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« Après ce test de dépistage, je vous déclare mari et femme »

Pour se marier au Nigeria, souvent, il ne suffit pas que les mariés se présentent devant l’autel, en présence des témoins, alliances en main : de nombreuses églises chrétiennes demandent également les résultats des tests de dépistage VIH des futurs mariés.

A une époque où les relations sexuelles avant le mariage sont devenues la norme, plusieurs églises orthodoxes et certaines églises pentecôtistes promeuvent le dépistage obligatoire.

L’intention affichée par les églises est de prévenir l’infection au VIH, et non de punir ceux qui en sont atteints, et cette politique est exprimée dans le langage du « choix éclairé » pour les couples sur le point de prendre un engagement que l’on suppose éternel.

L’église baptiste est une fervente défenseuse de la règle « pas de test, pas de mariage », et Daniel Gbadero, coordinateur national du programme de sensibilisation contre le sida de l’église baptiste, en est le principal partisan.

« Nous demandons [aux couples de se soumettre à un test de dépistage du VIH] environ neuf mois à un an avant le mariage pour que [les intéressés] découvrent le statut de la personne qu’ils veulent épouser. Si l’une des deux personnes est séropositive, nous leur demandons s’ils veulent tout de même se marier, et plus de 99 pour cent changent d’avis. De quelque façon qu’on envisage la question, cela permet de prévenir la propagation du virus », a dit M. Gbadero à IRIN/PlusNews.

« En revanche, quand dans un couple, les deux personnes sont séropositives, nous les marions sans aucune hésitation : tout ce que nous voulons, c’est empêcher que les deux personnes [finissent par être] infectées. C’est la seule façon de pouvoir limiter la propagation du virus aux personnes déjà infectées », a-t-il affirmé.

Ce raisonnement jouit d’un certain soutien de la part du public, même chez les activistes du plaidoyer sur le sida. Zubairu Gambo est président de l’Alese Society Against HIV/AIDS, un organisme communautaire de l’Etat de Rivers (sud), riche en pétrole, qui travaille principalement auprès des camionneurs qui acheminent les carburants vers le nord du pays, essentiellement musulman.

M. Gambo aimerait que les dignitaires religieux musulmans adhèrent eux aussi à l’idée du dépistage du VIH avant le mariage.

Selon M. Gambo, de confession musulmane, un dépistage obligatoire avant le mariage permettrait de s’attaquer au faible niveau de sensibilisation des populations des Etats du nord, un problème qui serait à l’origine, d’après lui, du taux de prévalence relativement élevé du VIH, observé dans la région.

« Dans le nord, on n’aborde pas [la question du] sexe avant le mariage –ni même après- tandis que dans le sud, si », a-t-il expliqué. « Dans le nord, on contracte des mariages arrangés ; dans le sud, on se fait dépister avant le mariage ».

Le Nigeria affiche un taux de prévalence global du VIH de 4,4 pour cent, et ses 140 millions d’habitants sont à peu près également répartis entre musulmans et chrétiens.

Grace Anya travaille pour Fortress 4 Women, une organisation non-gouvernementale (ONG) de femmes à Kano, une ville du nord du pays. Elle encourage les habitants à découvrir leur statut, et à profiter de l’élargissement de l’accès aux médicaments antirétroviraux (ARV), mais elle condamne le dépistage obligatoire et craint que l’influence des églises ne soit utilisée à mauvais escient.

« Ils peuvent vous forcer à aller vous faire dépister, même contre votre volonté, et vous n’avez aucune garantie que vos résultats resteront confidentiels », a-t-elle dit. « Le paludisme et la tuberculose peuvent aussi être mortels, mais est-ce que les gens font des tests pour ça avant de se marier ? Les gens ont encore peur quand vous leur dites "VIH" ; ils ont l’impression que vous avez les mœurs légères. Ce stigmate est toujours là [...] il faut que les gens soient un peu mieux éclairés ».

« Si vous êtes membres [de l’église],… vous connaissez [les règles], alors si vous voulez vous marier [sans faire de test de dépistage du VIH], ne vous mariez pas à l’église. Mais si vous vous mariez à [...] l’église, vous devez vous plier à ces règles. Donc, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une violation des droits de quiconque. Comme toute organisation, l’église a ses règles », a pour sa part commenté le pasteur Solomon Olu Ajisafe de l’Eglise de Dieu de la rédemption chrétienne.

Les autorités nigérianes sont néanmoins publiquement opposées au dépistage obligatoire et un nouveau projet de loi anti-stigmatisation présenté à l’Assemblée nationale vise à interdire cette pratique.

« Toute forme de dépistage qui ne soit pas volontaire ni confidentielle est inacceptable. Préalable au mariage, préalable à l’emploi… nous les condamnons toutes », a déclaré à IRIN/PlusNews le pasteur Pat Matemilola, coordinateur national du Réseau des personnes vivant avec le VIH/SIDA au Nigeria. « En principe, nous ne voulons pas qu’une personne séronégative soit infectée [par son conjoint], mais ce que nous disons, c’est qu’il y a des moyens pour les gens de se protéger ».

Selon M. Matemilola, les dignitaires ecclésiastiques des différentes confessions commencent à être plus réceptifs, en partie du fait de la disponibilité croissante des ARV, qui permettent aux personnes séropositives de vivre plus longtemps. Il a cependant estimé qu’il faudrait sans doute faire plus d’efforts pour convaincre certains curés et pasteurs locaux.

« Si je repense aux cinq dernières années, nous avons fait beaucoup de progrès ; les choses se sont vraiment améliorées. Mais le Nigeria est un grand pays : dans les régions rurales, il y a encore beaucoup de stigmatisation, de discrimination. Même si nous adoptons la loi [anti-stigmatisation], il faudra beaucoup de temps pour qu’elle atteigne tous les recoins du pays ».

oa/he/nh/ail

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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