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Les filles vulnérables au risque d’exploitation sexuelle dans les rues de Juba

Southern Sudanese children in the southern capital Juba. A fresh disarmament drive has been launched aimed to seize illegally held weapons - BLURRED FACE Peter Martell/IRIN
Dans un vaste marché de Juba, la capitale régionale du Sud Soudan, de jeunes femmes passent de longues heures de l’après-midi, allongées sur des lits, dans des chambres faites en tôle dans lesquelles règne une chaleur étouffante : elles attendent la visite d’hommes.

Une fille, âgée d’à peine 17 ans vêtue d’un t-shirt moulant sur lequel est inscrit « j’aime la bière », nous indique différentes chambres qui abritent de très jeunes filles.

L’équipe d’IRIN s’est rendue au marché accompagnée de Cathy Groenendijk, directrice d’une petite ONG locale, Confident Children Out of Conflict (CCC), qui gère depuis deux ans et demi un centre d’accueil destiné aux enfants extrêmement pauvres de Juba.

Aujourd’hui, Mme Groenendijk est à la recherche d’Alice*, une jeune fille de 14 ans, une de ses protégées qui lui a récemment annoncé qu’elle avait trouvé un logement dans un quartier réputé pour abriter principalement des travailleurs du sexe.

« Je ne peux lui en vouloir. Je sais où vit sa famille – dans la rue. Je ne peux la juger de vouloir quelque chose de mieux pour elle-même et son corps est l’unique outil qu’elle possède pour négocier un loyer », a-t-elle déclaré.

La nouvelle maison d’Alice consiste en un regroupement de plusieurs chambres en tôle occupées par des travailleuses du sexe mineures, dont l’une est à un stade avancé de sa grossesse et n’a jamais consulté une clinique de soins prénatals. Alice répète qu’elle ne fait que louer une chambre et qu’elle ne vend pas son corps, mais Mme Groenendijk lui conseille tout de même de toujours utiliser un préservatif et lui propose de recevoir une piqûre contraceptive, qu’elle accepte.

« Bien sûr que cela est dommage. Elle ne me le dira pas qu’elle est devenue une professionnelle du sexe, car elle pense qu’elle m’a trahie. Je n’aime pas devoir parler de préservatifs à une fille de 14 ans, mais ne pas en parler revient à laisser la place à une grossesse ou au VIH, ce qui est pire », a dit Mme Groenendijk.

La plupart des travailleurs du sexe qui opèrent depuis le marché disent toujours utiliser des préservatifs et rejeter les clients qui refusent de se protéger. Toutefois, pour les mineures, qui gagnent beaucoup moins d’argent, se procurer des préservatifs peut être difficile.

Nous sommes rapidement chassés par les hommes qui gèrent les chambres. Alice a tout de même le temps de nous annoncer que la chambre qu’elle loue appartient à un responsable de la police et une autre locataire nous apprend que la sienne appartient à un responsable de l’immigration.

«  Certaines de ces filles – même si elles n’ont que 7 ans – connaissent beaucoup de choses sur le sexe : soit elles vivent dans une seule pièce avec leurs parents et voient ces derniers , soit des hommes et des garçons locaux les violent »
CCC est l’une des rares ONG qui s’intéressent au problème croissant des enfants de la rue à Juba. Selon les résultats d’une étude menée en 2009 par l’ONG française Enfants du Monde - Droits de l’Homme (EMDH), au moins 1 000 enfants vivraient dans les marchés de la ville.

Ces enfants arrivent avec leur famille ou s’enfuient vers Juba, une région commerciale en pleine expansion, à la recherche d’un emploi. Ils tentent de gagner leur vie en cirant des chaussures, en ramassant des bouteilles d’eau ou en lavant des voitures. Certains d’entre eux sont en mesure de rentrer chez eux la nuit, mais pour bon nombre, les trottoirs, les porches des magasins et les champs font office de maisons.

Des risques élevés

« Les possibilités ne sont pas aussi nombreuses que les gens croient. Lorsque les familles arrivent à Juba, beaucoup de parents noient leurs problèmes dans l’alcool, laissant leurs enfants faire ce qu’ils veulent », a dit Anita Queirazza, gestionnaire de programme auprès d’EMDH, qui travaille avec les enfants de la rue à Juba.

Compte tenu du manque de structure ou de protection au sein de la famille, les filles sont vulnérables à la violence, un fait auquel Mme Groenendijk est confrontée régulièrement dans son centre d’accueil.

« Certaines de ces filles – même si elles n’ont que sept ans – connaissent beaucoup de choses sur le sexe : soit elles vivent dans une seule pièce avec leurs parents et voient ces derniers [avoir des rapports sexuels], soit des hommes et des garçons locaux les violent », a-t-elle poursuivi.

Selon Sylvia Pasti, chef de la protection des enfants auprès du bureau du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) au Sud Soudan, les jeunes filles qui vivent dans la rue sont confrontées à la violence et au trafic (travail domestique ou abus sexuel), n’ont pas accès aux soins de santé, de manière générale, mais également après avoir été victimes d’un viol.

Dragudi Buwa, chef du bureau du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) au Sud Soudan a confirmé l’opinion de Sylvia Pasti, et a souligné : « on trouve beaucoup de jeunes filles en ville, aussi bien des Soudanaises que des étrangères, à la recherche d’un emploi qui n’est pas disponible. Le viol est très répandu dans les marchés de la ville ».

De lents progrès dans le domaine de la protection

L’UNFPA a offert des formations à des unités spéciales dans quatre postes de police de Juba afin qu’elles puissent traiter les affaires de violence envers les femmes. Toutefois, compte tenu des infrastructures limitées de la région, très peu de victimes portent plainte devant la justice ou se rendent à l’hôpital. L’unique lieu à Juba (une ville de plus de 300 000 habitants) à être équipé pour traiter les cas de violence sexuelle est l’hôpital universitaire.

Le ministère des Affaires sociales compte un nombre limité de travailleurs sociaux et dispose du budget le plus serré de tous les ministères du gouvernement. En outre, il est mal équipé pour s’occuper aussi bien des victimes que des agresseurs.

« Il existe une politique en matière d’enfants sans gardiens primaires, mais elle n’a pas encore été approuvée. La loi sur les droits de l’enfant de 2008 décrit tous les droits de l’enfant, mais elle n’est pas véritablement appliquée », a dit Mme Pasti de l’UNICEF.

L’UNICEF a formé 78 travailleurs sociaux afin qu’ils soutiennent le ministère, mais ils ne disposent pas de bureaux.

« L’idéal voudrait que nous ayons des unités chargées de la protection de l’enfant dans chaque division à Juba. Ainsi, chaque cas d’abus serait immédiatement signalé et traité », a dit Mme Groenendijk. « Nous aimerions avoir des aires de jeu pour les enfants afin qu’ils n’aient pas à jouer dans les cimetières, mais nous sommes encore très loin de cet idéal ».

* Un nom d’emprunt

kr/mw/cd/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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