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Gambella, une région en danger dans l’ouest – Analyse

A leader of a Nuer group displaced by inter-clan conflict shows visitors a wild food on which they have depended. Location: Wanke, Gambella Region, Western Ethiopia Ben Parker/IRIN
A leader of a Nuer group displaced by inter-clan conflict shows visitors a wild food on which they have depended
Cette année, les responsables de la région de Gambella, dans l’ouest de l’Ethiopie, ont classé les conflits et les précipitations erratiques, qui pourraient toucher plus de 150 000 personnes, dans la catégorie des certitudes totales. Quant aux inondations et aux épidémies, elles sont également probables : elles ont été notées quatre sur cinq (cinq correspondant à la certitude).

Loin d’être source de morosité, toutefois, cette situation vaut aux autorités publiques régionales les compliments des travailleurs humanitaires de Gambella et d’Addis-Abeba pour leurs efforts de préparation.

Le Plan de préparation et de réponse d'urgence de Gambella présente les principaux risques et les mesures à prendre, notamment la distribution d'articles (des rations alimentaires aux préservatifs féminins), et définit les responsabilités de l’Etat et des acteurs non gouvernementaux.

Les 300 000 habitants de la région ont besoin de cette préparation. Gambella est une des quatre régions d’Ethiopie officiellement désignées comme « en développement ». Cette région située à basse altitude et limitrophe du Soudan est isolée, politiquement sensible et pauvre (même pour le pays, dont le taux de pauvreté est déjà élevé).

Conflits internes et externes

A Gambella, le risque de conflit est de plus en plus important à l’approche du référendum de janvier 2011 sur l’indépendance du Sud-Soudan voisin. L’instabilité interne liée à cette question et les tensions causées dans le sud du Soudan par le manque de ressources ont déjà débordé en Ethiopie.

En 2009, un grand groupe de Lou Nuer, une ethnie soudanaise, avait franchi la frontière éthiopienne à la suite d’affrontements avec les Murle, autre groupe ethnique soudanais. Bien qu’étant les cousins des Jikany Nuer, une ethnie éthiopienne, les Lou Nuer soudanais, mieux armés, ont expulsé des milliers de Jikany Nuer de leurs terres, à Gambella. Selon les autorités régionales, quelque 38 000 Ethiopiens sont toujours déplacés.

Outre les problèmes importés du Soudan, les affrontements internes récurrents causés par les querelles foncières, la lutte pour l’obtention des ressources naturelles ou les vendettas chez et entre les Nuer, une ethnie agropastorale locale, et les communautés anuak, essentiellement agraires, ont provoqué le déplacement, au moins temporaire, de quelque 40 000 habitants.

Plus au nord, à Wanke, à quelques heures de voiture de la ville de Gambella, les affrontements claniques entre différents sous-groupes nuer éthiopiens ont forcé plusieurs milliers de familles à quitter leurs fermes en avril. Ces familles vivent désormais à quelques kilomètres à peine de chez elles, et des chefs locaux ont dit à IRIN que des pourparlers de paix pourraient aboutir, mais que le gouvernement n’intervenait guère en vue de stabiliser la situation. Les familles déplacées sont logées chez des parents ou des amis, n’ont presque rien semé, et se plaignent de consommer des aliments sauvages qui ne sont pas nutritifs.

A Nuer woman living in a temporary settlement of displaced people in Western Ethiopia's Gambella region prepares maize
Photo: Ben Parker/IRIN
Une femme nuer prépare du maïs pour faire sa cuisine ; Gambella est une région éloignée, pauvre et politiquement sensible
Les leaders des communautés ont indiqué aux travailleurs humanitaires venus sur place qu’ils avaient avant tout besoin de vivres, de bâches en plastique, de jerrycans et d’ustensiles de cuisine. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) collabore avec les organisations non gouvernementales (ONG) en vue de leur fournir ces denrées non alimentaires dans le cadre d’une opération de secours de petite envergure, menée à l’heure actuelle, parmi tant d’autres, dans cette région où seul un petit nombre d’organismes internationaux opèrent.

La dynamique politique

Au plan politique, Gambella est dans un état de « calme précaire », selon un spécialiste bien placé pour commenter la situation. Les tensions intercommunautaires observées dans la région sont exacerbées par leur rapport à la dynamique politique nationale. Selon le recensement de 2007, les Nuer représentent 46 pour cent de la population de la région, soit plus du double des Anuak (21 pour cent). Bon nombre du reste des habitants, n’étant pas originaires de cette zone, sont connus sous le nom de « montagnards », quelle que soit leur région d’origine en Ethiopie. Des tensions relatives à l’accès à l’influence politique et économique ont éclaté dans le passé, notamment à la fin de l’année 2003, lorsque les forces de sécurité du gouvernement ont sévi à la suite d’affrontements entre des groupes d’Anuak armés et des montagnards, donnant lieu à des accusations de violations des droits humains et de meurtres arbitraires.

Ces tensions pourraient réapparaître, selon des analystes. Récemment, la nouvelle nomination du président régional anuak, chef du parti pluriethnique au pouvoir dans la région, n’a pas satisfait les aspirations politiques des Nuer, d'après certains spécialistes.

Le risque que le référendum de janvier au Sud-Soudan provoque un nouveau conflit et une instabilité de l’autre côté de la frontière est également source de préoccupations. La région a accueilli plus de 200 000 réfugiés soudanais déplacés par la guerre civile dans les années 1980. Nombre d’entre eux sont partis peu après le renversement du régime de Mengistu Hailemariam, en Ethiopie, en 1991 ; le régime soutenait la rébellion sud-soudanaise, profitant des camps pour recruter et entraîner ses combattants. Il ne reste aujourd’hui que quelque 26 000 réfugiés soudanais en Ethiopie, selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Au-delà des inondations

Si la politique et les conflits restent des facteurs de risque, les inondations sont une source de préoccupation plus urgente, à l’heure actuelle. D’ici à la fin du mois d’octobre, le niveau des eaux du Baro et de trois autres fleuves de la région, alimentés par les pluies tombées dans les régions montagneuses d’Ethiopie et dans la région, s’élèvera pour atteindre son maximum saisonnier. Gambella connaît des crues chaque année, mais leurs répercussions sont parfois positives. L’agriculture de décrue (qui consiste à semer les sols alluviaux tandis que les eaux de crue se retirent) est une opportunité importante en termes de production.

Mais les inondations provoquent des décès, des déplacements de population et la perte de biens - le cas le plus récent a été observé en 2008. Dépendants de l’eau des fleuves pour vivre, bon nombre des habitants de Gambella vivent sur les rives de ces fleuves et sont donc extrêmement vulnérables aux crues ; il est en outre difficile de se rendre auprès de ces populations compte tenu des routes peu praticables, de la faible densité de population et des grandes distances à parcourir.

Pour faire face au risque d'inondations, ainsi qu’aux conséquences de possibilités agricoles limitées et de précipitations erratiques, les autorités régionales ont commencé à envisager des options stratégiques à long terme. Le concept de « villagisation » est une initiative clé : il consiste à regrouper plus étroitement les familles à plus haute altitude, en ouvrant de nouvelles cliniques et de nouvelles écoles à proximité. Toutefois, la mise en œuvre d’un tel concept sera « très difficile », selon un travailleur humanitaire, qui doute de l’adhésion des communautés.

Outre les efforts de planification des autorités locales, les vastes zones de terres qui composent cette région attirent les investisseurs potentiels. Diverses sociétés indiennes et saoudiennes ont lancé des programmes agricoles commerciaux, tandis que les opérations d’exploration du pétrole et du gaz n’ont encore donné aucun résultat publiquement déclaré.

Gambella devra faire face à de nombreux dangers ces prochaines années. Il s’agit là d’une certitude de 5/5, semble-t-il. Mais en reconnaissant l’existence de ces menaces, la région a déjà franchi une étape importante en vue de les gérer, estiment les spécialistes.

bp/eo/mw/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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