement, situé dans le sud de Tel-Aviv, a été la cible d’une bombe incendiaire en avril. Ses voisins israéliens s’étaient plaints au propriétaire au sujet du bruit provenant de la garderie et on lui avait demandé de quitter son logement. Elle n’avait jamais eu d’autres problèmes dans le quartier de Shapira.

Mme Akachukneu a donc été choquée lorsque des cocktails Molotov ont été lancés sur son appartement. Quatre autres logements – qui accueillaient tous des demandeurs d’asile africains – ont été ciblés lors de la même attaque. Haim Mula, un Israélien de 20 ans décrit comme un homme « tranquille » et « religieux » par les résidents de Shapira, a été arrêté en lien avec l’incident. La police croit qu’il s’agit d’attaques à caractère racial ; M. Mula a été détenu récemment pour avoir lancé des œufs à un réfugié soudanais.

Une semaine plus tard, deux cocktails Molotov ont été lancés sur un appartement du sud de Tel-Aviv où vivaient des travailleurs nigérians.

Ce n’est pas la première fois que des membres de la communauté africaine sont victimes d’actes de violence. En janvier 2011, un pneu en feu avait été lancé dans l’appartement de cinq réfugiés soudanais à Ashdod. Deux d’entre eux avaient dû être hospitalisés. La même nuit, trois adolescentes – des Israéliennes d’origine africaine – avaient été battues par un groupe de jeunes Juifs. L’un des attaquants était armé d’un couteau et un autre aurait proféré des insultes racistes à l’encontre des filles.

« Je crains que d’autres incidents du genre ne se produisent », a dit Mme Akachukneu à IRIN.

Ces incidents illustrent l’escalade des tensions entre les Israéliens juifs et les quelque 45 000 demandeurs d’asile africains qui vivent dans le pays. Selon les groupes de défense des droits de l’homme, 85 pour cent de ces hommes, femmes et enfants sont des réfugiés originaires de l’Érythrée et du Soudan.

Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a qualifié les demandeurs d’asile africains d’« infiltrés » constituant « une menace concrète au caractère juif et démocratique du pays ». La porte-parole du ministère de l’Intérieur Sabine Hadad a dit à IRIN que la plupart de ces « infiltrés » sont des travailleurs migrants qui ne répondent pas à la définition de réfugié.

Les lois du pays considèrent comme un « infiltré » toute personne qui pénètre sur le territoire d’Israël autrement que par un poste-frontière officiel. Or, selon Amnesty International, le terme « infiltré » est déplacé parce qu’il évoque la menace et la délinquance et alimente la xénophobie et la discrimination envers les demandeurs d’asile et les migrants.

Les groupes de défense des droits de l’homme font également remarquer que le gouvernement ne traite pas les demandes d’asile. Les autorités israéliennes semblent pourtant reconnaître les dangers qui guettent les citoyens érythréens et soudanais dans leur pays d’origine, car elles ne déportent pas les ressortissants de ces États.

Or, s’il permet à ces demandeurs d’asile de rester, Israël ne leur donne pas de visas de travail. La plupart d’entre eux prennent des petits boulots. Dans le sud de Tel-Aviv, un quartier historiquement pauvre, ils peuvent trouver des logements à un coût relativement modique. Ils vivent souvent entassés les uns sur les autres, parfois jusqu’à huit dans une même pièce. Ceux qui ne parviennent pas à trouver du travail pour payer leur loyer finissent par dormir dans les parcs.

Selon les habitants du coin, la criminalité a augmenté avec l’arrivée de plus en plus massive de migrants africains. Les locaux se plaignent également que la demande accrue de logements a poussé les prix à la hausse dans le quartier. Certains accusent les demandeurs d’asile de voler des emplois dont ils ont bien besoin.

Manifestations contre la présence des « infiltrés »

Au cours des deux dernières années, des Israéliens juifs ont organisé plusieurs manifestations pour protester contre la présence d’Africains dans le sud de Tel-Aviv et ont appelé l’État à déporter les « infiltrés ». Si les manifestations ont des relents nettement xénophobes, les manifestants n’ont pas tort lorsqu’ils se plaignent que le gouvernement ne fait rien pour résoudre les problèmes sociaux associés au chômage et au sans-abrisme des migrants africains – une préoccupation partagée par les groupes de défense des droits de l’homme.

Or, si les récents incidents suggèrent une recrudescence de la violence [envers les migrants africains], les réfugiés qui vivent au sud de Tel-Aviv sont surtout préoccupés par la nécessité de gagner leur vie.

Tekne Micaele, 38 ans, a fui l’Érythrée après avoir fait dix ans de service national sans toucher de salaire. Comme la plupart des demandeurs d’asile qui vivent en Israël, il a marché jusqu’ici et traversé à pied la frontière entre l’Égypte et Israël. Le voyage est dangereux : de nombreux demandeurs d’asile sont détenus par des gangs jusqu’à ce que leurs proches paient une rançon.

African asylum seekers sleeping in a park in Tel Aviv
Photo: Mya Guarnieri/IRIN
Des demandeurs d’asile africains dorment dans un parc à Tel-Aviv
M. Micaele vit depuis un an et demi dans un parc du sud de Tel-Aviv. Il obtient de quoi se nourrir auprès d’une organisation populaire israélienne qui offre un repas par jour aux réfugiés. S’il n’a fait l’objet d’aucune menace physique ou verbale jusqu’à présent, M. Micaele n’a pas de visa de travail, et c’est là son plus gros problème.

Début 2010, les autorités israéliennes ont annoncé qu’elles imposeraient des amendes élevées aux employeurs qui embauchent des travailleurs sans-papiers. L’État a également mené une campagne médiatique afin de mettre la population en garde contre les conséquences de l’embauche de travailleurs clandestins. Deux ans plus tard, il semble que la campagne ait porté ses fruits. M. Micaele et d’autres demandeurs d’asile ont en effet rapporté que les employeurs potentiels demandent généralement à voir leur visa et sont réticents à les embaucher lorsqu’ils n’en ont pas.

M. Micaele résume sa situation ainsi : « Pas de travail, pas de toit, rien. »

Malgré son emploi comme femme de ménage, une autre demandeuse d’asile, Mimi Hylameshesh, 28 ans, a de la difficulté à joindre les deux bouts. Les bons mois, elle réussit à faire un peu plus de 2 000 nouveaux shekels israéliens (NIS) [523 dollars]. Son loyer lui coûte 1 500 NIS et elle doit débourser 600 NIS pour envoyer sa fille de trois ans et demi dans une garderie sans permis.

Mme Hylameshesh et son mari ont échappé au service national et fui l’Érythrée il y a quatre ans. Son mari est allé en Libye puis en Europe. Mme Hylameshesh est arrivée toute seule en Israël avec sa fille, qui était alors âgée de huit mois. Avant de venir vivre dans le sud de Tel-Aviv, elle a passé un an en prison sans qu’aucun chef d’accusation soit retenu contre elle.

Nouvelle loi

En vertu d’une nouvelle loi votée en janvier, toute personne entrée dans le pays de façon illégale – y compris les Soudanais et les Érythréens – peut être emprisonnée pour une période allant jusqu’à trois ans, même s’il n’est pas question de la déporter. Dans certains cas, la période de détention peut être prolongée, parfois même indéfiniment. Amnesty International a critiqué la loi, arguant que la détention automatique et prolongée [prévue par la loi] viole clairement le droit international et les normes associées.

Le mari de Mme Hylameshesh vit actuellement en Suisse, mais il n’envoie pas d’argent à sa conjointe. « C’est difficile pour moi », dit-elle, ajoutant qu’il y a toujours suffisamment de nourriture pour son enfant, mais pas toujours pour elle.

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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