Mais pour y parvenir, selon M. Sim, les groupes humanitaires qui depuis fort longtemps vantent les bénéfices des toilettes salubres pour la santé et l’hygiène dans un monde où on estime que 2,6 millions de personnes n’ont pas de toilettes, doivent s’effacer devant les lois du marché.
« La communauté humanitaire a de bonnes intentions, mais elle n’est pas aussi efficace que les entreprises privées qui, face à un problème, prennent le chemin le plus court pour obtenir des solutions. Nous [entrepreneurs] ne faisons pas de coûteuses études de base, nous ne passons pas la moitié du temps à chercher des financements et l’autre à écrire des rapports. Tout ce temps perdu et toujours pas de solution », a-t-il dit à Londres, où il faisait la promotion de la Journée mondiale des toilettes avec un partenaire du secteur privé, l’entreprise de produits d’hygiène Unilever.
Le “Big Squat”
Fondateur en 2001 de l’Organisation mondiale des toilettes (WTO), une organisation non-gouvernementale basée à Singapour, M. Sim et ses collègues ont créé en 2005 le Toilet College, la « première [université de ce genre] au monde », qui a diplômé 500 étudiants en nettoyage et conception de toilettes urbaines. L’organisation a aussi commandé des œuvres de Toilet art, accueilli chaque année les sommets mondiaux des toilettes organisés pour les experts en assainissement et santé, intronisé de nouveaux membres dans son “Panthéon” des toilettes ; récemment ce fut par exemple le conseiller principal pour l’hygiène et l’assainissement du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Elle a également fondé la Journée mondiale des toilettes dont la commémoration cette année s’est accompagnée de chansons et d’un “Big Squat” (“Tous accroupis”) pour sensibiliser les gens aux problèmes de la défécation en plein air.
Selon l’UNICEF, quelque 1,2 million de personnes dans le monde défèquent en plein air plutôt que dans des toilettes.
Parfois irrévérencieuse dans son humour scatologique, la WTO (référence ici à l’organisation des toilettes) veut désormais développer un marché de masse des toilettes (dans les pays qui en manquent) par le biais des « franchises sociales », les Sanishops, qui devraient assurer la formation en marketing et vente, aider au positionnement des marques et fournir des services de maintenance.
L’association internationale d’entrepreneurs Ashoka, le gouvernement de Singapour, la maison de courtage asiatique CSLA, l’Index des ONG des designers danois et les développeurs de marque Fridbjorg Architects soutiennent actuellement l’initiative.
Et pourquoi des designers ? « Parce que les toilettes n’ont pas besoin d’être laides », a répondu M. Sim.
Exploiter les rêves des gens
En commençant par le Cambodge, où la diarrhée liée à la défécation en plein air tue 11 000 personnes par an, soit plus que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis, M. Sim veut « exploiter les rêves des gens plutôt que leurs craintes ».
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Quand on lui a demandé si la jalousie et le désir de surenchère pouvaient influencer les décisions d’achat des pauvres comme cela peut être le cas en milieu urbain développé, il a répondu : « la jalousie et le marché sont des valeurs universelles. Le profit marche là où la peur ne marche pas. La plus grande motivation qui soit est de ne pas être méprisé par ses pairs… Si les gens peuvent acheter 20 millions de téléphone portables en Inde, ils peuvent acheter 20 millions de toilettes ».
En Inde, 638 millions de personnes - sur une population de 1,1 milliard - vivent sans toilettes et le nombre de ménages disposant d’une télévision et d’un portable est plus important que ceux dotés d’une installation sanitaire correcte, selon l’UNICEF.
Après les dernières inondations au Pakistan, une étude menée dans quatre des provinces envahies par les eaux a montré que 61 pour cent des gens avaient un téléphone portable, tandis que seulement 20 pour cent avaient accès à des toilettes propres et en état de fonctionnement.
Mais les choses seraient différentes, a dit M. Sim, si les toilettes étaient un symbole de bonheur. Le « marketing du désir» est le moyen de vendre les toilettes, et que ce soit à Singapour, au Royaume-Uni ou dans la province de Kompong Speu à 60 km de Phnom Penh, la capitale du Cambodge, pour M. Sim, les mêmes principes sont à l’œuvre : progrès et profit. « Les gens veulent vivre mieux », a-t-il dit.
Avec le soutien de l’Agence américaine pour le développement international, la WTO a piloté la production et la vente de toilettes conçues par l’ONG cambodgienne International Development Enterprises Cambodia, qui sont une copie de celles que vend en Inde l’ONG Sulabh International Social Service Organization.
Le prix au détail est de 32 dollars, dont six vont au fabricant et un au vendeur. Des villageois ont fabriqué et vendu jusqu’à présent 2 000 latrines à chasse d’eau et la WTO veut ouvrir de nouvelles usines ; l’installation d’une usine revient à 400 dollars.
Cependant le recours aux mécanismes du marché a ses limites quand il s’agit de divulguer le message en faveur de l’assainissement. Il y a une différence entre cibler les pauvres qui ont de l’argent pour s’acheter des toilettes et aider les plus pauvres parmi les pauvres, a dit M. Sim. « Ça, c’est le travail des groupes humanitaires. Nous ne faisons pas de charité ».
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