« Je ne connais pas mon statut VIH et je ne saurais pas dire celui des hommes avec qui nous travaillons », a dit Angela*, qui, après avoir passé huit ans comme travailleuse du sexe dans la rue, s’est mise récemment à jouer dans des films pornos produits localement. « Je sais que ce que je fais est dangereux, mais je me console en me disant que dans les vidéos nous jouons toujours avec les mêmes personnes… et quelquefois, le faire sans préservatif peut vous rapporter plus ».
Au Kenya, l’industrie locale, limitée autrefois à la photographie, s’est développée au cours des dernières années. Des revendeurs de DVD écoulent discrètement les films au coin des rues, et certains producteurs et distributeurs ont créé des sites Internet pour adultes et même des clubs où le public peut regarder des films ou assister à des scènes de sexe en direct. Plus rentable que le travail du sexe dans la rue ou dans les bars, jouer dans des films porno est une option assez attrayante pour beaucoup de jeunes gens ou de jeunes femmes qui ont du mal à s’en sortir dans la capitale, Nairobi.
Au Kenya, la section 181 du Code pénal interdit de produire, de vendre ou de jouer dans des films pornographiques et le contrevenant est passible d’une peine allant jusqu’à deux ans d'emprisonnement. Selon un producteur-distributeur qui a préféré garder l’anonymat, cela entrave la régulation de la santé et de la sécurité dans l’industrie.
« Nous encourageons les gens à faire un test de dépistage du VIH mais ce n’est pas obligatoire, et même quand ils se font tester, nous n’avons aucun moyen de savoir si les documents qu’ils présentent sont authentiques », a-t-il dit. « Quelquefois l’un des participants va accepter d’aller passer un test, mais pas les autres ; parce que nous sommes pressés par les délais, souvent nous leur disons juste de le faire en direct [sans préservatif] ».
Il a ajouté qu’il encourageait certes l’usage du préservatif mais que les acteurs étaient souvent en état d’ébriété durant leur performance et que leur propre protection contre le VIH n’était pas leur priorité. « Quelquefois ils disent que les positions qu’ils ont l’intention d’utiliser ne sont pas compatibles avec les préservatifs – c’est vraiment aux acteurs de décider s’ils veulent les utiliser », a-t-il dit.
Contrairement aux Etats-Unis où les acteurs porno peuvent gagner des milliers de dollars, les acteurs locaux gagnent entre 70 et 150 dollars par film, selon le producteur. Pour une bonne partie des filles, cela signifie qu’elles ont besoin d’un second emploi.
« Quelquefois ils disent que les positions qu’ils ont l’intention d’utiliser ne sont pas compatibles avec les préservatifs – c’est vraiment aux acteurs de décider s’ils veulent les utiliser » |
Quoique qu’il n’existe pas de chiffres de prévalence du VIH parmi ceux qui travaillent dans l’industrie du porno au Kenya, les travailleurs du sexe et leurs partenaires sont considérés comme une « population le plus à risque » ; on estime qu’ils représentent 14 pour cent des nouvelles infections chaque année. Ils servent aussi de passerelle de transmission du VIH dans la population en général.
« Les gens avec qui je joue dans les vidéos sont des collègues… mon compagnon ne sait pas ce que je fais et je ne voudrais jamais qu’il le sache », a dit Angela, ajoutant que si jamais il l’apprenait, ce serait la fin de leur relation.
Le gouvernement, qui a cette année concentré ses efforts sur les populations les plus à risque, a commencé à cibler les travailleurs du sexe pour la prévention du VIH. Il mène aussi une « analyse des facteurs de risque » de ces groupes afin de mieux comprendre les risques qu’ils encourent et quelles réponses apporter.
« Beaucoup parmi ceux qui participent aux films pour adultes sont des travailleurs du sexe, d’après ce que nous savons, et je pense donc qu’ils pourraient tout particulièrement tirer profit des programmes de prévention destinés aux travailleurs du sexe et aux autres populations les plus à risque », a dit Nicholas Muraguri, directeur du Programme national de lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles.
« Ce qu’il faut faire peut-être, c’est les éduquer et insister sur la nécessité pour eux de faire d’abord un test de dépistage du VIH et de [pratiquer] en permanence l’usage du préservatif quoi qu’ils fassent ».
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