Kadidiatou Korsaga, directrice de la promotion de l’éducation des filles au Burkina Faso, est désespérée lorsqu’on l’interroge sur la jeune adolescente de 15 ans enlevée récemment pour être mariée de force à un homme plus âgé, alors qu’elle se trouvait dans une salle de classe.
« Si cela se produit à Koudougou, qui est une zone urbaine, imaginez un peu ce qu’il se passe dans les régions où il n’y a aucune structure administrative, aucune école ni centre de santé », a déploré Mme Korsaga, depuis son bureau situé au ministère de l’Education de base et de l’Alphabétisation, à Ouagadougou, la capitale.
L’affaire de Koudougou, qui a fait la une des journaux burkinabés en début d’année, a connu un heureux dénouement. En effet, la police est parvenue à libérer la jeune fille, dont le nom n’a pas été révélé, après que cette dernière a envoyé des SMS à ses amis et professeurs pour obtenir de l’aide.
Pour des milliers d’autres filles burkinabés, être enlevée de ses parents pour être mariée de force n’est pas synonyme d’avenir radieux.
Selon les chiffres avancés par le gouvernement, 55 pour cent des filles sont désormais scolarisées à l’échelle nationale, mais seulement entre 11 et 19 pour cent des filles vont à l’école dans l’est et le nord du pays. Bien qu’il s’agisse d’un des taux les plus bas au monde, une forte progression a été enregistrée depuis 2000, où seulement 38 pour cent des jeunes filles étaient alors scolarisées.
Les filles non scolarisées sont en règle générale mariées, en échange d’une dot, alors qu’elles n’ont que 11 ou 12 ans, ou lorsqu’elles entrent dans la puberté. La plupart de ces filles ne savent ni lire, ni écrire, et leur vie se résume à servir leur mari, à chercher de l’eau, à s’occuper des tâches ménagères et à élever de nombreux enfants.
La fistule obstétricale, une lésion vaginale, à la suite de laquelle les femmes deviennent incontinentes et sont parfois rejetées de leur communauté, est souvent causée par des grossesses précoces. Selon les organismes humanitaires et les spécialistes du gouvernement, la scolarisation des jeunes filles est la clé de l’amélioration de productivité dans la région extrêmement pauvre du Sahel et elle permet de réduire les forts taux de natalité et de mortalité infantile enregistrés dans la région.
Amina Elizabeth Ouedraogo, coordonnatrice du Comité international pour l’éducation des filles et des femmes en Afrique, brosse un tableau sombre des mesures entreprises par le gouvernement afin de juguler le mariage précoce et la sous-scolarisation dans les zones reculées de l’est du Burkina Faso.
Amina Elizabeth Ouedraogo a expliqué que le gouvernement s’était engagé, l’année dernière, à distribuer gratuitement des manuels scolaires, à supprimer les frais de scolarité et à ouvrir des écoles dans les villages. Cependant, lorsque des dizaines de nouveaux enfants ont voulu se faire scolariser, leurs parents les en ont vite empêchés après avoir appris que les élèves seraient entassés dans des cases de paille, petites et sales et que les enseignants et les ressources feraient défaut.
« Les promesses doivent s’accompagner d’infrastructures, sinon les parents abandonnent tout simplement », a-t-elle conclu.
Selon Issa Barry, qui enseigne dans l’une des écoles de la ville de Dori, dans l’est du pays, les graves problèmes économiques que connaît la région contraignent les parents à retirer les enfants des écoles.
« Envoyer les filles à l’école est toujours un problème pour les familles vivant dans la misère », a-t-elle indiqué. « Pour elles, marier les filles le plus tôt possible devient une nécessité d’ordre économique », a-t-elle poursuivi.
Pour Zalikatou Traoré, responsable de l’amélioration de l’éducation des filles dans la province de Séno, où la ville de Dori est située, si les filles connaissent une vie si difficile, c’est à cause de la culture burkinabé.
« Les parents sont la cible de railleries quand ils envoient leurs filles à l’école alors que d’autres filles du même âge sont mariées et par conséquent ils renoncent », a déclaré Zalikatou Traoré.
Cependant, pour Soeur Monique Bonamy, une missionnaire française, qui gère une école élémentaire à Dori depuis 30 ans, la solution est d’inciter davantage les parents à scolariser leurs enfants.
« Les gens ont tout simplement peur que les méthodes pédagogiques étrangères leur fassent perdre leurs valeurs. L’enseignement doit être intégré au mode de vie de la population par le biais d’écoles satellites ou bilingues plus adaptées à leur milieu », a-t-elle dit.
Kadidiatou Korsaga du ministère de la Santé a déclaré que l’ensemble du système éducatif devait tirer des leçons de l’affaire du mariage forcé de l’adolescente de 15 ans de Koudougou, et ce peu importe les problèmes et les solutions.
« Il s’agit d’un appel à plus de vigilance », a-t-elle dit. « Nous devons aller là où nous ne sommes jamais allés et évaluer la mise en place des politiques de promotion de l’éducation et de l’emploi des filles », a-t-elle conclu.
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