Les convois hebdomadaires du HCR, qui ont repris le 18 octobre, devraient avoir ramené en Mauritanie 2 500 personnes d’ici la fin de l’année.
Les personnes qui rentrent sont des Mauritaniens ayant vécu au Sénégal depuis 1989, lorsque des affrontements ethniques ont forcé des dizaines de milliers de personnes, principalement des Négro-mauritaniens, à fuir leur pays composé de négro-mauritaniens et de personnes d’origine arabo-berbère. Certains ont fui au Mali mais la plupart sont partis au Sénégal. Sous l’égide d’un accord tripartite entre le Sénégal, la Mauritanie et le HCR, les réfugiés au Sénégal ont commencé à rentrer dans leur pays en 2008 ; 19 000 étaient rentrés avant que l’opération ne soit suspendue.
Il y a eu « une période de réajustement », a dit Rufin Gilbert Loubaki, représentant adjoint du HCR pour l’Afrique de l’ouest, à IRIN. « De l’autre côté [en Mauritanie], la réintégration prend du temps. Les mouvements sont décidés par la commission tripartite et donc il a fallu attendre qu'elle décide du redémarrage des activités ». Un officiel mauritanien n’a pas fait de commentaire sur les raisons de la suspension. Les Mauritaniens au Mali attendent toujours un rapatriement.
IRIN a accompagné le premier groupe de 121 personnes venant de villages sénégalais jusqu’à leur pays d’origine.
Des camions blancs portant le logo bleu du HCR traversent les villages du nord du Sénégal, ramassant les bagages la veille du départ.
Chaque personne a droit à un sac. Le bagage est marqué au feutre noir ou rouge : le nom du chef de famille, le nom du village sénégalais de départ, et le nom de la destination en Mauritanie.
Photo: Aurélie Fontaine/IRIN |
Des filles dans un camion partant vers la Mauritanie depuis des villages sénégalais, où des familles mauritaniennes ont vécu pendant plus de 20 ans |
Sentiments mêlés
Parmi les Mauritaniens, de tous les âges, les sentiments au sujet de cette opération sont mitigés. Certains sont impatients de rentrer dans le pays de leur origine, d’autres non. Pour au moins un homme, une période difficile d’un point de vue économique le pousse à s’engager dans une nouvelle aventure.
« Quand le rapatriement a commencé [en 2008], je n’ai pas voulu rentrer, car notre vie était stable ici », a dit Abdoulaye Ndiaye, 36 ans, à IRIN. Fermier et père de quatre enfants, il a dit : « Mais aujourd’hui c’est dur de vivre de l’agriculture. Les autorités [mauritaniennes] nous ont promis des terres en Mauritanie… Je sais que je dois retourner dans mon village natal ». Il a dit qu’il avait apprécié l’accueil chaleureux des Sénégalais.
« Je repars car j’ai grandi [en Mauritanie] et qu’il n’y a pas meilleur endroit que son pays d’origine », a dit Amadou Ba, commerçant, à IRIN, dans le village voisin de Mery. « J’ai confiance car ceux qui sont [déjà] partis ne sont pas revenus [au Sénégal]. Mes enfants ne parlent pas l’arabe [Hassaniya] [la langue la plus couramment parlée en Mauritanie] mais ils iront à l’école arabe comme ça ils s’intégreront ».
Tamsir Ndiaye s’inquiète un peu plus au sujet de la transition : « « Je repars car c’est là où j’habite. C’est mon pays. Même si j’aurais préféré que mes enfants continuent l’école au Sénégal, car j’ai peur qu’il y ait un déséquilibre de niveau ».
Binetou Konté, âgée de 50 ans, envoie ses enfants mais elle restera, elle, au Sénégal : « J’ai 50 ans, mon mari 70. Je suis trop vieille. Mais mes sept enfants, tous majeurs, repartent… Quand je suis arrivée [au Sénégal], j’avais une envie pressante de rentrer en Mauritanie mais maintenant je suis très bien intégrée et je n’ai plus envie de rentrer. En plus, ici la situation est bonne. J’ai un petit commerce de légumes ».
A la veille du voyage, les tentes sont montées pour que les familles dorment. Mais il pleut tellement que les familles s’abritent dans les casernes de pompiers voisines.
Tôt le matin, ils voyagent par camion jusqu’à la ville de Rosso-Sénégal, pour prendre le bac sur 800 mètres à travers le fleuve Sénégal vers Rosso-Mauritanie de l’autre côté de la frontière.
Sur le chemin, dans le camion, Fatou Mbaye, portant son nouveau-né et septième enfant, a dit à IRIN : « Je suis triste et heureuse à la fois. Triste de quitter mon village au Sénégal mais heureuse car je vais retrouver la terre d’où ma famille a été violemment expulsée. Je ne sais pas ce qui m’attend là-bas. C’est mon mari qui m’a dit d’y aller, j’ai obéi ».
Alors que les camions débarquent sur la rive mauritanienne, les percussionnistes jouent et les officiels mauritaniens attendent debout. Les autorités n’autorisent pas les journalistes à débarquer.
« On donne [aux rapatriés] un récépissé qui fait office d’enregistrement auprès de l’état civil », a dit Souleymane Brehim, représentant régional de l’Agence nationale d’appui et d’insertion des réfugiés. « On prend une photo. Puis on les achemine vers les sites où ils ont choisi de revenir, les endroits d’où ils ont été expulsés ».
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