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Soigner les personnes vivant avec le VIH, la vocation d’Elizabeth

[Ghana] Korle Bu Hospital in Accra. The main hospital in Ghana. IRIN
Le travail d'Elizabeth Nunoo à l'hôpital de Korle Bu, à Accra, est éreintant, mais aussi dangereux
Sur ses 18 ans de carrière d'infirmière, Elizabeth Nunoo en a déjà passé 12 à s'occuper des personnes vivant avec le VIH: un choix qui, dans un pays confronté à une grave pénurie de personnels de santé, s'apparente à un véritable sacerdoce. «La majorité des personnels de santé qui travaillent dans [des] services [de prise en charge du VIH/SIDA] le font uniquement par dévouement et parce qu'ils ressentent le besoin de tendre la main à des personnes que la société a abandonnées», a expliqué cette infirmière du service des maladies infectieuses de l'hôpital de Korle Bu, à Accra. Ce service de l'hôpital de référence de la capitale ghanéenne est l'un des cinq centres du pays habilité à prescrire des antirétroviraux (ARV), des médicaments dont bénéficient aujourd'hui moins de 5 000 personnes, sur les 72 000 qui en auraient besoin au Ghana. Faire les lits, aider les patients à se laver, les nourrir et leur administrer leurs traitements font partie des tâches que cette femme de 49 ans effectue quotidiennement, tentant d'apporter du réconfort à des patients séropositifs souvent très faibles, que leur famille ne peut ou ne veut plus prendre en charge. «Des personnes viennent et abandonnent les membres de leur famille qui souffrent de maladies chroniques, dans l'espoir que ces derniers meurent à l'hôpital», s'est désolée Mme Nunoo. «Mais après quelques mois de soins attentifs, la plupart d'entre eux se rétablissent. En fait, ici, on est un peu comme une grande famille», a-t-elle ajouté avec un large sourire. Malgré ces rares moments de satisfaction, la fatigue physique et morale, les frustrations, le stress incessant et la surcharge de travail, conséquences de la grave pénurie de travailleurs de la santé, sont très difficiles à gérer, a reconnu Mme Nunoo. Car en dépit de la volonté affichée par les autorités d'accélérer l'accès au traitement du sida, les candidats à la prise en charge des patients vivant avec le virus ne sont pas légion : seule une vingtaine de médecins permanents assure cette mission dans les cinq centres de distribution d'ARV du pays, et cette pénurie de professionnels, due en partie à la «fuite des cerveaux», risque de compromettre la réalisation de ces objectifs. Les services VIH/SIDA désertés par les professionnels Un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publié en avril a révélé que près d'un médecin sur quatre formés au Ghana travaillait aujourd'hui à l'étranger, principalement en Europe et aux Etats-Unis. Selon ce rapport, le Ghana compte un médecin pour près de 6 700 habitants - contre un pour environ 220 en Belgique, et un pour 400 aux Etats-Unis. Dans certains districts ruraux du pays, selon les autorités ghanéennes, le ratio est d'un médecin pour 100 000 habitants. Et l'hémorragie de travailleurs sanitaires ne semble pas se tarir : d'après une étude commandée par le gouvernement ghanéen, plus de 60 pour cent des professionnels de la santé actuellement en exercice au Ghana affirment vouloir partir travailler à l'étranger. Au service des maladies infectieuses de Korle Bu, deux médecins, aidés d'une poignée d'infirmières, s'occupent de façon permanente des dizaines de patients hospitalisés -dont au moins une vingtaine pour des infections liées au VIH --, souvent plusieurs semaines. Outre le manque de médecins, les services spécialisés doivent gérer le «désintéressement» des médecins, y compris des jeunes, à travailler dans ces unités, a dit Prince Dela Boni, directeur adjoint des ressources humaines du Service de santé du Ghana. «On constate une importante rotation du jeune personnel dans les services VIH/SIDA», a-t-il noté. «Aux yeux des jeunes médecins, pour la plupart inexpérimentés, travailler au sein de ce service n'est pas gratifiant». Le médecin le «plus ancien» à exercer dans le service des maladies infectieuses de Korle Bu est là depuis à peine trois ans, a précisé Mme Nunoo. Chaque jour de consultation, trois fois par semaine, entre 150 et 200 patients défilent dans les couloirs de cette unité. Ces jours-là, en plus de ses tâches habituelles, Mme Nunoo assiste l'équipe des deux médecins, renforcée pour quelques heures par quatre autres praticiens venus d'autres services de l'hôpital. La stigmatisation liée au virus et les mauvaises conditions de travail expliquent en partie le refus de la majorité des personnels sanitaires de se consacrer à la prise en charge du VIH, a reconnu M. Dela Boni. En avril, les professionnels de la santé de Korle Bu ont entamé une grève pour réclamer de meilleures conditions de travail, et notamment une hausse des salaires. Le salaire moyen avant impôts d'une infirmière est actuellement de 1,2 millions de cedis (130 dollars), celui d'un médecin de 2,1 millions (230 dollars). Le président ghanéen John Kufuor a alors assuré les grévistes que le gouvernement prévoyait d'améliorer leurs conditions de travail et qu'une augmentation de salaire pour les travailleurs du secteur de la santé était à l'étude. La décision du gouvernement est attendue dans les prochaines semaines. La peur de l'infection Une autre conséquence des mauvaises conditions de travail, a souligné Mme Nunoo, est l’infection au VIH. Comme ses collègues, elle a été à plusieurs reprises exposée à ce risque dans le cadre de son activité professionnelle, et comme eux, elle s'est déjà soumise à plusieurs reprises à des tests de dépistage, dont les résultats sont confidentiels. Depuis août 2004, le Ghana a développé une politique de lutte contre le sida sur les lieux de travail. L'hôpital de Korle Bu assure la prise en charge de son personnel en cas d'infection, qu'il s'agisse du VIH ou de toute autre maladie, et dispose depuis peu de kits dits de prophylaxie post-exposition, qui permettent de donner un traitement ARV préventif à des personnes ayant été exposées au VIH. Pour réduire à la fois le risque d'infection et le coût de la prise en charge, les responsables de l'hôpital incitent leurs employés à porter des équipements -gants, vêtements- qui permettent de limiter le risque de piqûre accidentelle avec une seringue infectée et d'éviter le contact avec les fluides corporels. Au-delà du VIH, l'autre risque est d'être infecté par la tuberculose, première infection opportuniste liée au virus, dont souffre la majorité des patients hospitalisés dans le service des maladies infectieuses de Korle Bu. Officiellement, la politique de l'hôpital prévoit que tout le personnel effectue chaque année une radio des poumons, mais elle n'est pas appliquée. Lorsqu'elle a des doutes, Mme Nunoo va elle-même effectuer les examens nécessaires, à ses frais. Dans ces conditions, exercer une profession médicale dans un service de prise en charge du VIH/SIDA ressemble presque à une vocation, et ils sont peu à l'avoir. Mme Nunoo n'a pas choisi de travailler dans un tel service. Lorsqu'elle y a été mutée, elle a accepté le poste pour ne pas perdre son emploi. Mais par la suite, c'est elle qui a choisi d'y rester. «Bien que notre travail ne soit pas bien payé, c'est toujours un plaisir de voir nos patients se rétablir. C'est très gratifiant de les entendre dire que nos soins leur ont redonné espoir», a-t-elle dit simplement. Mais en dépit de sa bonne volonté, Mme Nunoo a reconnu qu'elle était parfois découragée par les mauvaises conditions de travail et le manque de reconnaissance. «Il faut que les travailleurs sanitaires qui s'occupent des malades atteints du VIH/SIDA se sentent soutenus par un gouvernement qui apprécie leur contribution, se soucie de leur bien-être, écoute leurs doléances et leurs problèmes liée à l'exercice de la profession et les traite de manière convenable», a-t-elle plaidé.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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