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La classification de l’aide remise en question

Haitian civilians unload relief supplies from a US Navy ship
Marion Doss/Flickr
Classer l’aide en catégories « secours d’urgence », « rétablissement rapide » ou « développement » n’est guère utile dans le cas des pays touchés par les crises depuis plusieurs années.

C’est du moins ce qu’il ressort d’un débat sur les interventions dans le domaine de la sécurité alimentaire en situation de crise prolongée (par exemple, en Somalie), lancé ce mois-ci au cours de la Deuxième Conférence mondiale sur les études humanitaires.

Selon l’Institut britannique d’aide au développement international (ODI), au moins 22 pays sont touchés par des crises prolongées ; d’après la définition de l’organisme, il s’agit de pays dont une grande partie de la population est exposée à un risque de maladies, de décès et de perturbation de ses moyens de subsistance sur une longue période, et où la capacité de l’Etat à aider les personnes touchées est limitée.

« L’insécurité alimentaire est la manifestation la plus courante des crises prolongées », selon Prabhu Pingali, directeur adjoint du service de développement agricole de la Fondation Bill et Melinda Gates, et Luca Alinovi, représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en Somalie. Environ 20 pour cent des personnes sous-alimentées du monde (ou plus d’un tiers du total mondial si l’on exclut la Chine et l’Inde), soit 166 millions de personnes, vivent dans des pays touchés par des crises prolongées.

Les problèmes d’intervention dans ces pays s’expliquent par la manière dont le « développement » est perçu et dont l’aide est utilisée pour intervenir, estime M. Alinovi.

Dans le monde humanitaire, « le développement est considéré comme une amélioration progressive de la qualité de vie. Les catastrophes ou les urgences graves interrompent brièvement cette tendance, mais on s’attend à un retour à la normale, d’où l’emploi de termes tels que "catastrophe", "rétablissement" et "développement durable" », a-t-il dit.

Ainsi, même en cas de crise prolongée, les interventions humanitaires sont souvent menées à court terme. « Nous ne pouvons pas travailler avec des subventions revues chaque année car il arrive parfois qu’il y ait des ruptures de financement, qui entravent la mise en œuvre de projets dont les objectifs de développement sont fixés à long terme », a expliqué M. Alinovi. « Si nous voulons aider le pays à sortir de la crise, nous devons prendre un engagement à long terme sans interruption dans les dépenses ».

Redéfinir les priorités

Les Principes pour l'engagement international dans les États fragiles et les situations précaires, formulés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), accordent trop d’importance au renforcement des institutions publiques, selon Daniel Maxwell, expert de la sécurité alimentaire à l’université Tufts et co-auteur d’un rapport sur l’insécurité alimentaire en situation de crise prolongée, publié conjointement par la FAO et le Programme alimentaire mondial (PAM).

La plupart des pays développés et des principaux bailleurs de fonds humanitaires comptent parmi les 34 membres de l’OCDE. L’OCDE devrait s’intéresser davantage aux efforts déployés en vue d’améliorer les moyens de subsistance et les institutions locales de soutien aux moyens de subsistance, a-t-il dit.

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« Nous devons être plus créatifs dans nos interventions face aux crises ; il faut laisser de côté l’état d’esprit humanitaire classique », préconise M. Maxwell.

« L’aide est structurellement divisée en deux compartiments : l’aide humanitaire et l’aide au développement. L’utilisation de mécanismes d’aide relève d’une décision politique liée à la manière dont les gouvernements donateurs souhaitent interagir avec l’Etat, et il y a un manque de stratégies de programmes permettant de passer d’une approche d’aide à court terme à une approche à long terme », explique Sarah Bailey, chercheuse à l’ODI, dans un rapport à paraître sur la République démocratique du Congo (RDC), autre pays touché par une crise prolongée.

« Traiter la fragilité des Etats est devenu une préoccupation internationale importante ; l’on ne s’intéresse donc plus uniquement à relier secours et développement, mais aussi à intégrer l’aide et la sécurité ».

« Aujourd’hui, de nombreuses politiques et interventions visent à "stabiliser" des contextes fragiles et frappés par les conflits par le biais d’interventions d’aide et de sécurité. Le "rétablissement rapide", qui consiste à placer les fondements du rétablissement le plus tôt possible, est également apparu comme cadre ces dernières années ».

Au lieu de créer des cadres tels que le « rétablissement rapide », conçu pour combler la distinction théorique entre les secours d’urgence et le développement, la communauté humanitaire devrait tenter de comprendre les possibilités offertes par les approches actuelles, ainsi que leurs limites, estime Mme Bailey.

La flexibilité, un élément clé

En Somalie, sans doute la crise la plus prolongée de toutes, la FAO et les autres organismes ont dû faire preuve de créativité pour s’efforcer d’aider les communautés locales. Sur place, les organisations humanitaires interagissent avec les autorités locales les plus influentes, quelles qu’elles soient, et nombre d’entre elles choisissent, avec quelque succès, de verser leurs fonds par « hawala », un système de transfert de fonds traditionnel reposant sur un réseau mondial de courtiers, explique M. Alinovi.

Pour François Daniel Grünewald, président du Groupe URD, un centre de recherche, les interventions de la FAO sont efficaces « car ?celle-ci? intervient face aux crises dans les zones agro-écologiques ; elle peut donc nouer ces relations de manière décentralisée – et c’est comme cela que les organisations humanitaires et les bailleurs doivent intervenir, même dans des pays comme l’Afghanistan – et ne doivent pas gaspiller un temps précieux à interagir avec un gouvernement central inefficace ». M. Grünewald a travaillé en Somalie pendant quelques années lorsqu’il dirigeait l’unité de réhabilitation agricole du Comité international de la Croix-Rouge.

Au lieu de répondre aux besoins des communautés touchées par les crises année après année, suggère Mme Bailey de l’ODI, les bailleurs de fonds devraient envisager le financement de l’aide dans sa totalité, sur une période de temps donnée, pour décider comment dépenser au mieux les fonds alloués.

Les bailleurs et la communauté humanitaire doivent peut-être mieux comprendre l’impact de l’aide sur le rétablissement des communautés. Au lieu de se demander « comment l’action humanitaire peut soutenir le rétablissement », Mme Bailey leur suggère de se demander « quelle est l’aide la plus adaptée aux besoins, au contexte et aux capacités, et comment elle peut avoir les résultats les plus positifs.

jk/cb/bp/mw – nh/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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