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Lutte contre le paludisme ou élimination - Le grand débat

Mother and child under a mosquito net. Malaria. For generic use Wendy Stone/IRIN
Mother and child under a mosquito net in Kenya
En 2007, Bill et Melinda Gates se sont engagés avec leur Fondation à éradiquer la malaria. Ce fut, a déclaré Richard Feachem, directeur du Global Health Group (Groupe pour la santé mondiale) de l’Université de Californie à San Francisco, « un choc véritable pour la communauté de la malaria, car depuis une vingtaine d’années, les mots en « é », éradication et élimination ne s’employaient pas entre gens bien élevés. »

Cette réticence était due à l’échec tout à fait évident des campagnes d’élimination, mais le débat a été ré-ouvert avec la publication dans la revue médicale, The Lancet, d’une série spéciale sur le sujet.

L’étude expose les réels progrès accomplis, évalue les chances des pays qui pourraient se sentir prêts à éliminer toute transmission dans les limites de leurs frontières, mesure les coûts et les bénéfices potentiels de l’élimination par rapport au contrôle et établit des priorités de recherche pour développer les outils nécessaires à l’élimination.

La teneur générale du message est que la malaria peut être éliminée – et de fait, elle a été éradiquée dans beaucoup de pays - mais il est possible que le passage du contrôle à l’élimination n’amène pas nécessairement d’économie financière, et ne soit ni rapide ni simple.

En 1945, la carte du monde de la malaria était presque entièrement rouge ; la maladie était endémique presque partout, sauf dans les pays nordiques comme la Norvège, la Suède, l’Islande et le Groenland, et dans les Alpes suisses. Aujourd’hui, 65 ans plus tard, toute l’Europe et l’Amérique du Nord sont exempts de paludisme, de même que la Russie, l’Australie et certaines régions méridionales d’Amérique latine, ainsi que certaines îles comme l’île Maurice.

L’offensive d’élimination du paludisme se joue maintenant le long des limites des zones mondiales de paludisme, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, en Asie centrale, en Chine et en Amérique centrale. Le Maroc a été certifié exempt de paludisme il y a quelques mois ; le Turkménistan vient de l’être la semaine dernière. Les pays d’Amérique latine et d’Afrique australe quant à eux, s’efforcent de réduire la zone de paludisme dans le sud.

Il s’agit de pays qui ont déjà atteint un niveau élevé de contrôle de la malaria, via le contrôle des vecteurs, l’utilisation de moustiquaires, et l’efficacité du diagnostic et des traitements. D’énormes avantages sociaux-économiques ont été obtenus. Les enfants ne manquent plus l’école et les adultes ne sont plus affaiblis au point de ne pas pouvoir travailler.

Une question d’équilibre

Pour Bruno Moonen, de l’Initiative Clinton pour l’accès à la santé (Clinton Health Access Initiative), la décision de passer du contrôle à l’élimination n’est ni si facile ni si évidente qu’on pourrait le penser. « Quand l’infection descend au-dessous de la barre d’un pour cent de la population, il faut faire un choix. Et on peut choisir de dire : “Nous n’avons quasiment pas de morts et très peu de cas, et nous pouvons gérer ça”. »

Ce qu’il veut dire, c’est que l’élimination est nettement plus difficile que le contrôle : Tous les cas de malaria doivent être traités complètement, même les cas bénins de patients qui ne seraient pas habituellement venus dans une clinique. Ensuite la famille et les voisins du malade doivent être examinés, pour dépister les personnes qui ne présentent aucun symptôme mais sont porteurs du parasite. Et eux-mêmes doivent recevoir un traitement médicamenteux agressif, alors qu’ils ne sont pas malades.

Tout cela est encore compliqué par le fait que dans la plupart des pays qui n’ont pas pu éliminer la malaria, la souche prédominante du parasite est le Plasmodium Vivax, qui peut rester inactif dans le foie pendant des années. Les techniques de détection de cette forme inactive ne sont pas totalement efficaces et le seul médicament disponible pour les éliminer du système, le Primaquine, peut provoquer une réaction potentiellement mortelle chez certaines personnes. Il est plus sûr de donner des petites doses sur deux semaines, mais c’est difficile à faire accepter à des gens en bonne santé, qui ne voient vraiment pas pourquoi ils devraient prendre des médicaments. The Lancet considère comme des priorités essentielles pour la recherche d’élaborer de meilleurs tests de dépistage du P.Vivax et de meilleurs médicaments contre la forme inactive du parasite.

De plus, pendant tout ce temps les mesures de lutte[contre le paludisme] ne peuvent être relâchées. Comme l’indique Oliver Sabot, l’un des auteurs de l’article de The Lancet, « il suffit que vous lâchiez le ballon des yeux pour que la malaria vous revienne en boomerang. » Même quand un pays est exempt de malaria, il faut encore maintenir une système de surveillance pour filtrer les cas importés. Geoffrey Targett, de la London School of Tropical Medicine, a affirmé que le Royaume-Uni recense encore environ 1 500 cas de malaria importés par an.

Les études de M. Sabot concernant Zanzibar, Maurice, le Swaziland et deux régions chinoises, indiquent que l’élimination coûterait probablement plus cher dans la plupart des cas que des mesures de lutte réduites. Seul Zanzibar a clairement montré un avantage économique, parce que son programme de lutte actuel coûte déjà très cher. Sa conclusion : « Si on envisage l’élimination, il ne faut pas considérer la réduction des coûts comme l’un des bénéfices [à attendre. »]

Il pourrait y avoir bien sûr d’autres bénéfices moins tangibles. Les touristes pourraient ainsi préférer venir à Maurice, exempt de paludisme, qu’à Madagascar juste à côté. Pouvoir dire qu’un pays a conquis la maladie pourrait aussi susciter un formidable sentiment d’accomplissement.

Existe t-il donc un risque que les gouvernements s’embarquent dans l’élimination comme projet de prestige, sans tenir compte de toutes les implications ? M. Feachem le pense, comme il l’a dit à IRIN: « Un certain nombre de pays où le paludisme est endémique ont commencé à parler d’élimination d’une façon qui est presque certainement prématurée… A notre avis, ils devraient faire une étude de faisabilité et se laisser guider par la masse des preuves ; avec une étude de ce genre, certains de ces « éliminateurs prématurés » pourraient alors faire marche arrière et dire :“Pas encore”, non pas simplement à cause de leur propre situation mais aussi à cause de celle de leurs voisins. »

Cependant, M. Feachem pense que la malaria peut être vaincue. « Je dirais, vers 2050 ou 2060, » a t-il dit. « Cela semble un pari raisonnable quand on parle d’éradication totale. »

eb/mw/og/np

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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