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Le médiateur culturel, un nouveau métier humanitaire en plein essor

Ahmad Al Rousan is a cultural mediator for an MSF project in Rome providing psychological first aid to asylum seekers Sara Creta/MSF
L’une des conséquences de l’essor fulgurant du nombre de migrants et de réfugiés atteignant l’Europe est un envol de la demande pour un métier humanitaire d’un genre relativement nouveau : le médiateur culturel.

En tant que premier contact auquel les réfugiés ont affaire à leur arrivée, les médiateurs culturels jouent un rôle crucial : ils traduisent, informent, et jouent bien souvent les intermédiaires avec les autorités locales. Ils renseignent les migrants sur leurs droits et sur les services auxquels ils ont accès dans leur nouveau pays. Ils leur expliquent également les différences culturelles utiles à connaître pour évoluer en pays étranger, tout en transmettant les informations essentielles aux travailleurs humanitaires.

En Italie, en particulier, les organisations d’aide humanitaire ont sans cesse besoin de davantage de personnes capables de servir de lien avec les migrants et les réfugiés. L’agence des Nations Unies pour les réfugiés, le HCR, a récemment annoncé des postes en Sicile, et les universités du sud de l’Italie commencent à proposer des masters dans ce domaine.

L’université de Catane décrit son cursus d’un an comme « une formation de conseillers et d’informateurs spécialisés dans le domaine des droits civils, de la migration et de la médiation culturelle et linguistique ».

Parler la bonne langue

Sur les près de 600 000 migrants et réfugiés ayant traversé la Méditerranée par bateau cette année, 137 000 ont débarqué en Italie, faisant du pays le deuxième point d’entrée en Europe après la Grèce.

La barrière de la langue est l’un des principaux obstacles auxquels les autorités italiennes sont confrontées à chaque nouvelle arrivage. « C’est le problème majeur en Italie aujourd’hui en matière d’accueil des réfugiés : le manque de communication », a dit à IRIN le médiateur culturel sénégalais Moussa Mbaye.

Depuis 2011, M. Mbaye travaille comme médiateur culturel dans le plus grand centre d’accueil pour demandeurs d’asile du pays – le centre CARA de Mineo, en Sicile. Sur les quelques 3 000 demandeurs d’asile qui y vivent, certains attendent que leur demande soit examinée depuis plus d’un an. En attendant, leur liberté de mouvement est restreinte, ils n’ont pas le droit de travailler et ils reçoivent une modeste allocation de 2,50 euros pour acheter de la nourriture et autres denrées de base à Mineo – une ville de 5 000 habitants à 60 kilomètres de Catane.

Après 16 mois passés à Mineo, Salomon, un jeune nigérian de 25 ans, vient tout juste de voir sa demande d’asile rejetée.

« Comment peuvent-ils attendre de ces jeunes hommes qu’ils ne travaillent pas, ou qu’ils se fassent des amis dehors la nuit pendant un an ? Personne ne parle anglais, à l’exception des médiateurs culturels », a-t-il dit à IRIN.

Favoriser l’intégration

M. Mbaye joue souvent les intermédiaires, en traduisant et en expliquant les préoccupations des demandeurs d’asile aux autorités, et vice versa. « Il était plus facile de gagner la confiance des Italiens travaillant ici que celle des réfugiés originaires d’Afrique de l’Ouest, car la plupart ignorent ce que font les médiateurs culturels et ont tendance à se montrer plus suspicieux », a-t-il dit.

D’après lui, le rôle de la médiation culturelle est cruciale pour faciliter l’intégration des migrants dans la société italienne, en particulier lorsqu’ils tentent d’accéder à des services publics fondamentaux comme les services de santé.

« La Constitution italienne garantit le droit à la santé pour tous sur le territoire italien, mais il est difficile de trouver ici des médecins travaillant en hôpital public qui sachent parler l’anglais ou le français », a dit Andrea Bellardinelli, le coordinateur italien de l’ONG médicale Emergency.

Pour résoudre ce problème, l’organisation est intervenue auprès du ministère italien de la Santé et d’autres organismes gouvernementaux en charge de la santé des réfugiés et des migrants, afin de solliciter le recrutement de davantage de traducteurs et médiateurs culturels.

« Les médiateurs culturels sont essentiels », a dit M. Bellardinelli à IRIN. « Ils sont un lien fondamental entre les patients et les médecins. Notre approche de la médecine et du traitement médical n’est pas la même en Occident et en Orient. D’autres cultures estiment que c’est l’estomac qui tient lieu de ce qu'est le cœur pour nous ».

Depuis juillet, l’ONG dispense les premiers secours aux réfugiés et migrants secourus par les garde-côtes italiens et conduits jusqu’aux ports siciliens de Catane et d’Augusta. Ils utilisent des cliniques mobiles, où des équipes de médecins et de médiateurs culturels se tiennent prêtes à intervenir en cas de nouveaux arrivages, 24h/24, 7 jours/7.

Visages familiers

C’est un avantage lorsque les équipes comptent parmi leurs membres des immigrés originaires du même pays ou de la même région que les réfugiés. Les équipes d’Emergency dans les ports siciliens incluent un Syrien, un Marocain et un Érythréen.

Ils assistent le personnel médical dans la fourniture des premiers secours et expliquent brièvement aux réfugiés la manière dont le système de santé italien fonctionne. « Notre mission est de servir d’intermédiaire entre les médecins et les patients », a dit Khalid Brouir, le médiateur marocain d’Emergency, à IRIN. « C’est important non seulement pour les premiers secours, mais aussi pour la vie future et l’intégration de ces réfugiés en Italie. Il est essentiel d’être en bonne santé pour obtenir un travail, par exemple. »

Plus les réfugiés ressentent d’affinités avec les médiateurs culturels, plus ces derniers peuvent se montrer efficaces. Salima Karroum avait 18 ans lorsqu’elle a quitté Lattaquié, en Syrie, pour s’installer en Italie dont sa mère est originaire. Aujourd’hui, elle assiste les Syriens originaires de sa région natale à leur arrivée en Italie.

« Le fait de pouvoir aider ces familles est une expérience très forte pour moi », a-t-elle dit à IRIN. « Cela fait des années que j’ai quitté la Syrie, et voir autant de vies anéanties, autant de personnes arrivant en Europe… des enfants, des femmes, des personnes âgées – c’est choquant. J’ai à la fois une immense peine et une immense joie à les recevoir. »

Surmonter les traumatismes

Au-delà des informations concernant la manière d’accéder aux services de santé italien, les médiateurs culturels renseignent aussi les réfugiés sur les droits qui sont les leurs en Europe.

« Les gens qui arrivent ici en Italie ne réalisent pas qu’ils ont des droits, même s’ils n’ont pas de papiers », a dit Ahmad Al Rousan, qui travaille pour Médecins sans frontières à Rome, à IRIN. « Ils ont le droit de voir un médecin. Ils ont le droit d’interrompre une grossesse. Ils n’ont plus besoin d’accepter la violence. »

M. Rousan travaille comme médiateur culturel dans le cadre d’un projet MSF de premiers secours psychologiques (PSP) proposé aux demandeurs d’asile du centre bénévole Baobab et d’un camp de transit voisin géré par la Croix-Rouge italienne à la gare Tiburtina de Rome.

La plupart des occupants de ces deux centres sont des Nigérians, des Érythréens et des Soudanais ayant rejoint l’Italie en passant par la Libye, et qui tentent à présent de rallier le nord de l’Europe. Ils sont nombreux à avoir été battus, kidnappés ou violés durant leur périple jusqu’en Italie. « Toutes les personnes que j’ai rencontrées ici ont vu quelqu’un mourir, que ce soit dans le désert en route pour la Libye ou en mer Méditerranée », a dit M. Rousan.

Les équipes de premiers secours psychologiques de MSF organisent des sessions de groupe à l’occasion desquelles les réfugiés peuvent partager leurs expériences, poser des questions, se pencher sur leurs souvenirs et commencer à surmonter leurs traumatismes.

« Les médiateurs culturels sont indispensables pour nous aider à comprendre certaines choses que les réfugiés ne verbalisent pas, comme les peurs, les croyances et les pensées relevant de leur culture », a dit Lilian Pizzi, la psychothérapeute avec laquelle M. Rousan travaille à Rome.

Mme Pizzi a dit à IRIN que les réfugiés parlaient rarement des violences sexuelles subies dans le cadre des sessions de groupe, mais qu’elle-même et M. Rousan leur dispensaient des sessions d’écoute privées.

« Nous parler les aide à comprendre ce qui leur est arrivé, et ils peuvent ainsi réfléchir à leurs souvenirs et penser à un nouvel avenir », a dit M. Rousan.

Film de Ricci Shryock

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