Ansar Pervaiz, 50 ans, qui vit depuis 20 ans à Quetta, le chef-lieu de la province, a expliqué qu’il quitterait la région pour au moins 15 jours.
« C’est risqué, ici, en ce moment, pour ceux qui ne sont pas baloutchis. Je suis du Punjab [une province pakistanaise voisine] et je vais y retourner avec ma femme et mes trois filles. Je travaille comme dessinateur industriel et c’est dangereux d’être sur les sites de construction. Nous verrons plus tard ce qui se passera », a-t-il déclaré à IRIN.
Trois jours de violence et d’émeutes, qui ont fait au moins 11 morts et de nombreux blessés au Baloutchistan, ont été déclenchés par la découverte, le 9 avril, des cadavres mutilés de trois éminents leaders nationalistes baloutchis dans la ville de Turbat, à environ 1 000 kilomètres au sud de Quetta.
Les banques, les bureaux de poste, les bureaux des autorités publiques, ainsi que des dizaines de véhicules ont été incendiés dans les villes et les bourgades de la province. Les établissements d’enseignement ont été fermés et la vie des habitants est gravement perturbée.
Le Baloutchistan, qui s’étend sur 347 190 kilomètres carrés – une superficie quasi équivalente à celle de l’Allemagne - et compte 10 millions d’habitants, est la plus grande des quatre provinces du Pakistan, mais aussi la moins développée. La région a un passé marqué de longue date par les conflits entre les mouvements nationalistes, défenseurs autoproclamés des droits du peuple baloutche, et les forces de l’Etat.
Le gouvernement pakistanais a condamné ces meurtres et appelé à l’ouverture d’une enquête exhaustive.
Selon les Services de relations publiques de l’armée pakistanaise (ISPR), organisme porte-parole des forces militaires, ces meurtres sont le fait « d’éléments hostiles à l’Etat », désignés sans plus de précision, qui cherchent à saboter les efforts de réconciliation déployés par le gouvernement au Baloutchistan. Mais d’autres en sont moins sûrs.
Photo: IRIN |
Carte du Pakistan et de la région ; en rouge, la province du Baloutchistan |
Pris au piège et terrifiés
Dans la ville de Khuzdar, à quelque 300 kilomètres au sud-est de Quetta, où un officier de police a été abattu par des émeutiers le 9 avril, Rasheeda Bibi, 35 ans, a déclaré à IRIN par téléphone : « Je suis dans notre maison, avec mes beaux-parents âgés et mes trois jeunes enfants. Mon mari est parti travailler à Quetta et il est coincé là-bas parce que les transports sont perturbés. Nous avons peur de sortir, ne serait-ce que pour aller faire les courses, parce que les manifestants sèment le chaos partout ».
Si ces flambées de violence sont en partie ciblées contre les institutions et les infrastructures publiques, certaines ont pour cible les habitants non-originaires du Baloutchistan. Le 12 avril, les corps de six mineurs de charbon, tous abattus d’une balle dans la tête, ont été découverts dans un village situé à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Quetta. Abdul Malik, un responsable des forces de police, a déclaré aux médias que ces mineurs venaient tous d’autres provinces, et que quatre d’entre eux auraient été originaires du Cachemire pakistanais.
Le Baloutchistan compte un nombre important d’habitants originaires de la province de la Frontière du nord-ouest (PFNO) et d’autres régions.
« Nous venons ici juste pour gagner notre vie. Je travaille dans un magasin, ici, à Quetta. Nous n’avons aucun lien avec la politique, mais cela fait peur, quand de telles violences éclatent et que les Baloutchis accusent les non-Baloutchis », a déclaré Junaid Khan, qui vient de Peshawar, chef-lieu de la PFNO.
Quatre officiers de police ont également été abattus le 12 avril, à Jaffarabad, une ville de l’est du Baloutchistan.
Face à ces événements, la communauté internationale a promptement réagi. « C’est l’incapacité persistante du gouvernement pakistanais à traiter la question des disparitions forcées au Baloutchistan qui a abouti aux événements tragiques de jeudi [9 avril] », a estimé Sam Zarifi, directeur de la branche Asie Pacifique d’Amnesty International.
L’ambassade américaine d’Islamabad a appelé à enquêter et déclaré que l’un des leaders assassinés avait contribué à obtenir la libération de John Solecki, un représentant des Nations Unies enlevé il y a plusieurs semaines à Quetta. John Solecki, ressortissant américain, libéré il y a quelques jours, a pu retourner chez lui.
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