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Ce n’est pas en niant l’existence du VIH/SIDA que l’épidémie disparaîtra

« C’est une maladie de gens sales qui font des choses sales », a lancé Mohammad Sohail, un jeune mécanicien de 18 ans, dont les connaissances sur le VIH sont de toute évidence très limitées, alors qu’il réparait une voiture, à l’extérieur de la gare routière de Pir Wadhai, l’une des plus importantes de la ville de Rawalpindi située près d’Islamabad, la capitale pakistanaise.

Son chef Sayid Ramazan, âgé de 26 ans et père de deux enfants, connaît encore moins de choses en matière de VIH/SIDA que le jeune Mohammad. « Je n’en ai jamais entendu parler », a-t-il confié en se grattant la tête.

De telles affirmations sont courantes dans la province de Punjab, où vivent près de 60 pour cent des 158 millions d’habitants que compte le pays, et elles rendent compte de l’ampleur du défi que doivent relever les acteurs de la lutte contre l’épidémie.

Evolution d’un faible taux de prévalence vers une épidémie concentrée

Le taux de prévalence du VIH au Pakistan s’établit à 0,1 pour cent, mais la situation évolue rapidement. En effet, selon les dernières estimations, l’épidémie touche principalement les consommateurs de drogues injectables et les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes – deux groupes à risques.

Le taux de prévalence augmente chez les quelque 150 000 consommateurs de drogues injectables du pays. Par exemple, à Karachi, une ville portuaire du sud du Pakistan, le taux est passé de 5 pour cent en 2002 à 27 pour cent en 2007. Même constat alarmant dans la ville de Sargodha, localisée à une centaine de kilomètres de la capitale, où 51 pour cent des consommateurs de drogues injectables sont désormais porteurs du virus.

Dans la société pakistanaise profondément conservative, les idées fausses sur le VIH ainsi que le tabou attaché aux groupes les plus à risques font que la plupart des cas ne sont pas recensés.

Depuis 1986, année au cours de laquelle le premier cas de séropositivité a été signalé à Karachi, 3 700 cas ont été officiellement reconnus sur l’ensemble du pays. Or, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (Onusida) estiment à environ 200 000 le nombre de personnes contaminées par le virus.

Selon la Banque mondiale, si certains cas ne sont pas recensés, c’est à cause de la stigmatisation sociale attachée à la maladie ainsi qu’au manque de suivi, de service de conseil et de dépistage volontaire et de connaissances parmi les médecins et le reste de la population.

Des résultats alarmants à Punjab

Fin avril, le Programme de contrôle du sida de Punjab a publié les résultats d’une enquête menée dans les huit districts de la province (Lahore, Sialkot, Rawalpindi, Gujrat, Gujranwala, Faisalabad, Bahawalpur et Multan). Ces résultats indiquent de 87 pour cent des personnes interrogées ont déjà entendu parler du VIH/SIDA.

Cependant, moins d’un pour cent d’entre elles savent que le VIH peut se transmettre en cas de blessures et de la mère à l’enfant. En outre, 62 pour cent des personnes interrogées n’ont jamais entendu parler des infections sexuellement transmissibles et encore moins de leurs modes de transmission et des mesures de prévention.

Bien que 26 pour cent des personnes ayant participé à l’enquête aient conscience des risques de contamination par le VIH liés aux comportements sexuels à risques, 23 pour cent seulement savent que l’utilisation de seringues usagées représente un risque. En outre, six pour cent des personnes interrogées seulement savent que le virus se transmet par les transfusions sanguines et à peine quatre pour cent d’entre elles savent que le préservatif est un moyen de prévention efficace contre le VIH/SIDA.

« Les résultats de l’enquête menée à Punjab rendent compte de la situation dans l’ensemble du pays », a prévenu Fawad Haider, point focal de l’Onusida, à Islamabad.

« Nous n’avons toujours pas été en mesure d’atteindre les vraies populations du Pakistan », a-t-il expliqué, en référence aux Pakistanais des régions rurales.

La plupart des campagnes de sensibilisation s’adressent aux responsables politiques et aux habitants des zones urbaines. « Nous nous adressons aux responsables politiques afin que ces derniers usent de leur position d’influence pour sensibiliser leurs électeurs qui, à leur tour, doivent pourvoir relayer l’information au niveau du district … et sensibiliser la population », a ajouté Fawad Haider.

Bien que la stratégie consistant à placer le gouvernement au premier rang des campagnes de sensibilisation médiatiques ait permis d’accomplir quelques progrès, elle n’a pas toujours fait ses preuves. En effet, le niveau de sensibilisation n’a pas progressé de manière satisfaisante et le gouvernement n’a toujours pas fait de la lutte contre le VIH/SIDA une priorité nationale.

Hina Rabbani Khar, la ministre de l’Economie et des Finances, a récemment minimisé l’ampleur de l’épidémie, rendant ainsi la promotion de la lutte contre le sida encore plus difficile.

Cependant, il y a des raisons de se montrer optimiste. En effet, le gouvernement espère modifier radicalement les comportements chez les groupes les plus à risques, à savoir les travailleuses du sexe, les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes et les « hijras » ou eunuques, ces hommes qui ont été castrés pour vivre en femmes.

Selon les nouveaux objectifs nationaux fixés pour l’accès universel d’ici les trois prochaines années, le gouvernement souhaite s’adresser à 25 pour cent des membres de chacun de ces groupes en 2007, et à 60 pour cent d’entre eux en 2010.
« Je pense que nous pouvons même dépasser ces objectifs », a déclaré le docteur Nasir Sarfraz, directeur de programme adjoint auprès du Programme de contrôle du sida.

Une question de ressources

Pour Akbar Babar, un conseiller privé qui a dirigé l’enquête à Punjab, le message véhiculé par les résultats de l’enquête est clair : davantage de ressources sont nécessaires afin d’améliorer la sensibilisation au niveau national.

« Nous savons tous que les campagnes de sensibilisation coûtent cher, les médias électroniques sont onéreux, mais compte tenu du manque cruel de connaissances dont fait preuve la population en matière de VIH/SIDA et de modes de transmission du virus, les responsables politiques doivent réaliser qu’ils doivent allouer davantage de [ressources] pour permettre aux médias de travailler plus intensément [à la sensibilisation de la population] », a-t-il dit, en appelant plus précisément à une augmentation sensible des allocations versées à la télévision.

« La seule solution consiste à sensibiliser le plus de personnes possible », a conclu M. Haider de l’Onusida. « En sensibilisant davantage de gens aux différents modes de transmission du virus, la réalité de l’épidémie sera mieux comprise et les tabous, la stigmatisation et la discrimination associés au virus s’estomperont ».

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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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