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Les Conventions de Genève sont-elles toujours valables ?

The final day of the Sri Lanka truce on 16 January 2007 was one of the bloodiest: 32 civilians were killed and over 50 injured in attacks in Buthala, about 250km southeast of Colombo. Sri Lankan Government Information Department
Il y a 150 ans, la bataille de Solferino faisait 40 000 morts et blessés chez les soldats et au sein de la population civile. Les médecins étant rares, Henry Dunant, un civil suisse, avait aidé les villageois à soigner les victimes. Son expérience, qui avait mis en exergue les conséquences directes et terribles de la guerre sur les civils, l’avait amené à fonder le Mouvement international de la Croix-Rouge, qui célèbre son anniversaire le 24 juin.

Le Mouvement de la Croix-Rouge est à l’origine d’une convention, visant à établir les règles de la guerre, qui a finalement été approuvée en 1949 sous le nom des Conventions de Genève ; ces Conventions ont pour objectif de protéger les combattants, les prisonniers et les non-combattants en situation de conflit. Des protocoles additionnels, entrés en vigueur en 1977, portent sur la protection des civils en situation de conflits internationaux et internes.

Mais les définitions même des concepts de guerre, d’attaque criminelle, de parti prenante au conflit et de civil sont devenues ambiguës. IRIN a demandé à des experts humanitaires et juridiques dans quelle mesure les conflits avaient évolué au XXIe siècle et si les Conventions de Genève et les protocoles additionnels s’appliquaient toujours en matière de protection des civils en période de conflit.

Comment les conflits ont-ils évolué au XXIe siècle ?

Mary Kaldor est professeur et directrice du Centre d’étude de la gouvernance mondiale à la London School of Economics and Political Science. Elle a notamment publié The Imaginary War (1990) La Guerre imaginaire, New and Old Wars: Organized Violence in a Global Era (1999) Nouvelles et Anciennes Guerres : La violence organisée à l’ère mondiale et Global Civil Society: An Answer to War (2003) La Société civile mondiale : une réponse à la guerre.

« La bataille de Solferino était très différente des conflits contemporains : à l’époque, les parties belligérantes étaient souvent des armées qui s’attaquaient entre elles et les principales parties prenantes aux conflits étaient des Etats. Maintenant, la majorité des violences sont commises à l’encontre des civils.

« Aujourd’hui, les guerres ne sont parfois même pas déclarées en tant que guerres, donc on pourrait dire que les Conventions de Genève ne s’appliquent même pas forcément. On voit un mélange de crime organisé, de guerres et de violations des droits humains ; le conflit en Sierra Leone en est un exemple typique.

« Dans les guerres de contre-insurrection menées actuellement en Irak ou en Afghanistan, les Etats-Unis ont dit qu’ils ne pouvaient pas distinguer les combattants des civils ».

Civilians have increasingly become the main victims of conflict in Afghanistan.
Photo: Abdullah Shaheen/IRIN
Une enfant blessée au cours d’un conflit, en Afghanistan (photo d’archives)
Knut Doermann
est conseiller juridique à la division juridique du siège genevois du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et auteur d’Elements of War Crimes under the Rome Statute of the International Criminal Court Les crimes de guerre, d’après le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.


Il est peut-être vrai qu’aujourd’hui, les situations sont plus complexes. Quand vous avez des groupes armés non-étatiques qui se scindent en différents groupes, par exemple, comment interagir avec chacun d’entre eux ? Connaissent-ils suffisamment la loi ?

La distinction [entre un civil et une partie prenante au conflit telle qu’elle a été définie dans le Protocole additionnel 1, en 1977] est de plus en plus complexe. Les civils perdent leur protection quand ils prennent directement part aux hostilités, mais qu’est-ce que cela signifie ? Entre donner des vivres à un soldat et tuer un soldat, il y a une zone grise énorme.

Hugo Slim est spécialiste humanitaire et chercheur associé à l’Institute of Ethics, Law and Armed Conflict de l’université d’Oxford ; il est également l’auteur de Killing Civilians: Method, Madness and Morality in War Tuer des civils : Méthode, folie et moralité en temps de guerre, publié en 2008.

Les gens se font du mal en temps de guerre à peu près de la même façon depuis des milliers d’années. Mais à mesure que la technologie évolue, nous devrons continuer à adopter de nouvelles conventions et de nouveaux protocoles sur les nouveaux armements. C’est déjà le cas, comme on peut le voir avec le nouveau traité sur les sous-munitions [approuvé en décembre 2008], le traité international de 1997 sur l’interdiction des mines terrestres, et la convention de 1997 sur les armes chimiques.

Les Conventions de Genève et les protocoles vont-ils assez loin pour protéger les civils en période de conflit, ou bien a-t-on besoin d’un autre système au XXIe siècle ?

Knut Doermann : Les Conventions de Genève sont un outil indispensable pour protéger les civils en période de conflit international. Le gros avantage, c’est qu’elles ont été universellement ratifiées et sont donc reconnues de tous. Leurs dispositions principales (telles que l’obligation de ne pas attaquer les civils) sont incontestées, même pour les parties non-étatiques. Les protocoles additionnels ont été négociés en 1977, à une époque de guérillas, au cours desquelles, par nature, les belligérants se mêlent à la population civile, alors ce n’est pas nouveau.

[Lebanon] Cluster bombs gathered to be destroyed by mine sweepers in the suburbs of Tyre city in southern Lebanon, 6 October 2006. Unexploded ordnance in southern Lebanon continues to pose great risks to civilians returning to their villages, according to
Photo: Manoocher Deghati/IRIN
Des bombes à sous-munitions, au Liban (photo d’archives)
Ce qui est plus difficile, c’est le respect de ces conventions. On observe trop souvent un manque de volonté politique [ou] un manque de connaissances ou de formation, qui permettrait de respecter les règles. Les tribunaux internationaux peuvent créer un effet de dissuasion et permettre de traduire en justice les auteurs de violence, mais les Etats doivent d’abord remplir leurs obligations.

L’examen international de la conduite observée en période de conflit armé est un aspect important, pour permettre une meilleure application du droit humanitaire international. Pour être efficace et crédible, cet examen ne doit pas être sélectif, ni perçu comme tel.

Le principe de distinction peut exiger plus de clarté. Pour tenter de clarifier la zone grise, le CICR a publié des indications sur la définition d’une participation directe aux hostilités.

Et nous avons travaillé avec 17 pays pour élaborer le Document de Montreux, en 2008, qui définit le droit international applicable aux activités des entreprises militaires et de sécurité privées.

Mary Kaldor : La dernière chose que nous devons faire, c’est de laisser tomber le droit humanitaire international (DHI), mais il doit être complété par des lois pénales internationales et des lois internationales sur les droits humains, pour aborder certains aspects que le DHI ne peut pas aborder. Par exemple, on peut soutenir que tuer un civil en temps de guerre est un mal pour un bien, militairement nécessaire ; mais en vertu des droits humains et des lois nationales, seule l’autodéfense justifie le meurtre d’un civil.

Hugo Slim : Les Conventions de Genève vont assez loin. Le spectre des violences a toujours été trouble ; le CICR emploie les termes de « conflits internationaux », « conflits internes » et « troubles internes » pour les définir ; cela devrait couvrir la plupart des zones d’ombre.

En revanche, nous avons effectivement besoin de plus de clarté sur la question de l’ambigüité du terme « civil » et sur ce qui constitue une participation directe au conflit. On aura peut-être besoin pour cela d’un protocole additionnel, ou d’une nouvelle note directive.

La vérité, c’est que quand les Conventions de Genève ne fonctionnent pas, ce n’est pas parce que les gens essayent de trouver une faille dans la loi, mais parce qu’ils rejettent les valeurs de distinction et de proportionnalité.

Françoise Saulnier est directrice juridique à Médecins sans frontières et définit depuis 18 ans le cadre de la responsabilité juridique qui incombe à l’organisation non-gouvernementale (ONG) en période de conflit. Elle est l’auteur du Dictionnaire pratique du droit humanitaire.

Toute critique [du] droit humanitaire issue de la guerre contre le terrorisme est injuste. Les conflits asymétriques (internationaux et internes, guérillas et terrorisme) ?existent? depuis des siècles. Ces conventions internationales ont déjà pris en compte et arbitré les divers dilemmes rencontrés au cours des guerres de décolonisation et des guerres civiles survenues après l’indépendance dans beaucoup de pays en développement. A ce titre, elles abordent toutes les formes d’insurrection et d’opérations militaires de contre-insurrection.

aj/np/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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