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Le trafic alimente le commerce du sexe

A Genta staff member counsels 19-year-old Isah. Some statistics suggest that 80,000 to 100,000 women and children are victims of sexual exploitation or have been trafficked for such purposes each year David Swanson/IRIN
Dans les ruelles de Dolly, un quartier de la deuxième ville d’Indonésie, il n’est pas difficile de trouver des milliers de jeunes femmes, leurrées par la perspective d’une vie meilleure, qui se livrent au commerce du sexe.

« Je n’ai jamais choisi de devenir prostituée. C’est arrivé comme ça », raconte Isah, 19 ans, évoquant l’emploi qu’elle occupe dans une des plus grandes zones de prostitution d’Asie du Sud-Est.

Mariée et divorcée à 17 ans, Isah était une proie facile pour les trafiquants, qui lui ont promis de lui trouver un emploi bien rémunéré en ville.

« Après mon divorce, il était hors de question que je retourne dans ma famille. Il fallait que je m’échappe », confie-t-elle ; mais la jeune fille s’est alors trouvée contrainte d’offrir ses services à pas moins de huit clients chaque nuit, pour une trentaine de dollars par jour.

Les récits de ce type ne manquent pas à Java Est, la province la plus peuplée d’Indonésie, en particulier dans les régions rurales, où des milliers de femmes sont victimes du trafic, à la fois dans le pays et à l’étranger, à des fins de prostitution.

Dans le seul quartier de Dolly, plus de 2 500 femmes se prostituent, dont bon nombre ont été victimes des trafiquants.

S’il n’existe aucune statistique officielle, certaines informations portent à croire que chaque année, 80 000 à 100 000 femmes et enfants seraient exploités sexuellement ou victimes du trafic à cette fin ; bon nombre d’entre eux sont envoyés en Malaisie et au Moyen-Orient, d’autres, à Djakarta, la capitale, ou à Kalimantan (Bornéo), une île riche en bois, en café et en plantations d’hévéa, où un grand nombre d’hommes vivent seuls.

Selon les estimations, 30 pour cent des travailleuses du sexe ont moins de 18 ans, et certaines, à peine 10.

A busy thoroughfare in Jakarta, the Indonesian capital
Photo: David Swanson/IRIN
Leurrées par la perspective d’un emploi bien rémunéré, de nombreuses femmes des régions rurales partent s’installer à Djakarta, où elles finissent par se trouver contraintes de se livrer au commerce du sexe
L’échappatoire

Bien que certaines victimes des trafiquants (restées en Indonésie ou envoyées à l’étranger) parviennent à s’échapper, elles restent rares.

En Malaisie seulement, quelque 900 femmes demandent de l’aide chaque année ; une statistique qui, de l’avis général, ne représenterait que 10 pour cent du total des victimes.

« Ces chiffres ne sont que la partie émergée de l’iceberg », selon Jasmina Byrne, directrice des programmes de protection de l’enfance du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) à Djakarta.

La traite est le résultat de nombreux facteurs interdépendants, selon les spécialistes, dont un manque de systèmes de protection, qui permet à des agents sans scrupules d’agir plus librement.

En outre, les possibilités professionnelles sont restreintes dans le plus grand archipel du monde, et les migrations offrent l’espoir d’un avenir meilleur, en particulier dans les régions rurales où un grand nombre d’habitants vivent au niveau ou en deçà du seuil de pauvreté.

Selon la Banque mondiale, près de 20 pour cent de la population d’Indonésie (quatrième pays le plus peuplé du monde) vit en deçà du seuil de pauvreté national.

« La pauvreté est l’élément moteur », a expliqué Diyan Wahyuningsih, coordinatrice de Genta, une organisation non-gouvernementale (ONG) locale, sise à Surabaya ; l’organisme dirige également un des deux refuges de la ville qui accueillent les victimes de la traite.

Les jeunes indonésiens vivent dans des conditions particulièrement difficiles, surtout les jeunes filles, dont les possibilités éducatives et professionnelles sont plus limitées. Nombre d’entre elles voient les lumières scintillantes des villes comme une échappatoire, mais parce qu’elles n’ont pas les connaissances, ni les compétences nécessaires pour survivre, beaucoup d’entre elles sont exploitées.

Thousands of women travel abroad each year to work as domestic helpers. About 80 percent of all Indonesian migrant workers are women, mostly domestic workers. Some 60 percent are in the Middle East, including Saudi Arabia, Kuwait, UAE, Jordan and Qatar, w
Photo: David Swanson/IRIN
Des milliers de femmes travaillent comme aides domestiques à l’étranger. Environ 80 pour cent des travailleurs migrants indonésiens sont des femmes, qui travaillent, pour la plupart, comme aides domestiques
Législation

Bien que le gouvernement ait promulgué une législation contre la traite des êtres humains en 2007, il faudra du temps pour que celle-ci soit pleinement mise en œuvre.

En raison d’une mauvaise application de la loi et de la corruption qui sévit dans le pays, peu d’affaires font l’objet d’une enquête sérieuse, et les coupables sont rarement inquiétés.

« Le nombre de cas de maltraitances, notamment de prostitution, liées à la traite augmente », a indiqué Waloejo Noegroho, directeur du Pusat Pelayanan Terpadu de Surabaya, un bureau public d’orientation et d’aide aux enfants et aux femmes victimes de violences, de maltraitances et de la traite, un des 28 centres de ce type à Java Est.

« Beaucoup de ces personnes sont pauvres et peu instruites. Elles ne connaissent pas leurs droits et sont faciles à duper », a expliqué Yanti Indarsyah, conseillère au centre. « Un grand nombre de victimes sont très affectées et peuvent avoir besoin de suivre une thérapie à long terme ».

D’autres difficultés

Selon l’UNICEF, 60 pour cent des enfants indonésiens de moins de cinq ans n’ont pas d’acte de naissance. « Si ce premier droit de protection, l’acte de naissance, n’est pas exercé, il est très facile de manipuler l’identité de quelqu’un. On pourra alors très bien faire passer quelqu’un pour plus âgé qu’il ne l’est en réalité », selon Mme Byrne.

« C’est pour cela que des jeunes filles sont victimes du trafic. Ces filles ne devraient même pas être autorisées à migrer à l’étranger en raison de leur âge », a-t-elle estimé.

Selon l’UNICEF, pour protéger les droits humains d’une personne, il faut s’assurer que celle-ci puisse être identifiée et que son âge puisse être déterminé de manière infaillible, pour réduire ainsi le risque de voir les trafiquants profiter de la situation.

Autres problèmes : la servitude pour dette est toujours pratiquée dans certaines régions, et les filles se marient et divorcent jeunes, autant de facteurs qui se conjuguent, comme dans le cas d’Isah.

Selon l’UNICEF, environ 12 pour cent des femmes d’Indonésie sont mariées à l’âge de 15 ans, ou avant.

ds/mw/nh

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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