Le Premier ministre Charles Konan Banny a annoncé mercredi la composition d’une équipe gouvernementale restreinte de 32 membres comprenant des représentants du parti au pouvoir, des forces rebelles et de l’opposition politique.
« J’ai également souhaité que les Ivoiriens se reconnaissent dans leur gouvernement », a déclaré à la presse M. Banny après la composition de son cabinet.
« Ce gouvernement est un gouvernement de mission. La mission elle est importante ; elle est essentielle. Nous devons éliminer toutes les armes de notre territoire, réunifier le pays et procéder à l’identification de la population …Nous devons apprendre à résoudre nos problèmes ».
Les protagonistes de la crise ivoirienne n’ont pas respecté toutes les dispositions de l’accord de paix de Linas-Marcoussis signé en janvier 2003, notamment le désarmement des forces rebelles et des milices pro-gouvernementales, et le règlement du délicat problème de la citoyenneté. En conséquence, les élections prévues le 30 octobre ont dû être annulées.
Les différents médiateurs internationaux ont déploré l’intransigeance des factions rivales et souligné leur manque de volonté politique à mettre fin à cette situation de « ni paix ni guerre » dans un pays divisé entre une région nord, occupée par les forces rebelles, et une région sud, contrôlée par le gouvernement.
Dans la nouvelle équipe gouvernementale, le ministère de Reconstruction et de la Réinsertion a été confié au leader des Forces nouvelles, Guillaume Soro, qui occupe ainsi le deuxième portefeuille, par ordre d’importance, après celui du Premier ministre.
Selon certains observateurs, la mission de M. Soro inclura probablement le désarmement et le redéploiement de l’administration gouvernementale sur l’ensemble du territoire occupé par les rebelles.
M. Soro avait précédemment revendiqué le poste de Premier ministre mais, à en croire Sidiki Konaté, le porte-parole de la Forces nouvelles, ce compromis satisfait le mouvement rebelle.
« Le gouvernement est une réalité et nous n’avons pas d’objection. Nous attendons de voir comment les choses vont se passer », a expliqué M. Konaté.
Il a fallu trois semaines à M. Banny pour constituer son équipe. Selon des sources proches du gouvernement, ce retard est dû en grande partie au refus du président Laurent Gbagbo de lâcher le portefeuille du ministère des Finances, détenu auparavant par un de ses proches alliés, Antoine Bohoun Bouabré.
Dans le nouveau cabinet, ce poste sera occupé par le Premier ministre, M. Banny –- ancien gouverneur de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’ouest (BCEAO) –- même si Charles Koffi Diby, l’ancien directeur du trésor, sera chargé de la gestion quotidienne du ministère.
M. Bouabré occupe désormais le poste de ministre d’Etat, Ministre du Plan et du Développement.
Les autres portefeuilles ministériels ont été attribués aux principaux signataires des accords de Marcoussis et à des technocrates peu connus du grand public, mais proches alliés de M. Banny.
Le Ministère de la Défense - donc le contrôle de l’armée ivoirienne - a été attribué au magistrat Aphing René Kouassi et le ministère de l’Intérieur a été confié à Dja Joseph Ble.
Composée de 32 membres – neuf de moins par rapport au précédent gouvernement de réconciliation nationale de la Côte d’Ivoire -, la répartition des portefeuilles ministériels respecte un juste équilibre des forces politiques en présence.
Le Rassemblement des républicains (RDR) et le Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI), deux partis de l’opposition, disposent de cinq ministères chacun, sept ministères ont été attribués au Front populaire ivoirien (FPI) et six aux Forces nouvelles.
M. Gbagbo a signé le décret présidentiel installant la nouvelle équipe gouvernementale, mais certains militants du FPI ont manifesté leur mécontentement à propos de la répartition des portefeuilles. Des centaines de jeunes sont ainsi descendus mercredi dans les rues de Yopougon, un quartier d’Abidjan, la capitale, pour exprimer leur désapprobation, et ont bloqué la circulation en incendiant des pneus.
Le chef d’état major des armées, le Général Philippe Mangou, et Charles Blé Goudé, chef de file des Jeunes patriotes, des militants pro-FPI, sont intervenus à la télévision nationale pour lancer un appel au calme.
Des éléments des forces armées ont été dépêchés sur les lieux pour disperser les manifestants.
M. Banny et sa nouvelle équipe disposent désormais d’à peine 10 mois pour mettre en œuvre la feuille de route du Conseil de sécurité et pour organiser les élections avant octobre 2006, période à laquelle expire le mandat du gouvernement de transition.
Mais pour certains observateurs politiques, si l’équipe de M. Banny constitue une solution de sortie de crise, le délai de dix mois dont elle dispose peut s’avérer trop court.
« Le nouveau gouvernement reflète bien l’équilibre du pouvoir en Côte d’Ivoire », a indiqué Hamed N’Cho. « La répartition des postes ministériels doit permettre à toutes les parties prenantes de trouver une solution à la crise ».
« [Mais] nous ne disposons que dix mois pour cela. Peut-être qu’il faut déjà penser à prolonger la période de transition ».
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