« Le calme est encore précaire dans la région. Nous réexaminerons les conditions d’application du couvre-feu en fonction de la situation sécuritaire sur le terrain, car nous ne voulons pas que des troubles éclatent à la faveur de l’obscurité », a confié à IRIN Salifu Sa’eed, un haut fonctionnaire.
« La situation restera fragile tant qu’ils ne désigneront pas un remplaçant pour occuper le trône laissé vacant depuis la mort du roi Na Abarika, il y a trois ans », a-t-il prévenu.
De violents affrontements avaient opposé le 9 janvier des partisans des deux prétendants à la grande chefferie des Nanumbas, un groupe ethnique du nord du Ghana, dont la principale ville est Bimbilla. Ces affrontements ont fait plusieurs blessés par balles et à la machette, mais aucun mort n’a été déploré.
Selon la presse locale, les incidents de Bimbilla, une localité située à plus de 400 kilomètres au nord de la capitale Accra, ont éclaté lorsque des partisans d’un prétendant au trône ont accusé leurs rivaux d’être responsables de la coupure de courant qui s’est produite pendant une cérémonie de baptême.
Et à en croire certains analystes, ce type d’incident illustre bien la manière dont des problèmes mineurs de la vie quotidienne, peuvent faire ressurgir des conflits latents liés à la chefferie, et dégénérer en de violentes affrontements.
Le Ghana a un puissant et complexe système de chefferies que les colonisateurs anglais ont renforcé et encouragé. Depuis l’indépendance du pays, les politiciens ghanéens ont toujours sollicité le soutien des chefs coutumiers qui, avec l’accroissement de la population et la rareté des terres, jouent un rôle majeur dans la résolution des litiges fonciers.
Le plus puissant chef coutumier du Ghana est sans conteste le Ashantehene, le roi des Ashantis, un des plus importants et des plus influents groupes ethniques du pays. Le président John Kufuor appartient à cette ethnie et son parti, le NPP (New Patriotic Party) – le parti au pouvoir - est fortement implanté dans la région Ashanti.
A Yendi, une localité à 60 kilomètres de Bimbilla, des incidents similaires se sont produits en mars 2002. Le Ya Naa, roi de l’ethnie Dagomba s’était fait décapité et 29 membres de son clan tués. La tête du Ya Naa n’a jamais été retrouvée – ses assassins non plus – et les cérémonies prévues pour son enterrement ont plusieurs fois été reportées par crainte de nouveaux affrontements.
Le Chambre régionale des chefferies du Nord (Northern Regional House of Chiefs), un Conseil traditionnel composé des plus grands chefs coutumiers de la région, devra se prononcer en mars prochain sur la succession au trône de Bimbilla, mais les précédentes rencontres n’ont fait qu’attiser les rancoeurs.
« Les affrontements ont commencé lorsque la chambre régionale des chefferies a repris ses délibérations. Le retard dans la prise de décision n’a certainement fait qu’accentuer le désespoir et l’angoisse des clans rivaux qui défendent énergiquement leurs causes », a expliqué M. Sa’eed.
De l’avis de certains experts, même si le Ghana est considéré comme l’un des pays ouest africains politiquement stables, les conflits entre les chefferies et les clans ethniques peuvent être préjudiciables à la stabilité du pays et aux programmes de développement.
« Ces conflits peuvent constituer une menace pour le pays si on n’y prend garde. Nous ne devons pas les considérer comme des conflits locaux mineurs, car ils peuvent s’accumuler et se transformer en crises plus graves, surtout lorsqu’ils ont des connotations politiques », a expliqué Emmanuel Bombande, Directeur général de West African Peace Building Network, une organisation spécialisée dans la résolution des conflits.
En 1994 et 1995, la ville de Bimbilla a été le théâtre de sanglants affrontements entre les Nanumbas et les Kokombas, un autre groupe ethnique. Un désaccord mineur sur le prix des pintades au marché local avait alors déclenché les hostilités entre ces deux clans.
Dans ce conflit où les protagonistes ont fait usage de fusils AK-47, quelque 2 000 personnes ont été tuées, 200 000 autres ont été déplacées et plus de 400 villages ont été détruits. La paix n’a pu être rétablie qu’après l’instauration de l’état d’urgence et l’envoi de l’armée dans la région.
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