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Le grand débat sur l’accaparement des terres

An Indian worker transplants rice on a major commercial agricultural scheme in the Gambella region of Ethiopia. The "land-grab" phenomenon of foreign agricultural investment in Africa has grown since the 2008 food crisis Ben Parker/IRIN
An Indian worker transplants rice on a major commercial agricultural scheme in the Gambella region of Ethiopia
L’Ethiopie ne supporte guère les critiques concernant sa politique de location de terres à grande échelle et maintient que les millions de dollars d’investissements étrangers permettront de créer des emplois, d’améliorer l’expertise nationale en agriculture et de réduire à la fois la pauvreté et l’insécurité alimentaire chronique du pays.

Cette politique, qui fait partie d’un Plan de croissance et de transformation quinquennal, a permis de louer à bas prix de milliers de kilomètres carrés de ce que le gouvernement considère comme des terres essentiellement sous-exploitées ou non cultivées. Officiellement, la terre en Ethiopie est la propriété de l’Etat, mais les paysans ont sur les terres qu’ils occupent des droits d’usage.

Les détracteurs déplorent la relocalisation forcée des populations pastorales locales, la médiocrité des salaires payés dans les nouvelles fermes, la dégradation de l’environnement et l’échec des promesses de meilleures infrastructures.

« Je sais que c’est une question délicate et très controversée au niveau mondial. Mais en ce qui concerne l’Ethiopie, nous ne voyons pas cela comme une menace, car c’est l’agriculture paysanne qui est le moteur du développement agricole dans notre pays, » a dit le ministre de l’Agriculture, Tefera Deribew, à l’occasion d’une récente conférence de presse.

« Nous voulons étendre les grandes exploitations agricoles dans les zones où nous disposons d’abondantes quantités de terres arables, sans affecter les paysans qui y vivent. [Cette démarche] permettra indéniablement de soutenir le développement de l’agriculture paysanne, » a t-il dit.

Le responsable des investissements agricoles au ministère, Essayas Kebede, a dit à IRIN : « Nous espérons que les grandes exploitations commerciales intensives vont résoudre la pénurie alimentaire en Ethiopie, » où 2,8 millions de personnes vont, selon les estimations, avoir besoin de l’assistance alimentaire étrangère en 2011.

Dans au moins l’un des accords, une ferme rizicole à Gambella qui a été louée à un investisseur saoudien né en Ethiopie, le cheikh Mohammed al-Amoudi, 40 pour cent de la production devra être vendue sur le marché éthiopien.

Mais la consommation du riz, comme celle de beaucoup d’autres plantes destinées à être produites dans ce type de ferme, n’est pas très répandue en Ethiopie.

Le gouvernement et les investisseurs affirment également que la relocalisation de milliers de personnes dans les zones rurales n’a rien a voir, mais qu’elle fait partie d’un projet entièrement distinct et sur base volontaire de « villagisation », visant à améliorer l’accès aux services essentiels.

« Nous n’avons pas évincé les éleveurs de leurs terres et nous ne les avons pas empêchés d’accéder à la rivière, » a dit à IRIN Birinder Singh, directeur marketing et logistique de Karuturi Agro Products.

Cette société indienne a loué quelque 100 000 hectares de terre à Gambella, une région à la population clairsemée, située à l’ouest de l’Ethiopie où des centaines d’entreprises, étrangères pour la plupart, sont en train d’investir dans des projets agricoles.

« L’éviction n’est pas notre intention. Nous aimerions engager autant de personnel que possible dans nos fermes et aimerions être compétitifs sur le marché mondial, » a dit M. Singh à IRIN.

Un manque d’informations

« On ne nous a pas dit que nos terres seraient données à des investisseurs étrangers, » a dit Ujulu, qui vivait auparavant avec ses sept enfants sur les berges du fleuve Baro à Gambella, dans un endroit désormais exploité par Karuturi ; il a récemment été relocalisé dans un nouveau village, à plusieurs heures de marche.

« Tout ce que je sais, c’est que le gouvernement nous a promis de nouvelles écoles pour nos enfants, des centres de santé, et de l’eau potable si nous rentrions dans le programme de villagisation. C’est pour cela que je suis venu dans ce village il y a trois mois, » a t-il dit.

Families discuss about the new plans of the Ethiopian government in Karmi village, one of the new villages formed after the villagisation program started
Photo: Tewodros Negash/IRIN
Les fruits de la villagisation…mais tout le monde n’est pas heureux de devoir déménager
Un centre de santé était en construction lors de la visite d’IRIN.

Le chef du village, un fonctionnaire du gouvernement local, a insisté : « Nous voulons améliorer la sécurité alimentaire des éleveurs. Personne dans ce village n’est venu de force ou n’a été déplacé à cause des investissements. »

Dans l’Etat d’Oromiya, au village de Karmi qui se trouve près d’une des fermes de Karuturi, un paysan a dit à IRIN : « Notre terre nous a été prise de façon illégale. Même si elle n’est pas utilisée pour des besoins agricoles, elle sert de pâture à nos troupeaux. Maintenant, il ne nous reste que très peu de terre pour faire paître nos animaux. Nous ne savons pas ce qui va nous arriver à l’avenir. »

Des inquiétudes ont aussi été soulevées à propos des violations des droits des éleveurs. L’article 40/5 de la constitution éthiopienne indique : « Les pasteurs éthiopiens ont droit à une terre gratuite pour le pacage et l’agriculture, ainsi que le droit de ne pas être expulsés de leurs propres terres. »

Un expert de Gambella sur les éleveurs nomades basé, qui a demandé à ne pas être nommé parce que le sujet est très sensible, a expliqué : « Ce sont des communautés d’éleveurs nomades dont la vie dépend de la terre, de l’eau et des pâtures. Ils ont leurs propres schémas de déplacement d’un endroit à l’autre ; les services comme l’eau, la santé et l’école doivent par conséquent suivre ces itinéraires. Sinon, cela provoque une dégradation des terres et un appauvrissement des ressources. »

« Nous sommes des éleveurs nomades. Comment pouvons-nous rester ici plus de trois ou quatre mois ? » a demandé un villageois.

« Karuturi et le gouvernement nous avaient promis que nous aurions de meilleurs emplois, de meilleures conditions de vie, mais jusqu’à présent ils n’ont rien fait d’autre que de nous prendre nos terres et nous réduire à une profonde pauvreté , » a t-il ajouté.

« Ma communauté ne déteste pas les entreprises étrangères [Karuturi] qui sont ici. Mais nous voulons qu’elles [répondent] à nos problèmes puisqu’elles nous ont pris nos terres et qu’elles n’ont pas rempli leurs promesses, » a t-il dit.

« Ils nous payent très peu, 12 birr [0,73 dollar] par jour. Quand Karuturi Farms a pris nos terres, on nous avait promis entre 25 et 30 birr [1,5 à 1,80 dollar] par jour. Ils ne nous payent pas ce qu’ils étaient censés nous payer. Nous sommes trompés par notre gouvernement ou par Karaturi, ou bien par les deux, » a t-il dit.

Un responsable de Karuturi a dit que les salaires payés par l’entreprise étaient conformes aux normes nationales.

Répondant aux accusations de manque de supervision et de régulation des accords fonciers, le ministre de l’Agriculture, M. Esayas, a dit : « Nous ne nous contentons pas de céder les terres aux investisseurs. Nous avons mené les études appropriées et l’entreprise [Karuturi] a également fait une étude d’impact sur l’environnement (EIE). De telles accusations [d’évictions] sont donc très éloignées de la vérité. »

Feux de forêts

Quand le besoin d’un bon pâturage se fait sentir, les éleveurs nomades se servent de techniques traditionnelles pour brûler l’herbe et les buissons sans attaquer la forêt. Mais aujourd’hui, ils sont surpris de voir une forêt qui brûle et des fermes qui s’agrandissent de jour en jour.

« Le gouvernement nous a dit que nous devions protéger les forêts et les arbres, parce qu’ils nous donnent la pluie. Et maintenant les Indiens brûlent et dévastent la forêt au bulldozer en plein jour, » a dit à IRIN une habitante du village du nom d’Ilea.

« Seule une toute petite partie de la forêt est brûlée, » s’est défendu M. Esayas. « Il y a peut-être des investisseurs qui coupent des forêts. Nous les poursuivrons et prendrons les mesures adéquates. Nous avons déjà par le passé pris des mesures contre des investisseurs qui ont dégradé l’environnement d’une façon ou d’une autre, » a t-il dit.

tn/am/mw –og/amz

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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