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Mohammed Abdallah Ali, « Le procès s’est déroulé dans une cuisine »

Egyptians protesting against the ruling Supreme Council of the Armed Forces and the military trials of civilian activists Maggie Osama/Flickr
Egyptians protesting against the ruling Supreme Council of the Armed Forces and the military trials of civilian activists
Tandis que les relations entre les activistes pro-démocratie et les militaires au pouvoir se détériorent dans l’Égypte post-révolutionnaire, la pratique de faire subir aux civils des procès militaires entachés d’irrégularités alimente les frictions.

D’après Human Rights Watch, près de 12 000 civils ont dû comparaître devant des tribunaux militaires entre la chute du président Hosni Moubarak, en février, et le mois de septembre. Ils sont généralement accusés de vol, de possession d’armes ou de « brutalité ». Moins de 1 000 ont été jugés « non coupables » et plus de 7 000 sont toujours emprisonnés. Les autres ont obtenu des condamnations avec sursis, c’est-à-dire qu’ils risquent plusieurs années d’emprisonnement s’ils contrarient à nouveau les militaires.

Selon les activistes, de nombreuses arrestations sont effectuées pour des motifs ouvertement politiques et les procès militaires ne satisfont pas aux règles élémentaires de l’équité. La plupart des prévenus sont jugés sans bénéficier des services d’un avocat, même militaire. Les preuves et les témoins présentés par la défense sont souvent refusés. Par ailleurs, il arrive fréquemment que l’on juge les personnes en groupe et que des sentences de groupe soient prononcées, même lorsque les membres ont été arrêtés dans des circonstances totalement différentes. De nombreux accusés ont dit n’avoir pu prendre la parole qu’une seule fois pendant leur procès pour donner leur nom ou confirmer leur présence. D’après les militants, les procès sont, dans la plupart des cas, des procédures administratives plus que judiciaires.

Vingt manifestants arrêtés pendant ce qu’on a appelé le massacre de Maspiro, le 9 octobre dernier, devront également comparaître devant des tribunaux militaires.

Mohammed Abdallah Ali était l’un des premiers activistes à subir l’un de ces procès. Il a été arrêté le 9 mars dernier avec une centaine d’autres personnes qui manifestaient sur la place Tahrir, l’épicentre de la contestation au Caire, et accusé de possession d’armes et de vandalisme. Ses compatriotes et lui font partie de ceux qui ont eu de la chance. Après environ un mois derrière les barreaux – pendant lequel des militants ont vigoureusement fait campagne pour obtenir leur libération –, le groupe a été condamné à une peine d’un an avec sursis.

Mohammed a raconté son histoire à l’occasion d’un rassemblement organisé au Centre d’études socialistes du Caire plus tôt cette année :

« À propos des violations qui ont eu lieu, et bien, tout le monde sait que nous avons dû subir un procès, et que le procès s’est déroulé dans une cuisine. Les juges et le procureur étaient là. Le procureur avait les deux mains occupées : il tenait, dans l’une, la télécommande de la télévision et, dans l’autre, un Taser [pistolet à impulsion électrique]. Il avait les jambes croisées. Un autre officier était assis avec les deux pieds sur le bureau et passait d’une chaîne à l’autre. [Il avait en sa possession] une déclaration pré-écrite, exactement comme il le voulait. »

« Si vous disiez quelque chose qui ne lui plaisait pas, il vous donnait une décharge [électrique]. En d’autres mots, il allait au-delà du rôle ou du boulot qui lui était assigné, soit celui d’enquêter et de prendre en note les faits. Ils ont eux-mêmes pris l’initiative de faire ce que faisaient les policiers [sous le régime de Moubarak] et ce contre quoi nous nous étions révoltés. »

« Finalement, le régime n’a pas changé : il n’a fait que se déguiser. Je répète : il s’agit du même régime dictatorial qui a simplement changé de déguisement. J’aimerais maintenant réciter un poème que notre groupe a écrit en prison. »

« Je pensais que le rêve était devenu réalité,
personne autour n’agissait avec déloyauté.
Le monde est libre, de bonheur je suis comblé,
mes proches me disent de ne pas m’inquiéter
La crainte a disparu et la fausseté n’a pas sa place,
mais j’ai été surpris de voir que tout était en suspens.
Lutte tant que tu veux, la peur l’emporte
et la corruption reprend le dessus.
Je répondis en ravalant ma tristesse :
Je suis optimiste et je continue de croire
que mon Dieu est tout-puissant
et qu’il amène la vie et la mort.
Je continuerai de me battre pour mon pays,
je n’écouterai pas ceux qui me disent d’arrêter
et je réaliserai mon rêve un jour.
La victoire sera un jour mon alliée,
l’Histoire consignera l’exploit en paroles de lumière
et la malédiction sera sur tous ceux qui ont tu la vérité.
La révolution ne mourra pas, ô pays du Nil
tant que tes enfants se noieront dans tes eaux.
La révolution ne mourra pas, j’ai la foi
et peu m’importe qu’on me croit fou aujourd’hui. »

agm/ha/cb-gd/amz


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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