« Mes journées commencent désormais à quatre heures du matin. Chaque nuit est une nouvelle épreuve, depuis le tremblement de terre », a-t-elle dit. « J’ai l’impression que je ne peux véritablement dormir qu’au moment où tout le monde se réveille, mais c’est l’heure de la [prière] matinale ».
De nombreux Haïtiens considère ce tremblement de terre comme une punition divine, conséquence des péchés de la population. Menés par des pasteurs autoproclamés, catholiques, protestants et pratiquants du culte vaudou prient tous ensemble dans le camp de Johane, avec des cris de victoire et des louanges à Dieu pour exprimer la joie de voir un nouveau jour.
« Au petit matin, on ne pense pas à se brosser les dents pour partager nos histoires et nos craintes. [Le jour] commence avec les hélicoptères [dont le bruit des moteurs] recréé l’ambiance du séisme ».
« Dès le matin, mon grand frère cherche s’il y a une distribution [humanitaire]. A deux reprises, il n’a pas [réussi à] rapporter de quoi manger. Il ne veut pas participer aux pillages. C’est un peu triste de réaliser qu’on n’a toujours rien à manger et qu’on risque encore la mort ».
Johane est issue d’une famille monoparentale menée par sa mère. Ils étaient déjà dans une situation de pauvreté extrême avant le tremblement de terre. « Toute la journée, on attend les secours. Ils ne sont pas encore arrivés ».
L’aide humanitaire a commencé à être déployée le long des grands axes de la capitale, mais la majorité des Haïtiens vivant dans des bidonvilles anarchiques et difficiles d’accès reste livrée à elle-même depuis plus d’une semaine.
« Hier, j’ai failli mourir de soif. Il faut maintenant 0,50 dollar [américain] pour acheter [600ml] d’eau traitée. Cela me [rend encore] plus en colère contre les autorités », a dit Johane.
Le manque d’eau potable, ainsi que la pestilence des corps en décomposition et des excréments humains rendent les conditions de vie encore plus pesantes.
Près de 250 familles vivent sur le terrain de football de Corridor Icare, qui est entouré d’habitations largement endommagées. Les autorités ont déjà recensé 326 camps similaires à Port-au-Prince ; elles espèrent rassembler les personnes dans 150 camps, dont le principal pourrait accueillir 100 000 personnes.
« Je suis obligée de me coucher tôt, même si les gens continuent à se parler, dans leur couche à même le sol. Les histoires de viols et de pillages se multiplient. Ma [mère] à très peur pour moi », a dit Johane en se frottant nerveusement les mains, faisant signe qu’elle ne voulait plus parler de cela.
Les patrouilles des Nations Unies sont encore limitées en ville, la police nationale ne s’est pas encore reconstituée et les forces militaires étrangères sont déployées principalement dans des lieux stratégiques.
« Vers 20h, je suis déjà au lit. La température est douce, le ciel est nuageux et la pluie s’annonce. Le sommeil me surprend de temps en temps, mais on ne dort pas [vraiment]. Tous les hommes forment la brigade [de sécurité] et les femmes surveillent. Quand un inconnu est repéré, le guetteur [chante] une chanson pour alerter la communauté. [Une fois] le danger écarté, la nuit continue jusqu’au prochain [lever du] soleil ».
* Johane n’a pas souhaité donner son nom de famille
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