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Ebola effraie les candidats infirmiers au Libéria

A nursing student, Marconi H. Collins,  caring for a patient at the Redemption Hospital on the Bushrod Island. Prince Collins/IRIN
Comme des centaines d’autres étudiants-infirmiers au Libéria, Jerry Songu aurait dû commencer son internat ce mois-ci, l’ultime étape avant d’obtenir son dipôme et son permis d’exercer. Au lieu de cela, il a choisi de mettre ses études et sa future carrière en suspens.

« Ebola ne connaît pas de frontières », a dit le jeune homme de 36 ans, étudiant en troisième année à l’école communautaire de soins infirmiers de Cadwell à Moravia, la capitale. « Le virus a tué des infirmiers diplômés d’État et peut également tuer des infirmiers en stage. Ce n’est pas une chose à prendre à la légère. »

« Pour ma part, j’ai décidé d’attendre jusqu’à ce que tout [l’épidémie d’Ebola] soit entièrement terminé », a-t-il dit à IRIN. « Ma vie est importante et je dois tout faire pour la protéger. De grands médecins [expérimentés] sont morts d’Ebola dans ce pays, alors qui suis-je pour prendre ce risque ? Je ne suis qu’un étudiant. Il n’y a pas d’urgence. »

Le Libéria souffrait déjà d’une importante pénurie de médecins et d’infirmiers avant que l’épidémie d’Ebola ne se déclare. Le système de santé peinait à se reconstruire au lendemain de la guerre civile de 1999-2003 qui avait fait plusieurs centaines de milliers de morts et avait détruit les infrastructures du pays. Le redressement du secteur médical était cruellement lent, en raison du manque d’écoles et de formations de qualité et des mauvaises conditions de salaire.

Puis le pays a perdu près de 200 professionnels de santé avec l’épidémie meurtrière d’Ebola, qui a fait plus de 11 000 victimes dans tout l’Ouest africain. Alors que de nombreux Libériens écartent totalement la possibilité d’une carrière médicale de peur d’attraper le virus, la situation est de plus en plus deséspérée.

M. Songu n’est certainement pas le seul. Avant l’épidémie, le pays enregistrait en moyenne 1 000 étudiants-infirmiers par an. Cette année, ils ne sont qu’environ 400 à s’être inscrits.

Morris Nyanfore est professeur en soins infirmiers à Monrovia. Lorsqu’il a évoqué l’internat avec ses élèves, la plupart se sont montrés réticents. « Nous leur avons expliqué tout ce qu’il leur fallait faire [pour se protéger] lorsqu’ils se rendent à l’hôpital », a-t-il dit. « Mais la plupart ont exprimé leur peur d’attraper la maladie. »

Peser les risques

Ebola a été confirmé pour la première fois au Libéria le 30 mars 2014. Le pays a brièvement été déclaré exempt d’Ebola en mai 2015, mais l’épidémie a refait surface le 30 juin. Aucun nouveau cas n’a été signalé depuis la mi-juillet.

Plus d’une vingtaine d’internes en médecine affectés à différents centres de santé à travers le pays sont décédés en 2014 après avoir contracté Ebola, affirment les autorités. Au moins 192 professionnels de santé libériens sont morts au total.

Les autorités sanitaires ont tenté de rassurer les étudiants-infirmiers en déclarant que le risque de contracter Ebola était assez faible. Bien qu’il n’existe aucun programme d’assistance spécifique pour les personnes désireuses de devenir infirmier ou médecin, le gouvernement a fourni des équipements de protection supplémentaires et a enseigné aux étudiants à se protéger contre le virus.

Mais de l’avis de beaucoup, ce n’est pas assez.

« Nos administrateurs doivent se montrer raisonnables, et attendre un peu avant de nous faire intégrer l’internat », a dit Martha Clinton, 28 ans, étudiante en deuxième année à l’école communautaire de soins infirmiers de Bushrod Island, en périphérie de Monrovia. « L’autre jour, Ebola a refait surface dans ce pays alors que l’on ne s’y attendait pas. Le virus peut aller et venir. »

Mme Clinton refuse elle aussi de commencer l’internat tant que la région ne se sera pas entièrement débarrassée d’Ebola.

« Je sais que c’est très important de faire mon internat, mais j’ai tellement peur d’Ebola », a-t-elle dit à IRIN. « Je ne veux pas être la prochaine victime, comme mes collègues qui ont fait leur internat l’année dernière. Nos voisins sont encore en proie à Ebola. Pourquoi devrions-nous nous dépêcher de le faire ? Nous devons attendre un peu. Ma vie passe en premier. »

Au Libéria, les infirmiers gagnent jusqu’à 125 dollars par mois dans les hôpitaux publics, et jusqu’à 150 dollars dans les cliniques privées. Pour beaucoup, ce n’est pas assez pour justifier de tels risques, surtout que de nombreuses autres professions moins risquées en proposent autant.

« J’ai beaucoup de mal à prendre ma décision [de commencer l’internat] », a dit Annie Wlojo, 31 ans, étudiante-infirmière à Monrovia. « J’ai deux enfants en bas âge et je subviens seule à leurs besoins. Je ne veux pas que mes enfants souffrent [si je meurs d’Ebola]. Alors j’ai décidé de remettre à plus tard ma décision de commencer l’internat. »

« Notre pays a besoin de nous »

En dépit du climat de peur généralisé, on compte encore quelques étudiants-infirmiers désireux de poursuivre leurs études pour venir en aide à autrui.

« Oui, ça n’a pas été une décision facile à prendre », a dit Joe Smith, 34 ans, qui vient tout juste de commencer l’internat au Redemption Hospital de New Kru Town. « J’y ai bien réfléchi à de nombreuses reprises, puis j’ai fini par décider de me lancer. Je crois que notre pays a vraiment besoin de nous en ce moment. »

Marconi Collins, qui travaille comme interne en soins infirmiers dans le même hôpital, s’est dite prête à travailler au service des malades, malgré sa peur d’Ebola.

« Si nous décidions tous de ne pas faire l’internat, qu’en serait-il de notre pays ? », a-t-elle demandé. « Je sais qu’Ebola est dangereux, mais nous devons servir l’humanité. Je porte mon EPI [équipement de protection individuelle], et je prends garde à ne pas toucher les patients à mains nues. J’évite de toucher les fluides [corporels]. Nous devons aider nos concitoyens, car nous ne pouvons pas attendre des étrangers qu’ils viennent chez nous pour le faire. »

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