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S'attaquer aux racines de la crise des Rohingyas

Thousands of Rohingya asylum seekers attempting to reach Malaysia have ended up in the hands of traffickers. MAPIM
Alors que la police malaisienne exhume les fosses communes  retrouvées dans les camps servant au trafic d'êtres humains le long de la frontière thaïlandaise, les nations de l'Asie du Sud-Est subissent des pressions pour faire cesser ce terrible commerce en s'attaquant aux racines du problème.

Richard Towle, le représentant du Haut Commissariat des Nations Unies (HCR) en Malaisie, dit que la crise actuelle est « une occasion unique » de donner une nouvelle impulsion aux efforts diplomatiques déployés pour lutter contre le trafic des êtres humains et remédier aux problèmes sous-jacents qui conduisent bon nombre de personnes à quitter leur pays.

« La résolution des causes profondes doit s'inscrire dans une série de mesures ; dans le cas contraire, nous nous attaquerons aux symptômes et non pas aux causes », a dit à IRIN M. Towle, dans le cadre d'un entretien mené dans les bureaux du HCR à Kuala Lumpur.

La majorité des 3 300 migrants arrivés en Malaisie, en Thaïlande et en Indonésie, et les 2 600 migrants qui seraient en perdition en mer après avoir été abandonnés par leurs passeurs et trafiquants sont des Rohingyas originaires du Myanmar. Les Rohingyas, une minorité musulmane persécutée, sont privés de leur citoyenneté depuis 1982.

Lire : Tous à la mer : comprendre les tenants et les aboutissants de la crise migratoire en Asie du Sud-Est

Il serait peut-être plus facile de s'attaquer aux réseaux de trafiquants que de lutter contre la discrimination systématique à l'égard des Rohingyas au Myanmar, une discrimination qui les pousse à monter dans les bateaux des trafiquants.

Des signes montrent que les pays de la région commencent à prendre la question au sérieux. Depuis l'apparition des premiers bateaux surchargés de migrants affamés dans la mer d'Andaman à la mi-mai, trois sommets ont été organisés, notamment à Bangkok, le 29 mai. Alors que les efforts de recherche et de sauvetage se poursuivent pour retrouver les bateaux en perdition, la Malaisie, qui préside l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) cette année et le Conseil de sécurité des Nations Unies ce mois-ci, a proposé la tenue d'un nouveau sommet.

« La crise migratoire devrait être réglée au niveau de l'ASEAN avec l'aide d'autres pays et d'organismes internationaux, si nécessaire », a dit le Premier ministre malaisien Najib Razak aux délégués à la Table ronde Asie-Pacifique organisée à Kuala Lumpur cette semaine. « Nous ne parviendrons à éradiquer ce commerce de la misère humaine que si les pays travaillent à l'unisson ».

Abdul Hamid, un membre de la Rohingya Society in Malaysia, un groupe de soutien aux réfugiés qui compte plus de 10 000 membres, a salué les efforts entrepris par les pays de l'ASEAN pour travailler avec le Myanmar et trouver une solution à la crise, mais il doute d'une issue positive. « Nous savons qu'ils n'écouteront pas l'ASEAN. Ils n'ont pas peur de l'ASEAN ».

Nicholas Farrelly, qui est chercheur au Collège de l'Asie et du pacifique à l'Université nationale australienne de Canberra, dit que la situation est un « défi complexe ».

« Le casse-tête des Rohingyas n'est pas nouveau », a-t-il dit à IRIN. « C'est une plaie vive dans les zones frontalières entre l'Etat de Rakhine, au nord du pays, et le sud-est du Bangladesh. Ce qu'il faut, c'est un nouveau pacte qui change l'équation de manière véritable et durable pour les Rohingyas de Malaisie et d'ailleurs ».

Il y a trois ans, les violences communautaires entre les bouddhistes et les musulmans ont fait 200 victimes dans l'ouest de l’État de Rakhine. Le gouvernement a parqué des milliers de Rohingyas dans des camps sordides ; leurs déplacements sont très restreints et ils ont un accès limité aux soins de santé et à l'éducation. Bon nombre d'entre eux décident de fuir par la mer et les passeurs, dont certains sont des trafiquants, étendent leurs opérations pour répondre à la demande.

D'après le HCR, 88 000 personnes - des Rohingyas et des Bangladais - ont entrepris la traversée du golfe du Bengale depuis le début 2014. L'agence estime que quelque 1 000 personnes sont mortes pendant le trajet. Bon nombre d'entre eux avaient la Malaisie pour destination : des dizaines de milliers de Rohingyas vivent dans le pays, en marge de la société, ils travaillent clandestinement et ne peuvent pas envoyer leurs enfants à l'école.

Ce sont les efforts entrepris par la Thaïlande pour sévir contre les trafiquants qui les ont conduits à abandonner leur marchandise humaine en pleine mer et qui a précipité la crise actuelle. L'Indonésie et la Malaise ont commencé par renvoyer les bateaux avant  d'autoriser les migrants à débarquer, à condition que les nouveaux arrivants soient réinstallés dans un pays tiers dans un délai d'un an.

La Malaisie compte déjà 152 830 réfugiés et demandeurs d'asile enregistrés auprès du HCR ; plus de 90 pour cent d'entre eux sont originaires du Myanmar. Les États-Unis, qui ont de loin le programme de réinstallation le plus important au monde, ne devraient accueillir que 7 500 personnes originaires du Myanmar et installées en Malaisie cette année, dans le cadre d'un processus qui prend généralement 18 mois.

« Pour la majorité des réfugiés, la réinstallation n'est pas la solution », a dit à des journalistes malaisiens Anne Richard, la Secrétaire d’État adjointe américaine pour le Bureau de la population, des réfugiés et des migrations (BPRM). « Elle concerne les personnes qui ne peuvent pas rentrer chez elles. Il est évident que cela n'est pas première solution ; les personnes ne devraient pas avoir à quitter leur pays en premier lieu ».

Les États-Unis ont appelé le Myanmar à restaurer la citoyenneté des Rohingyas et Naypyitaw n'a eu cesse de souligner qu'il avait lancé un programme de vérification de la citoyenneté, qui vise à accorder la citoyenneté aux Rohingyas qui y ont droit. Mais le programme a eu peu de succès jusqu'à présent et a été décrié par la communauté rohingya et le reste de la population. Les bouddhistes nationalistes de l’État de Rakhine s'opposent au programme et bon nombre de Rohingyas refusent d'y prendre part, car ils seraient contraints d'indiquer qu'ils appartiennent à la communauté « bengalie » et donc qu'ils viennent du Bangladesh.

Si le Myanmar a participé au sommet régional organisé à Bangkok vendredi dernier, la déclaration officielle publiée après la rencontre ne mentionne pas les Rohingyas, contrairement à une liste de propositions d'action rendue publique par le HCR, l'Organisation internationale pour les migrations et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), ce qui a alimenté les critiques de la société civile. Mais ceux qui ont participé à ces négociations soulignent que l'ASEAN est en mesure d'influencer le Myanmar.  

« Depuis plusieurs années, nous avons des discussions au sein de l'ASEAN sur la démocratisation et l'ouverture [au Myanmar] », a dit à IRIN l'ancien ministre des Affaires étrangers indonésien lors d'un entretien. « Vous ne le savez peut-être pas, mais nous avons très souvent eu des discussions houleuses ».

La région a accueilli un nombre bien plus important de réfugiés par le passé, notamment des boat people vietnamiens et des personnes déplacées par la guerre au Cambodge. La Malaisie a également accueilli des milliers d'Indonésiens originaires d'Aceh pendant les décennies de conflit dans la province indonésienne et leur a délivré un permis de travail temporaire après le tsunami de 2004.

Le HCR espère qu'une autorisation similaire sera accordée aux milliers de Rohingyas qui devraient rester en Malaise à long terme.

« Tout le monde serait gagnant », a expliqué M. Towle. « C'est une bonne chose pour les gens de pouvoir vivre ici, dans la légalité. Cela les protège des agents et des employeurs abusifs. C'est une bonne chose pour les employeurs d'avoir une population légale qui se trouve sur place de toute façon, et pour le gouvernement, cela veut dire que les populations sont visibles et cela lui permet de s'attaquer aux problèmes criminalité en profondeur. L'alternative, c'est de laisser les populations dans l'économie souterraine, sans les enregistrer et sans avoir d'informations sur elles ». 

km/ks/ag-mg/amz

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