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Vivre ensemble – survivants du génocide et génocidaires se réconcilient avec le passé

Avant le génocide rwandais, Mutiribambi Aziri et Jacqueline Mukamana habitaient dans des maisons voisines dans la ville de Nyamata, au sud de Kigali, la capitale. Mais pendant les 100 jours de massacre, qui ont commencé en avril 1994, Mme Mukamana, jeune élève tutsie, et M. Aziri, paysan hutu, se sont retrouvés dans des camps opposés tandis que 800 000 Tutsis et Hutus modérés étaient massacrés par des miliciens hutus, baptisés Interahamwe, et des citoyens rwandais ordinaires.

Partie chercher de l’eau au puits du village, Mme Mukamana a découvert à son retour que toute sa famille avait été massacrée par les voisins. Elle s’est cachée dans la brousse, puis s’est enfuie à pied vers le Burundi voisin.

M. Aziri, quant à lui, a fait partie de ces nombreux Rwandais qui se sont laissés emporter par la folie meurtrière des extrémistes hutus du gouvernement rwandais de l’époque. Certes, il n’a pas participé au massacre des membres de la famille de Mme Mukamana, mais il a admis avoir tué à la machette certains des voisins de la jeune fille.

Plus de 13 années plus tard, Mme Mukamana et M. Aziri sont voisins de nouveau, discutent en marchant le long des routes poussiéreuses du village et assistent ensemble aux offices religieux de leur paroisse.

« Nous nous aidons mutuellement », a expliqué à IRIN M. Aziri. « Lorsqu’un membre d’une famille est malade, on lui rend visite ». Le plus important, a-t-il, c’est que « nos enfants sont amis ».

Les quelque 40 familles vivant à Imidugudo (« le village de la réconciliation »), à Nyamata, 30 kilomètres au sud de Kigali, la capitale, participent à une expérience qui réunit des survivants du génocide et des génocidaires repentis au sein de la même communauté, dans de petites maisons aux toits de tôle ondulée, qu’ils ont construites eux-mêmes.

Ce village a été imaginé par Steven Gahigi, un pasteur anglican qui a survécu au génocide en s’enfuyant avec sa femme et ses deux enfants au Burundi. Sa mère, son père, et ses frères et sœurs ont tous été tués et le pasteur Gahigi pensait avoir perdu sa capacité à pardonner.

« J’ai prié jusqu’au jour où j’ai vu une image de Jésus-Christ sur la croix », a expliqué le pasteur. « J’ai pensé à la manière dont il a accordé le pardon et je me suis dit que les autres et moi-même pouvions faire de même ».

Inspiré par cette vision, le pasteur Gahigi s’est mis à prêcher le pardon non seulement dans la paroisse de Nyamata, mais aussi dans les prisons surpeuplées où des centaines de milliers de génocidaires attendaient leur jugement.

Rechercher le pardon

En 2003, face à la surpopulation des prisons et à la pénurie de juges compétents, le gouvernement rwandais a commencé à remettre en liberté provisoire les auteurs présumés de crimes ayant joué un rôle mineur dans le génocide, ainsi que les malades, les personnes âgées et celles qui étaient mineures au moment des faits.

Les personnes jugées devant les tribunaux traditionnels « gacaca » du Rwanda, où les juges sont des membres de la communauté, voyaient leur peine réduite de moitié s’ils reconnaissaient leur participation au génocide.

Aujourd’hui, le pasteur Gahigi est le conseiller spirituel de nombreux génocidaires et victimes du génocide qui, pour la plupart, sont de petits paysans, comme ils l’étaient avant le génocide.

Il n’est pas facile d’accorder le pardon, affirment certains habitants.

« Je ne pensais pas pouvoir pardonner », a dit Mme Mukamana, « jusqu’au jour où j’ai entendu le message du pasteur ». Aujourd’hui, elle a beaucoup d’affection pour le vieux Aziri, qui lui rend souvent visite pour bavarder.

Les habitants disent puiser leur capacité à pardonner dans la foi chrétienne.

« Ces gens ont tué mes parents », a confié Janet Mukabyagaju à IRIN. « Il n’est pas facile pour moi de les pardonner. Mais Dieu a pardonné. Je dois faire de même ».

Grâce aux financements de la Prison Fellowship International, une organisation chrétienne à but non-lucratif, les survivants et les auteurs du génocide ont accepté de vivre ensemble en harmonie. Les membres fondateurs de la communauté ont choisi par vote les familles autorisées à vivre à Imidugudo – une pratique encore d’actualité.

Selon le pasteur Gahigi, ils choisissent généralement les familles qui sont les plus vulnérables, en raison de leur pauvreté ou de leurs problèmes de santé.

Réconciliation

S’il est vrai que le gouvernement rwandais actuel a renoncé à l’usage de toute référence ethnique et s’emploie plutôt à promouvoir la réconciliation, bon nombre de Rwandais pensent qu’il y a encore un fort sentiment de méfiance sous-jacente entre les survivants du génocide et les génocidaires.

Pour les habitants d’Imidugudo, même si les termes hutu et tutsi doivent être bannis de la société rwandaise, il ne faut pas pour autant en oublier le passé. Tous racontent à leurs enfants le rôle qu’ils ont joué dans le génocide.

« Le génocide a eu d’énormes conséquences aussi bien pour les génocidaires que pour les survivants », a expliqué à IRIN Xavier Namay, qui a reconnu sa participation au génocide. « Mes enfants doivent savoir ce que j’ai fait afin qu’ils puissent participer de manière positive à la reconstruction du pays ».

nk/sr/mw


This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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