Le problème de la sous-nutrition reste très préoccupant en Afrique sub-saharienne, où vivent 32 pour cent des populations pauvres du monde. Cependant, les anciens ruraux qui ont migré vers les villes ont un régime alimentaire trop gras, ce qui engendre une hausse des taux d’obésité, de diabète, d’hypertension et de préhypertension, d’après les exposés que les délégués ont pu entendre au Congrès international de nutrition (ICN) de Bangkok.
« Le problème de l’Afrique, c’est que ce continent enregistre les chiffres les plus catastrophiques du monde, aussi bien en termes de sous-nutrition qu’en termes de surnutrition. Nous sommes réellement confrontés à un double fléau », a expliqué Hester Vorster, du Centre d’excellence en nutrition de l'Université du Nord-Ouest en Afrique du Sud, lors de ce congrès, qui prendra fin le 9 octobre.
« La surnutrition est comparable à ce que l’on observe en occident. Beaucoup d’Africains ont migré vers les villes, où ils ont adopté un mauvais régime alimentaire. En Afrique, le fardeau des maladies s’alourdit donc de jour en jour », a dit Jean-Claude Mbanya, de l’Université de Yaoundé, au Cameroun, et président élu de la Fédération internationale du diabète, basée en Belgique.
La surnutrition, tout comme la sous-nutrition, peut être causée par la pauvreté et l’insécurité alimentaire, les populations urbaines pauvres n’ayant pas accès à des aliments frais et nutritifs, ou n’ayant pas les moyens d’en acheter, a expliqué à IRIN Hélène Delisle, nutritionniste à l’Université de Montréal, au Canada.
Dans certains pays d’Afrique du Nord ou d’Afrique australe, la surnutrition a dépassé la sous-nutrition, sans que les populations ne prennent conscience des nouveaux problèmes engendrés par cette situation, a-t-elle indiqué.
« Ces pays n’en sont pas conscients. Dans beaucoup de régions, l’obésité n’est pas perçue comme un problème, mais plutôt comme un signe positif, une preuve que l’on a bien réussi sa vie », a-t-elle expliqué.
En parallèle, les pays les plus pauvres continuent à souffrir avant tout de la sous-nutrition, qui a d’ailleurs connu une hausse ces cinq dernières années, en raison de la crise des prix alimentaires de 2008 et de la crise financière mondiale, d’après Mme Delisle.
Photo: Seyid O. Seyid/IRIN |
Des femmes dans une salle de gym de Nouakchott, en Mauritanie, où la perception de l’obésité comme qualité esthétique est remise en cause par la prise de conscience des dangers mortels qu’elle implique (photo d'archives) |
Les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) montrent que l’obésité a augmenté, tandis que, dans certains pays, la sous-nutrition n’a pas reculé.
A Madagascar en 1992, seulement 1,6 pour cent des enfants étaient en surpoids, tandis que 35,5 pour cent avaient un poids insuffisant, et 60,9 pour cent souffraient d’un retard de croissance. En 2004, 6,2 pour cent des enfants étaient en surpoids, tandis que 36,8 pour cent avaient un poids insuffisant, et 52,8 pour cent souffraient d’un retard de croissance.
Le taux de surpoids et d’obésité chez les femmes a en outre doublé entre 1997 et 2004, pour atteindre 8,1 pour cent de la population féminine.
Au Maroc, alors qu’en 1987, 5,5 pour cent des enfants étaient en surpoids, en 2004, ce chiffre avait atteint 13,3 pour cent.
L’obésité augmente également en Ouganda, bien que la sous-nutrition reste encore le principal problème de ce pays, puisqu’environ 40 pour cent des enfants de moins de cinq ans souffrent d’un retard de croissance physique et de développement mental en raison de carences en vitamines et d’un manque d’aliments suffisamment nutritifs.
En Ouganda, l’obésité et ce que l’on appelle plus généralement les « maladies liées au mode de vie » sont largement perçues comme un problème concernant uniquement les personnes âgées, bien que la prévalence de ces pathologies augmente chez les hommes jeunes, a dit à IRIN Elizabeth Madraa, directrice de l’alimentation et de la nutrition au ministère ougandais de la Santé, et déléguée participant au congrès.
Par ailleurs, l’anémie chez les adolescentes est en hausse, en raison de régimes alimentaires pauvres en fer, a-t-elle ajouté. Enfin, on constate que les mères ougandaises ont de plus en plus tendance à donner du lait en poudre à leurs bébés plutôt que de les nourrir au sein.
« Elles achètent du lait en poudre parce qu’elles ont vu les publicités, et nous devons lutter contre cette tendance. Tous ces éléments contribuent à un problème de nutrition, qu’il convient de prendre en compte comme tel », a dit Mme Madraa.
Photo: Colin Crowley/Save the Children |
Aftin, 12 ans, dans sa maison à El Wak, au Kenya. La famille d’Aftin ne peut pas s’offrir plus d’un repas par jour. Aftin souffre de problèmes de santé liés à la malnutrition (photo d'archives) |
M. Mbanya a appelé à organiser des campagnes de sensibilisation et à prendre des mesures législatives pour combattre les effets négatifs des mauvais régimes alimentaires, qui sont en partie influencés par la publicité. « Si nous voulons que les gens changent leurs habitudes, nous devons faire en sorte qu’ils puissent facilement faire les choix qui sont bénéfiques pour leur santé », a-t-il dit.
Les progrès sont néanmoins ralentis par la situation déplorable des sciences de la nutrition en Afrique, affirment des experts.
Peu de perspectives d’emplois bien définis, des salaires bas, un manque de reconnaissance et une pléthore de formations concurrentes dispensées par des enseignants non qualifiés : autant de facteurs qui freinent aujourd’hui le développement de la discipline, d’après Tola Atinmo, président nigérian de la Fédération africaine des sociétés de nutrition.
« Actuellement, en Afrique, tout le monde est concerné par les problèmes de nutrition, mais personne ne s’en préoccupe », a dit M. Atinmo.
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