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La caravane de l’espoir tente de briser les tabous

[Mauritania] The Caravan for hope tries to break AIDS taboos in southern Mauritania, May 2005. IRIN
Une équipe de 25 animateurs a préparé le spectacle ‘spécial VIH’ donné à la tombée de la nuit devant un public nombreux et attentif
Sur un puissant fond sonore, écran géant à l’appui, la caravane de l’espoir, véritable salle de spectacle ambulante, a bouclé la première étape de sa tournée 2005 de sensibilisation contre le VIH/SIDA dans la vallée du fleuve Sénégal, au sud de la Mauritanie. Parler aux populations rurales du VIH/SIDA et briser les tabous liés à l’épidémie au sein de sociétés souvent très conservatrices en faisant rire et chanter, tel est le but que s’est fixée l’organisation mauritanienne Nedwa qui gère ce camion-podium. En cette fin avril, il vient d’arriver à Tiguent, une petite ville située sur l’axe routier qui relie Nouakchott, la capitale mauritanienne, à Rosso au sud, une ville frontalière avec le Sénégal sur les rives du fleuve Sénégal. A bord de la caravane, une équipe de 25 personnes, essentiellement des animateurs issus de toutes les communautés de la région, prépare le spectacle ‘spécial VIH’ qui sera donné à la tombée de la nuit, comme dans toutes les villes-étape de la caravane. Ce soir-là, c’est le chanteur Cheikh ould Elabyad, sosie du chanteur algérien Khaled et très populaire dans la ville arabophone de Tiguent, qui a été choisi pour être l’un des animateurs phares de la caravane. Ses chansons à thème, ‘Stop sida’ et ‘Préservez-vous contre le sida’, sont déjà connues du public. Prévenu par une voiture équipée d’un haut-parleur qui a sillonné la ville dès les premières heures du jour, le public, hommes, femmes et enfants, est venu se masser sous la lumière des projecteurs, assis sur le sable ou debout, tapant des mains. A Tiguent, comme à Mbagne, Rosso, Bogué, Bababé et Kaedi, dans la vallée du fleuve, le spectacle a attiré des foules nombreuses, jusqu’à 7 000 spectateurs en une seule soirée, qui ne repartent que lorsque le camion ferme ses portes. “C’est un rêve devenu réalité”, a confié Jon Shadid, responsable et co-fondateur de la caravane. “Nous n’avions jamais pensé que le public resterait quatre heures durant à écouter parler de sexualité et de maladies sexuellement transmissibles”. Utiliser les langues locales pour faire passer le message Casquette sur la tête et un planning de la soirée sous le bras, Papa Diallo, coordinateur des animations de la caravane, surveille les réactions des spectateurs. Le planning est constamment revu, en fonction de la réactivité de la foule. “Nous devons chaque soir évaluer le public pour comprendre ce qui va l’intéresser”, explique Diallo. “En fonction des populations, les priorités et les centres d’intérêts sont différents, s’adapter est capital pour faire passer le message”. Grâce à de la musique, des petits films-fictions produits localement et des sketches réalisées par les animateurs de l’association SOS Pairs Educateurs, venus de Nouakchott, la caravane tente de sensibiliser les populations de cette vallée rurale au VIH/SIDA.
Le public de Mbagne, un village de pêcheurs, est particulièrement attentif aux messages des animateurs, qui parlent en langue locale
Sur un ton enjoué ou grave, en taquinant parfois le public, les animateurs passent en revue les modes de transmission et de prévention du virus, les tabous, la responsabilité, les conséquences de l’infection et abordent le problème des infections sexuellement transmissibles. Ils invitent parfois un médecin local à monter sur scène pour appuyer leurs messages, de même qu’un représentant des autorités, comme le hakem (préfet) ou le maire, pour parrainer la soirée et lui donner une caution parfois nécessaire, ont expliqué les organisateurs. Pour atteindre leurs objectifs, les animateurs s’expriment en langues locales. Trois langues ont été utilisées à Rosso, deux dans le reste des villes, composées de Peuls et de Maures. “Même si on aperçoit un seul Maure, un seul Pulaar, il faut qu’on s’adresse à lui, donc on fera un résumé dans sa langue”, a raconté Soya Watt, l’une des premières paires éducatrices de la caravane. “La meilleure prévention, c’est l’information” Fabriqué en Côte d’Ivoire, le camion-podium est arrivé en Mauritanie en 2003 et a commencé à sillonner l’intérieur du pays l’année dernière. Cette année, la caravane doit visiter trois nouvelles régions et a programmé 54 animations contre 36 lors de la précédente tournée. Trois nouveaux films courts ont été produits et 200 000 dépliants d’information de base doivent être distribués au public au cours des tournées prévues en 2005. Financé par l’organisation américaine Worldvision, le camion est aujourd’hui géré par Nedwa, tandis que la tournée à travers le pays et le projet ont reçu l’appui financier du Secrétariat national exécutif de lutte contre le sida (SENLS), de Worldvision et du Fond des Nations Unies pour l’enfance (Unicef), en association avec d’autres partenaires locaux. “Nous choisissons une entité géographique, comme cette tournée de la vallée du fleuve”, a expliqué Gibril Sy, président de l’association SOS pairs éducateurs qui a formé les animateurs de la caravane. “Cela nous permet de circuler avec une même équipe pendant deux semaines et d’unifier les messages”. A Mbagne, sur les rives du fleuve Sénégal, c’est le chanteur pulaar Moussa Sarr, drapé dans un superbe boubou moutarde, qui a chanté contre le sida. Originaire de Kaedi, à quelques kilomètres de là, il connaît la poésie locale et les mots qui touchent la population de ce village de pêcheurs. “Dès qu’on sent que le public a pigé, ça nous chauffe, nous les animateurs”, témoigne Aminata Ly, paire éducatrice de la caravane. “On le voit tout de suite. Le lendemain aussi avant de quitter la ville, on rencontre des habitants et quand ils parlent de sida, ça nous rassure, c’est déjà beaucoup”.
Sur un ton enjoué ou grave, en taquinant parfois le public, les animateurs passent en revue les modes de transmission et de prévention du virus>
Partie fin avril de Nouakchott, la ‘caravane de l’espoir’a sillonné pendant plus de deux semaines la région du fleuve, une frontière naturelle avec le Sénégal à l’extrême sud de la Mauritanie, pour sensibiliser les populations au VIH. “Les Mauritaniens ont souvent plusieurs partenaires sexuels et si nous ne faisons rien, la prévalence du sida pourrait exploser dans le pays”, a insisté Shadid. “La meilleure prévention c’est l’information”. Le taux de prévalence en Mauritanie est officiellement estimé à 0,6 pour cent mais selon plusieurs organisations humanitaires il pourrait être beaucoup plus élevé dans ce pays ou peu de statistiques sont disponibles. Selon Sy, le niveau d’information des populations rurales en matière de VIH est encore très faible, comparable à celui des habitants de la capitale il y a cinq ans. Inciter les différentes générations à dialoguer Lever les tabous est l’autre but de la ‘caravane de l’espoir’. Sur ce point, les discours ont parfois leurs limites, ont reconnu ses initiateurs. “Selon le public, nous sommes obligés de centrer le message sur l’abstinence, la fidélité, sur la méfiance de l’autre”, a dit Aminata Ly, pair-éducatrice. “Prôner l’utilisation du préservatif nous vaut d’être accusé d’inciter les gens au vagabondage sexuel”. “Nous en parlons en dernier ressort”, a confirmé Diallo, le coordinateur de la caravane. “A Mbagne, par exemple, le public est très conservateur, il faut savoir comment s’adresser à toutes les générations en même temps et les inciter à dialoguer”, a expliqué Watt. “Plus que de parler de préservatif, on préfère souvent projeter un film qui montre son utilité à travers l’histoire de deux jeunes qui veulent avoir un rapport sexuel par exemple”, a précisé la pair éducatrice. Abdulaye Ndiagne, un lycéen venu assister au spectacle donné à Mbagne, partage son avis. “Dans notre société halpulaar, il y a des sujets tabous. Je ne peux pas m’exprimer devant mes vieux, par exemple, encore moins leur parler de sexualité”. Frustré, il aurait d’ailleurs aimé que les animateurs aillent plus loin. “Sensibiliser sur le sida, c’est dire tout”, a estimé Ndiagne. “J’aurais voulu qu’on montre comment utiliser les préservatifs, même si c’est sur un écran, dans un film. Il y a tellement de jeunes qui ne savent pas bien s’en servir, qui déchirent le paquet avec les dents ou qui ne regardent pas la date”. La distribution de préservatif n’est pas prévue à bord de la caravane. “Ce n’est pas envisageable devant le grand public”, a expliqué Sy. “Par contre nous essayons de mettre en place des réseaux de personnes relais dans chaque ville, des pairs éducateurs, pour une distribution plus efficace”. L’absence de personnel médical au sein de la caravane est un choix délibéré, selon les animateurs. “C’est important que le message passe par des gens formés en communication”, a estimé Watt. “Faire des sketchs pour parler du sida, ce n’est pas le travail d’un médecin, il n’aura pas forcément les mots pour faire rire”.

This article was produced by IRIN News while it was part of the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs. Please send queries on copyright or liability to the UN. For more information: https://shop.un.org/rights-permissions

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