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« Le terrorisme sexuel », vecteur de propagation du VIH dans le Sud Kivu

[DRC] "When one was finished the next would start." Georgina Cranston/IRIN
Une victime de viol. La violence sexuelle était utilisée comme une arme de terreur
En 2004, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait à 25 000 le nombre de personnes ayant survécu aux violences sexuelles commises dans le Sud Kivu, la province orientale de la République démocratique du Congo (RDC), mais ce nombre est bien en deçà de la réalité, selon certaines organisations d’aide aux victimes de ces sévices.

«Je suis certaine que dans cette province plus de 100 000 femmes ont été victimes de viol», a affirmé Christine Schuler-Deschryver de la Coopération technique allemande (GTZ).

Pendant la guerre, Christine Schuler-Deschryver était basée à Bukavu, la capitale provinciale, et a recensé plus de 14 000 cas de viol.

Pendant dix années, les populations de la province du Sud Kivu ont été les victimes d’une violence injustifiée commise au cours de combats entre les groupes rebelles étrangers et certaines milices congolaises.

Et parmi ces groupes rebelles figurent les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), composées essentiellement de miliciens hutus rwandais ayant fui leur pays après le génocide de 1994. Beaucoup de Congolais accusent ces derniers d’être responsables de l’introduction du virus du sida en RDC.

«Ce sont les Interahamwe [génocidaires hutus rwandais] qui ont apporté le sida», a déclaré Honorata Zakumwilo, une Congolaise âgée de 54 ans qui a été violée et torturée pendant 14 mois par la milice Interahamwe.

«Ils réclamaient à manger, ils ne voulaient pas de la nourriture, mais des femmes», a-t-elle ajouté.

Les atrocités sexuelles et l’humiliation dont a été victime Honorata Zakumwilo sont difficiles à comprendre.

«Nous étions des esclaves sexuelles, le viol ne leur suffisait pas », a-t-elle confié.

Il n’existe aucune statistique précise sur le nombre de victimes de sévices sexuels. En effet, un sentiment accablant de honte et de culpabilité a contraint certaines femmes à cacher les violences dont elles ont été l’objet. Et en raison de l’instabilité qui règne dans certaines parties de la province, les femmes craignent des représailles.

Si les miliciens ont systématiquement eu recours à la violence sexuelle dans toute la province orientale du pays, ce n’est absolument pas pour satisfaire leurs besoins sexuels, a souligné Christine Schuler-Deschryver.

«Les gens ne se rendent pas compte que les rebelles utilisent le viol comme une arme de destruction. C’est du terrorisme sexuel», a-t-elle précisé.

La GTZ soutient le Comité de Rayon d’Action Femme (CRAF), une organisation non gouvernementale locale, et donne des conseils aux femmes violées qui hésitent à recevoir une aide médicale alors qu’elles souffrent psychologiquement et qu’elles ont peut-être contracté des maladies sexuellement transmissibles.

A en croire Aldegonde Kyakim, directrice de projet auprès du CRAF, la hausse du nombre de personnes séropositives dans la région était une conséquence directe de ces actes de viol.

«D’après les résultats des tests sanguins des victimes de violence sexuelle, le taux de prévalence du VIH/SIDA oscille entre cinq et 15 pour cent», a déclaré Aldegonde Kyakim.

Selon elle, ces chiffres varient en fonction de la zone géographique et des groupes armés présents sur le terrain.

«Le taux de prévalence du VIH/SIDA le plus élevé, soit 15 pour cent, a été enregistré parmi les femmes violées par les miliciens des FNL [Forces nationales de libération] du Burundi voisin. Chez les femmes victimes des violences sexuelles commises par les miliciens Interhamwe, le taux de prévalence s’établit entre 10 et 12 pour cent», a-t-elle précisé.

En 2005, le taux de prévalence du VIH/SIDA au sein de la population rurale du Sud Kivu s’établissait à 4,5 pour cent, d'après les statistiques officielles du Programme national de lutte contre le sida (PNLS).

Le conflit a directement contribué à la propagation de l’épidémie dans le Sud Kivu, a affirmé le docteur Rebecca Adlington, responsable médical et spécialiste du VIH/SIDA auprès de Médecins Sans Frontières (MSF), à Bukavu.

«Dans le territoire d’Uvira du Sud Kivu, le taux de prévalence du VIH parmi les donneurs de sang est passé de cinq pour cent en 1994 à 12 pour cent en 1998. Il faut se demander pourquoi », a souligné le docteur Adlington.

« Ces donneurs ne représentaient pas un échantillon de personnes qui se considéraient à risques. C'étaient, pour la plupart, des parents de patients qui avaient besoin d’une transfusion sanguine. Personne d’autre que les militaires et les groupes armés ne pouvait donc être à l’origine de la propagation du virus », a-t-elle poursuivi.

Les femmes ayant besoin d’une aide médicale pour soigner les blessures causées par le viol, ou celles soutenues par des organisations comme le CRAF, sont orientées vers l’hôpital général de Panzi, situé à l’extérieur de Bukavu.

Lorsqu’elles arrivent à l’hôpital, beaucoup de femmes sont suicidaires, a fait savoir le docteur Cécile Kamwanya, responsable du programme de soutien psychologique de l’hôpital.

«Rejetées par leur famille et leur communauté, ces femmes ont la sensation d’avoir commis une faute. Elles sont inutiles pour leur famille. A leurs yeux, la vie ne vaut plus la peine d’être vécue», a-t-elle ajouté.

Tous les mois, l’hôpital de Panzi prend en charge une centaine de femmes dont l’état de santé requiert une intervention chirurgicale reconstructrice. Chaque femme qui franchit les portes de l’hôpital reçoit une assistance psychologique et un test de dépistage du VIH lui est proposé.

«Elles acceptent presque toutes [de subir un test de dépistage]. C’est parfois même la première chose qu’elles demandent lorsqu’elles arrivent dans nos services», a-t-elle poursuivi.

La guerre a détruit les services sanitaires du Sud Kivu et a empêché les organisations locales et internationales de mener des programmes de sensibilisation au VIH/SIDA dans les zones rurales.

Des dizaines de milliers de personnes ayant survécu aux violences sexuelles continuent de vivre sans avoir conscience des risques d’infection et elles n’ont pas accès aux programmes de soins et de traitement disponibles à Bukavu et dans les localités avoisinantes.

Plus le gouvernement tardera à réhabiliter et à rendre performants les services de santé de la province du Sud Kivu, plus le VIH se propagera au sein des communautés, ont averti les travailleurs sanitaires.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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