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Une poignée de soignants pour une multitude de patients

«Sans rien dans l’estomac à part des comprimés» depuis une quinzaine d’heures, Teófilo Afonso, militaire à la retraite, arrive à l’hôpital de district de Vilanculos, dans la province d’Inhambane, sur la côte sud-est du Mozambique, pour recevoir son traitement contre le VIH/SIDA.

Teófilo Afonso sait qu’il doit se tenir prêt à patienter encore cinq heures avant d’être pris en charge: l’hôpital ne compte que deux médecins pour couvrir la population de Vilanculos, Mabote, Govuro et Inhassoro, quatre des 14 districts de cette province touristique qui compte au total quelque 1,3 million d’habitants.

A l’hôpital central de Maputo, la capitale, la situation n’est guère différente : selon un infirmier, à cause du sida, «nous sommes surchargés et exténués». Pour accomplir le travail qu’il fait seul au laboratoire d’analyses médicales, il faudrait au moins cinq personnes.

«Nous ne pouvons pas fournir un meilleur traitement car nous sommes sous pression et nous n’avons pas assez de personnel pour faire face à l’afflux des malades», a dit cet infirmier à IRIN/PlusNews.

A 30 mètres du laboratoire, l’hôpital de jour, spécialisé dans le traitement du VIH/SIDA, devait se débrouiller l’an dernier avec un médecin à plein temps, quatre médecins à temps partiel et 10 infirmiers pour traiter 2 900 patients.

Il manque de l’équipement nécessaire pour déterminer la charge virale et les médicaments pour traiter la maladie de Kaposi, liée au sida. De plus, les dossiers des 13 000 patients suivis par la structure sont traités manuellement.

La situation à Vilanculos et à Maputo reflète les conditions du service public de santé au Mozambique, où le manque de ressources humaines empêche une meilleure réponse au VIH/SIDA.

Avec un taux de séroprévalence de 16,2 pour cent, le Mozambique compte 650 médecins et 4 200 infirmiers pour traiter 19,8 millions d’habitants. La proportion est d’un médecin pour 30 800 personnes, tandis que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un médecin pour chaque tranche de 5 à 10 000 habitants.

«Il y a un déficit de personnel qualifié dans tous les secteurs, mais dans le secteur de la santé le manque est flagrant», a dit Josué Lima, directeur du bureau national du Centre international de programmes pour le soin et traitement du sida de l’Université de Columbia, aux Etats-Unis.

Cet avis est partagé par les organisations non-gouvernementales Communauté Santo Egídio et Médecins sans frontières-Suisse, les deux plus grands fournisseurs de traitement antirétroviral (ARV) du pays auprès du gouvernement.

Le manque de personnel qualifié rend difficile l’expansion du traitement ARV, a dit la présidente de MSF-Suisse, Isabelle Segui-Bitz, lors de sa visite à Maputo à la fin 2006.

Stress et surcharge de travail

Dans plusieurs postes de santé, infirmières et personnel paramédical font les diagnostics du VIH/SIDA et prodiguent les traitements. Quatre-vingts pour cent des médicaments ne sont pas dispensés par des pharmaciens, et les infirmiers «ont une immense surcharge de travail et de stress», selon un rapport de l’Onusida, de 2006.

La situation se dégrade à mesure que l’on s’éloigne de la capitale. En effet, dans la province centrale de Tete, le gestionnaire du VIH/SIDA du Département provincial de santé, João Fortuna, a affirmé que «les chambres et les lits de nos hôpitaux [sont] surchargés, nous n’arrivons pas à traiter tous les malades».

A l’hôpital de jour de Tete, tous les médecins, techniciens et infirmiers doivent faire des heures supplémentaires pour faire face au grand nombre de patients, a souligné M. Fortuna.

«Nous ne pouvons pas fermer les portes quand il y a des patients qui attendent encore», a-t-il expliqué.

La province doit se débrouiller avec 20 médecins, 27 techniciens de laboratoire et 75 infirmiers, alors qu’il faudrait au mois 35 médecins, 50 techniciens et 150 infirmiers, selon le docteur Azélia Ernesto Novela, spécialiste en grandes endémies du Département provincial de santé. «Chaque district devrait avoir au moins deux médecins», a-t-elle évalué.

Le Rapport sur la santé mondiale 2006 de l’OMS identifie les mauvaises conditions de travail comme génératrices de «baisse de moral, épuisement et absentéisme» parmi le personnel de santé.

En plus de porter ce lourd fardeau, les professionnels de la santé sont eux aussi victimes de la maladie.

En effet, selon une étude effectuée en 2002 par le MISAU (Ministère de la santé), environ 17 pour cent des fonctionnaires du système national de santé, soit 2 554 personnes, étaient déjà séropositifs ; 59 pour cent étaient des hommes, et 41 pour cent, des femmes.

«Le sida va encore nous faire perdre beaucoup de personnel dans ce secteur», a dit à IRIN/PlusNews le docteur Alfredo Mac-Arghur Júnior, chef du département d’épidémiologie et d’endémies au MISAU.

Selon le rapport global 2006 de l’OMS, publié en novembre dernier, le problème est grave en Afrique australe, où «le nombre de décès dus au sida est plus grand à cause de la perte du personnel travaillant dans le secteur».

Entre 1999 et 2005, le Botswana a perdu 17 pour cent des professionnels de la santé à cause du sida. En Zambie, le taux de mortalité parmi les infirmières dans deux des principaux hôpitaux du pays est passé de deux pour mille en 1980, à 26,7 pour mille en 1991. Au Lesotho et au Malawi, la mort est la principale cause de perte du personnel de santé.

L’OMS recommande la mise en place de programmes de prévention et de traitement antirétroviral destinés aux professionnels de la santé et la minimisation des risques d’infection par le VIH dans les locaux de travail moyennant un équipement de protection et des kits prophylactiques post-exposition.

Des solutions d’urgence pour palier le manque de professionnels

La formation de nouveaux professionnels n’est pas suffisante pour compenser la perte du personnel due au sida, ni pour faire face à la demande croissante de personnel soignant.

Selon le docteur Mac-Arthur Júnior, l’état des infrastructures des écoles, détruites ou mal entretenues durant la guerre civile qui a duré jusqu’en 1992, empêche la formation d’un plus grand nombre de professionnels de la santé ; de plus, les 11 institutions qui forment des techniciens en médecine ont déjà atteint leur capacité maximale.

Il existe seulement deux facultés de médecine au Mozambique. La plus ancienne, l’Université Eduardo Mondlane, forme moins de 50 médecins chaque année. La plus récente, ouverte il y a quelques années dans la ville côtière de Beira, dans le centre du pays, n’a pas encore formé sa première promotion d’étudiants.

Une autre stratégie adoptée pour palier au problème est la réduction de la durée de la formation de sept à six ans.

«Nous sommes toutefois conscients du fait que le personnel formé ne sera pas suffisant ; les candidatures pour le recrutement des nouveaux diplômés sont ouvertes, bien que les salaires ne soient pas attractifs», a commenté le docteur Mac-Arthur Júnior.

Un médecin gagne 12 000 meticais (480 dollars) et un infirmier, 6 000 meticais (240 dollars).

«C’est mal payé, et cela dissuade les jeunes de devenir médecins ou infirmiers. Le gouvernement doit rendre plus attractifs les secteurs de la santé et de l’éducation», a dit l’infirmier de l’hôpital de Maputo.

Les pays riches offrent de meilleures opportunités. Selon le rapport de l’OMS, 22 médecins mozambicains, l’équivalent de quatre pour cent du total de médecins du pays, travaillent dans des pays qui figurent parmi les plus riches du monde: L’Australie, le Canada, la Finlande, la France, l’Allemagne, le Portugal et les Etats-Unis.

Pour palier le manque de professionnels de la santé, les organisations contre le sida au Mozambique créent des solutions alternatives.

MSF-Suisse, par exemple, entraîne des membres de la communauté à transporter des patients et à aider dans les infirmeries, a raconté le docteur Alex Nguinfack, de l’hôpital de Alto Maré, coordinateur du programme MSF-Suisse. «Le but final est de les former à distribuer les ARV», a-t-il dit.

Dans le même hôpital, l’association Kudumba, qui compte environ 50 membres séropositifs, se réunit tous les vendredis pour discuter de la meilleure façon d’aider à la prévention dans le quartier.

«Nous avons déjà acheminé plusieurs patients à l’hôpital», a dit Souza Shilaule, membre fondateur de l’association Kudumba.

A Machava, dans les environs de Maputo, la Communauté Santo Egídio mise sur les activistes locaux, selon sa coordinatrice, Susanne Ceffa.

A Tete, afin de libérer les lits pour les patients les plus gravement atteints, ceux considérés comme moins graves quittent l’hôpital pour continuer le traitement à domicile, explique le docteur Novela.

Ces initiatives correspondent aux recommandations du rapport de l’OMS, à savoir, déléguer des tâches au personnel mois spécialisé et inclure les patients et la communauté dans le traitement antirétroviral. Il n’y a pas d’autres moyens.

Lire aussi:
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This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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