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Les détenus dénoncent l'insalubrité, les maladies et la violence dans les prisons congolaises

[Congo] Outside the central prision in Brazzaville. [Date picture taken: April 2006] Andrew ITOUA/IRIN
La maison d'arrêt de Brazzaville, la prison centrale du Congo
Derrière les murs lézardés et décrépis de la maison d’arrêt de Brazzaville, la capitale de la République du Congo, les détenus vivent à dix ou douze dans des cellules exiguës prévues pour n’en loger que quatre. Et dans cet espace nauséabonde, dépourvu d’eau potable et de toilettes, les effets personnels des prisonniers sont posés à même le sol ou accrochés à des clous plantés dans le mur.

« Dans cette maison d’arrêt, on est confrontés à de sérieux problèmes. La ration alimentaire quotidienne est très maigre et pauvre et nous vivons dans de conditions d’insalubrité difficiles à supporter », affirme Clive Obambi, un condamné récidiviste.

En outre, en raison de la lenteur des procédures judiciaires, un prévenu peut passer plus de huit mois en détention provisoire avant de passer en jugement.

Les conditions de détention sont similaires dans les six autres prisons du pays et dans les nombreuses cellules des commissariats de police. Selon les autorités, la population carcérale, bien que variable, est estimée aujourd’hui à 900 détenus, dont près de 400 à Brazzaville.

Joël NGAMBOUMA, 36 ans, avoue avoir été incarcéré l’an dernier pendant quatre jours au commissariat de police de Talangaï pour une affaire d’escroquerie.

« Vous dormez à même le sol dans le noir. Vous urinez sur place et faites des selles là même dans une espèce de récipient en plastique placé pour la circonstance ».

« Par ailleurs, hormis les odeurs qu’on doit supporter, il faut se battre sans arrêt contre les punaises », a-t-il ajouté.

Alphonse Dinard MOUBANGAT, procureur de la république près le Tribunal de Brazzaville, est du même avis que Joël NGAMBOUMA.

« Les maisons d’arrêt au Congo sont vétustes et ne répondent plus aux normes internationales en vigueur en matière de détention », a-t-il reconnu.

Construite dans les années 1960 pour abriter une centaine de détenus au maximum, la prison centrale de Brazzaville en accueille aujourd’hui quatre fois plus.

Violence et problèmes de santé en milieu carcéral

La surpopulation et l’absence d’hygiène sont les principales causes de la violence et des problèmes de santé en milieu carcéral. Bien qu’il n’existe aucune statistique, les cas de viol et de maladies sexuellement transmissibles sont fréquents parmi les prisonniers et les autorités pénitentiaires ne disposent pas des moyens appropriés pour prévenir ces incidents ou ces violences, ou pour soigner les détenus blessés ou malades.

« Dans les prisons, l’homosexualité, bien qu’illégale et mal considérée par la société congolaise, est une réalité », a dit Martin INANA, administrateur du programme VIH/SIDA du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) à Brazzaville. «Les adolescents sont des proies sexuelles dans les prisons, des pratiques comme la sodomie et le viol sont courantes ».

Cette violence toucherait tous les lieux de détention, y compris les cellules de certains commissariats de police. Ainsi, un jeune homme a déclaré, sous couvert d’anonymat, avoir été « sodomisé de force par trois co-détenus des heures durant au commissariat central de Brazzaville ».

Et ces conditions de détention peuvent encore être plus déplorables pour les femmes. Loamba Moke, président de l’Association pour les droits de l’homme et l’univers carcéral (Adhuc), a cité l’exemple d’une femme accusée de meurtre et incarcérée à la maison d’arrêt de Djambala, chef-lieu du département des Plateaux, dans le nord du pays.

Emprisonnée pendant trois jours avec les détenus hommes par manque d’espace, cette femme a subi un viol collectif, selon l’Adhuc.

En l’absence d’études documentées, il est difficile de cerner précisément l’étendue de ce phénomène, mais les nombreux témoignages d’anciens détenus semblent confirmer que ces pratiques sont courantes.

« On peut dire sans risque de se tromper que la situation va en s’aggravant», a déploré M. Moke.

Ces conditions de détention favorisent également la propagation de la tuberculose - maladie très contagieuse et première infection opportuniste liée au VIH -, ont constaté les officiels et les organisations qui interviennent dans les prisons.

« Dans des petites cellules, 10 à 12 personnes cohabitent, les pièces ne sont pas aérées et n’ont pas de fenêtres », a confirmé un ancien détenu, qui se fait appeler général Giap. «Que certains soient en train de tousser sans arrêt ou aient de la fièvre... ne préoccupe personne ».

La question de la malnutrition, déjà critique pour un détenu en bonne santé, devient cruciale pour les prisonniers vivant avec le VIH : une bonne alimentation est essentielle pour aider les organismes affaiblis à mieux lutter contre le virus.

Deux fois par jour, les détenus ont des repas à base de riz, de boîte de conserves ou de poissons salés. Ils ne consomment que rarement de la viande ou du poisson frais.

En cas d’infection au VIH ou de maladie, seuls les prisonniers autorisés à sortir dans la journée et soutenus financièrement par leur proches peuvent avoir accès à des médicaments. Toutefois, selon les associations d’aide aux prisonniers atteints du VIH/SIDA, les détenus malades sont conduits à l’hôpital lorsque leur cas est désespéré, et souvent il est trop tard pour les sauver.

Les autorités ne publient aucun chiffre sur les décès en prison, mais selon certains rapports, le nombre de morts parmi les prisonniers hospitalisés serait élevé.

Inquiet à l’idée de perdre tout contrôle sur l’épidémie dans un pays où le taux de prévalence du VIH est estimé à 4,2 pour cent de la population, le gouvernement a amorcé depuis quelques mois des programmes de prévention du VIH dans la prison de Brazzaville, a expliqué Cyrille Louya, de l’unité VIH/SIDA du ministère de la Justice et des Droits humains.

Dans un premier temps, a précisé M. Louya, il s’agit de sensibiliser les détenus et le personnel pénitentiaire aux différents modes de transmission du VIH et de la tuberculose.

L’objectif sera ensuite d’identifier progressivement les détenus séropositifs et de leur donner accès à un traitement antirétroviral (ARV).

Les détenus se révoltent

Récemment, cette sous-nutrition a poussé des prisonniers affamés de la maison d’arrêt de Brazzaville à se révolter et à prendre en otage le régisseur de l’établissement, une crise qui a été réglée par l’intervention en urgence du ministère de la Justice et des Droits humains.

Presque tous les secteurs de l’économie congolaise sont touchés par les graves problèmes financiers du pays et le budget mensuel prévu pour nourrir les détenus n’est que de 12 millions de francs CFA (23 000 dollars américains).

Pour Jean Ibela Ibel, directeur général de l’administration pénitentiaire, ce montant est largement inférieur aux besoins.

« On attend parfois trois mois sans recevoir un seul sou, et nous sommes obligés de nous endetter. Quand on nous donne enfin l’argent, c’est souvent la moitié [de la somme prévue] ou moins».

C’est pour cette raison que M. Ibela Ibel a récemment lancé un appel à la société civile afin qu’elle vienne en aide au milieu carcéral congolais, puisque l’Etat est incapable d’améliorer la situation.

Pour remédier au problème de surpopulation carcérale, le gouvernement projette dans un proche avenir de construire de nouvelles prisons dans les départements de la Lékoumou, (sud-ouest), de la Cuvette et de la Cuvette-Ouest.

Mais pour les détenus qui croupissent dans les prisons congolaises, ces projets ne changeront pas grand-chose à leur quotidien.

« Je souhaiterais dire aux autorités qu’elles ont l’obligation de traiter les personnes privées de liberté avec dignité et de respecter les droits élémentaires des détenus », a affirmé Obambi.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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