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“Un salaire, pas une indemnité !”

[Mali] Awa Coulibaly, who lives with the virus for five years, urges on rehabilitation of HIV-positive people in working places, Sikasso, east Mali, May 2005. IRIN
Licenciée parce que devenue ‘inefficace’ pour son employeur, A. a trouvé dans le militantisme de quoi satisfaire son besoin d’action
A. n’a toujours pas accepté son licenciement pour cause ‘d’inefficacité’ : à près de 50 ans, cette mère de quatre enfants, séropositive et militante active de la lutte contre le VIH, appelle à la réinsertion des personnes infectées dans le monde du travail. “Il faut des salaires pour les personnes qui vivent avec le VIH/SIDA, pas des indemnités ! Des salaires ! Nous sommes déjà diminuées par le virus, et en plus on nous enlève notre emploi ! Mais comment peut-on acheter nos médicaments alors ? Comment peut-on vivre, s’acheter une maison, assurer l’avenir de nos enfants ?”, tempête A., une grande et forte femme devenue, par la force des choses, membre de l’association des personnes qui vivent avec le VIH de Sikasso. Plus précisément, A. est ‘secrétaire à l’information’ de l’association Jigui ou ‘Espoir’ en bambara, la langue en usage dans le sud-est du Mali, qui regroupe 68 membres, participants actifs d’une lutte qui se déroule au grand jour. “Le VIH est devenu ma vie, je passerai le reste de mes jours à en parler”, affirme-t-elle, les larmes aux yeux. Pour ce qu'elle appelle pudiquement une 'indemnité', elle conseille et encourage les candidats au dépistage au sein du Cerkes, le seul centre de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA de Sikasso, une ville carrefour entre le Mali, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, située à quelques 400 kilomètres de Bamako, la capitale. Pour elle, ce soutien est vital. Soutenu par des partenaires étrangers et le gouvernement malien, ce centre conseille, dépiste, soutient et soigne gratuitement un millier de personnes, dont 172 sous antirétroviraux (ARV), des médicaments qui prolongent l’espérance de vie des patients. “Je me suis battue pendant 15 ans pour bâtir l’avenir de mes enfants”, explique A., qui travaillait dans une entreprise florissante de la ville. “Avec le VIH, j’ai tout perdu et je suis démunie.” Un large pan de la vie d’Awa s’est effondré le jour où son patron lui a signifié “qu’elle devenait inefficace”, raconte-t-elle, lui qui lui avait promis un nouvel ordinateur et des leçons de conduite. Déjà, il multipliait les gestes déplacés et les remarques acides, la privant, par exemple, de l’accès aux toilettes et à l’eau courante. “Oh… toi aussi” C’est lui qui avait fait remarqué, fin 2001, à A. ces tâches sur sa figure. Il revenait alors d’un voyage à l’étranger et elle en avait été toute meurtrie, d’autant plus que ses amies semblaient, elles aussi, inquiètes de l’apparition de ces dermatoses. “Oh, toi aussi…”, lui avait dit l’une d’entre elles en soupirant. Quelques semaines plus tard, en janvier 2002, son patron, qu’elle n’osait plus approcher, lui annonçait le recrutement d’un jeune homme et son propre licenciement. “J’étais désespérée”, raconte-t-elle. “Je sortais de la maison tous les jours, je restais dehors jusqu’au soir, comme d’habitude, pour que personne ne sache que je n’avais plus d’emploi. Je n’avais plus un ‘rond’.” “J’étais moins efficace peut-être, mais c’est à ce moment-là que j’avais besoin de lui ! Il devait m’aider !”, affirme A. qui dit avoir été régulièrement malade depuis 2000. A. sait exactement quand et comment elle a été contaminée par le VIH : lors de son avortement pour cause de grossesse extra-utérine et d’hémorragie interne à l’hôpital de Sikasso, une grande ville à l’intersection du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire, à environ 400 km à l’est de Bamako, la capitale du Mali. Elle a eu beau recouvrir d’un pagne la table d’opération couverte du sang d’une précédente patiente, rien n’y a fait. “Je ne veux même pas imaginer l’état des instruments des infirmières”, souffle-t-elle. “J’aurais dû refuser de me coucher là, je connaissais parfaitement les modes de contamination : j’étais alors animatrice en IST (Infections sexuellement transmissibles) et VIH en brousse.” A. apprendra plus tard que c’est dans le sang d’une co-épouse d’une amie, morte peu après du sida, qu’elle s’est couchée. Elle a alors 43 ans, quatre enfants, une co-épouse et un vieux mari. “Comment l’annoncer à mon mari ?”, s’interroge-t-elle. “J’ai vécu un an avec mon virus, sans lui dire. Comme j’étais souvent malade, je refusais de faire l’amour, je lui disais que c’était le préservatif ou rien, que je ne voulais pas l’entraîner dans la mort et laisser nos enfants seuls.” “Il disait que les préservatifs, c’était bon pour les maîtresses, pas pour les femmes. Mais un jour je lui ai dit ‘Je te veux’ et il a essayé, il a aimé et nous avons continué comme ça”, poursuit A. Il n’apprendra sa séropositivité que quelques mois plus tard et l’admettra sans difficultés, selon elle. Un salaire pour valoriser les personnes infectées Le manque de revenus est plus important que son statut sérologique, souligne A. Le futur de la famille se brouille. “On est locataire, mais ça ne peut pas durer”, explique-t-elle. “Il faut une maison aux enfants, pour quand je ne serai plus là. Mais comment faire sans salaire ?”, dit A. qui évalue à environ 500 dollars le coût d’une maison à elle, une fortune pour le couple. “Mon mari se fait vieux, les affaires ne marchent pas bien et pourtant, il faut que les enfants fassent des études”, raconte-t-elle. Après le déclenchement de la guerre en Côte d’Ivoire, en septembre 2002, les mouvements de populations et de marchandises se sont considérablement taris, et Sikasso a perdu de sa superbe. Autrefois centre commercial, la bourgade accueille désormais plus de déplacés de guerre et de désoeuvrés que d’hommes d’affaires et de commerçants. Et le petit commerce de bonbons et de biscuits qu’A. avait démarré avec ses filles de 18 et 22 ans, pourtant destinées à être comptable et aide soignante, peine à démarrer. “On ne peut pas continuer comme ça, nous les gens qui vivons avec le VIH”, s’emporte-t-elle. “Nous devons être associés à la réflexion sur la réinsertion dans la vie active, pour améliorer nos conditions de vie, pour que nous puissions manger et nous soigner.” Son ex-patron semble en être convaincu, au point d’être venu présenter ses excuses à A., à qui il rend souvent visite désormais, et lui proposer de travailler pour lui… mais en restant chez elle. “J’ai fait ça pendant trois mois, pour mes enfants. Et puis j’ai arrêté. C’est mieux comme ça”, affirme cette femme de conviction, devenue militante malgré elle. “Maintenant je me bats pour rehausser l’image de ceux qui vivent avec le VIH.” “Vous voyez, nous sommes capables de travailler. Et quand on fait bien son boulot, on devient incontournable, nous comme les autres !”

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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